Chapitre 24

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Une fois seule, elle lâchait ma main et continua à marcher, les bras croisés. J’observais autour de nous et me rapprochais d’elle pour lui caresser le dos.


— Qu’est-ce qu’il se passe ? lui demandais-je calmement.

— Rien. J’avais juste besoin de sortir un peu.

— À cause de ta mère ? Ne te fâche pas avec elle pour ça. C’est normal qu’elle veuille s’assurer que tu sois heureuse. La mienne aurait fait la même chose.

— Je m’entends bien avec elle, mais elle veut toujours tout savoir. Elle ne comprend pas que j’ai besoin de garder certaines choses secrètes et que je n’ai pas forcément envie de tout lui dire.

— Et pourquoi ça, tu ne lui dis pas ? Elle t’aime Véra, ça se voit. Elle veut seulement ton bonheur.

— Je sais, mais je n’ai plus dix ans. Je n’ai plus besoin qu’elle soit tout le temps sur mon dos.

— Tu crois vraiment que c’est ce qu’elle fait ? Parce que je n’en ai pas l’impression. Si vraiment elle était tout le temps sur ton dos, tu ne serais même Impératrice et elle vivrait ici, avec toi.

— J’en ai trop fait, c’est ça ?

— Je pense qu’il faut que tu te détendes un peu. C’est le mariage de Marcus, profites-en. Je m’occupe de tout.

— Tu sais que tu es formidable toi ?


Elle posa une main dans mon dos pour me rapprocher d’elle. De l’autre, elle caressa mon visage.


— Quelqu’un va nous voir, Véra, soupirais-je.

— Je t’aime Élia. Heureusement que tu es là pour moi.

— Je t’aime aussi.

Elle m’embrassa rapidement avant de reprendre mon poignet. On retourna dans la Salle de bal et elle me lâcha quelques minutes avant.

— Est-ce que ça te dérange si je dis à ma mère que… tu es ici ?

— Si ça peut t’éviter de te fâcher avec elle, non. Mais rien de plus d’accord. Je ne voudrais pas que…

— Ne t’inquiète pas. Je ne te brusquerais pas. Je ne dirais que ce que tu as envie que je dise.

— Merci.


Elle entra dans la salle de bal et je la suivis quelques minutes plus tard. En entrant, je la vis discuter avec sa mère. Je me rapprochais de la table du buffet et Marcus m’interpella.


— Élia, tu chantes comment ?

— Heu… plutôt bien, je crois.

— La chanteuse du groupe de musique est rentrée chez elle. Elle ne se sentait pas bien. Il leur faudrait une remplaçante.

— Quoi, moi ? C’est hors de question, je ne peux pas faire ça.

— S’il te plaît Élia.

— C’est non Marcus. Je ne peux pas. Je ne vais pas y arriver.

— Aurais-tu peur ?

— Ce n’est pas ça. Je n’ai jamais chanté en public et…

— Je dois aller demander à Véra ?

— C’est bon, je vais chanter. Mais je fais ça uniquement parce que c’est ton mariage.

— Merci Élia, merci.


Il n’y avait que pour lui que je pouvais accepter de chanter sans préparation, devant autant de personnes. Mon point fort, c’était la danse. Le chant était celui d’Iléna. Je respirais un grand coup avant de rejoindre les musiciens.


— Il parait qu’il vous faut une chanteuse.

— Tu sais chanter ? m’interrogea le batteur.

— Suffisamment pour ne pas me ridiculiser.

— Tu connais Je te suis de Loi(s) ? On a les paroles si tu veux.

— Je veux bien les relire une fois.

— Prends ton temps, on va jouer une musique sans paroles en attendant.

— Merci.


Cette chanson correspondait parfaitement à ce j’étais qu’était capable de faire pour Véra. Sans elle, ma vie ne valait pas la peine. Ma maison, c’était là où elle était. J’étais prête à la suivre jusqu’au bout du monde. Je relus rapidement d’autres paroles de chansons et prévint les musiciens que j’étais prête. Le guitariste me donna des écouteurs et m’aida à le mettre en place. Je m’avançais ensuite vers le micro et fermais les yeux quelques instants, respirant profondément.


— C’est quand tu veux.


Devant la scène, j’aperçus Marcus souriant, Isa dans ses bras. Véra ne m’avait pas encore remarqué.


— C’est bon, on peut y aller.

— Parfait.


Je posais mes mains sur le micro et fermais à nouveau les yeux pour les rouvrir quand la musique démarra. Je commençais ensuite à chanter et tourne le regard vers Véra. Elle tourna aussitôt la tête vers moi, coupant sa discussion. Elle avant reconnu ma voix. Elle me sourit et je me concentrais un peu plus sur la musique, observant tous les inviter. En arrivant au deuxième vers, je me sentis plus à l’aise et lâchais le micro pour jouer avec mes mains au rythme de la musique. Au refrain, mon regard se détourna sur Véra. Je ne l’avais pas choisie, mais cette chanson lui était destinée et elle avait compris. Elle s’était rapprochée de la scène, maintenant à côté de Marcus.


— Elle est incroyable, réussis-je à lire sur les lèvres de Marcus.

— Je suis d’accord, lui répondit Véra en me souriant.


La musique se termina et tout le monde applaudit. Véra m’adressa un clin d’œil avec un sourire avant de retourner auprès de sa famille. Complètement rassuré par cette première chanson réussie, j’enchaînais les suivantes pendant plus de deux heures. Quand les musiciens n’eurent plus besoin de moi, je retournais à mon poste et vérifiais qu’il ne manquait rien. Alors que je m’apprêtais à faire un tour en cuisine, une main se posa sur mon épaule pour m’en empêcher.


— Élia, c’est ça ? Est-ce qu’on peut discuter ?


Je me tournais et aperçus la tante de Véra et Marcus. Elle était aussi grande que Véra et ses longs cheveux blonds bouclés lui tombaient au creux des reins. Ses yeux bleu clair étaient rehaussés d’une légère touche de maquillage. Sa robe violette était simple. À bretelle et courte au niveau des genoux, accompagnés de petite bottine noire. Un pendentif en argent ornait son cou. Sur sa tête, un diadème du même métal faisait ressortir son magnifique blond. Pourtant, plus je l’observais, moins je voyais de ressemblance physique avec Véra. Elles n’avaient rien en commun, hormis la taille.


— Heu… oui. Bien sûr Votre Altesse, bégayais-je.


À ce moment-là, je redevenais l’adolescente intimidée par une personne royale. Je n’arrivais plus à aligner deux mots, comme lors de mes premiers jours ici et je ne cessais de garder les yeux baisser.


— Allons dans le jardin, on sera plus tranquille.


Sa main glissa dans mon dos pour me pousser délicatement jusqu’aux jardins. On marcha en silence pendant cinq bonnes minutes. Je n’osais prononcer le moindre mot. À côté d’elle, je me sentais ridiculement petite et insignifiante.


— Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu ma nièce avec un si grand sourire, commença-t-elle, sa main toujours dans mon dos. Et avec ce que j’ai vu avant le mariage, je sais que c’est grâce à toi.

— Je n’ai pas fait grand-chose en réalité, répondis-je peu sûr de moi.

— Tu as toujours si peu confiance en toi ?

— Possible.

— Tu rends ma nièce heureuse, Élia. Et rien que pour ça, je t’apprécie. J’aimerais bien que tu me parles un peu de toi.

— Il n’y a pas grand-chose à dire. Mon père est mort quand j’avais trois ans, ma mère vit seule dans une maison qui coûte cher et m’as sœur as été kidnappée. J’ai dix-sept ans et j’aime la danse.

— Ma mère biologique est morte quand j’en avais sept. J’ai entendu le coup de feu qui là tuer. J’ai la chance d’avoir une bonne mémoire et de me souvenir d’elle.

— Excusez-moi, je ne savais pas.

— Ce n’est rien. Est-ce que quelqu’un recherche ta sœur ?

— Oui.

— Qu’est-ce que tu sais de l’histoire de ma famille et du coup de celle de Véra ?

— Pas grand-chose, répondis-je en jouant avec mes doigts. Je sais qu’on l’étudie au lycée, mais ma mère m’a sortie de l’école à treize ans.

— Pourquoi ? C’est pourtant obligatoire.

— L’éducation oui, pas l’école. L’école n’était pas faite pour moi, je n’y ai jamais rien compris. Après mes treize ans, c’était ma mère qui me faisait cours à la maison, voir ma sœur parfois.

— Quel âge à ta sœur ?

— Vingt-trois ans, comme Véra.

— Je comprends. Véra t’en parlera peut-être un jour. Mais tu dois savoir que biologiquement, je n’ai rien à voir avec Véra. Ma mère biologique s’appelle Océane et mon autre mère Elena, est la grand-mère biologique de Véra et Marcus. Océane et Elena étaient mariées. En tout cas, j’ai été ravie de pouvoir discuter un peu avec toi. Tu es bien entourée avec ma nièce et mon neveu, mais ne t’avise pas de leur faire du mal.

— Jamais ! Marcus est mon meilleur ami et j’aime Véra. Je ne pourrais jamais leur faire du mal, ils en ont tellement fait pour moi.

— Tout va bien alors. Je ne vais pas te retenir plus longtemps, tu peux retourner à tes occupations.

— Merci, Votre Altesse.


Elle s’éloigna, me laissant seule dans le jardin. Je réfléchis quelques instants sur ce qu’on venait de se dire, continuant de marcher. La tante de Véra, comme sa mère et son oncle avaient deux mères. Comment avaient-elles pu se marier alors qu’une loi l’interdisait ? Comment avaient-ils pu me le cacher après ce qu’il s’était passé ?

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