Chapitre 13

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Près d’une heure plus tard, la porte de la cuisine s’ouvrit subitement et j’entendis le claquement des talons de Véra. Elle devait être furieuse.


— Élia, ne refait plus jamais ça !

— Margot est là ? demandais-je en me levant et en me tournant vers elle.

— Non. Elle est occupée ailleurs. Pourquoi tu ne m’as pas répondu ?

— J’avais besoin d’un peu de temps.

— Qu’est-ce qu’il se passe, mon ange ?


Elle posa ses mains sur mes épaules mais je me défilais, m’éloignant d’elle. Ce n’était pas contre elle que j’en voulais et pourtant, il n’y avait que contre elle que je pouvais tout dire et même m’énerver.


— Élia…

— Je vous avais dit de ne pas intervenir !

— Je voulais seulement t’aider, mon ange.

— Vous n’avez fait qu’envenimer la situation !

— Tu sais quoi, allons discuter ailleurs.

— Margot ne veut pas que nous soyons seules.

— Qui a dit qu’on serait seule ? Je vais demander à Marcus d’être notre témoin. Aller vient.


Elle attrapa ma main, entremêle ses doigts avec les miens et me tira à l’extérieur de la cuisine. Son contact m’électrisa et un frisson parcourut ma colonne vertébrale. Je n’aurais pas dû m’énerver. Je savais ce qu’elle ressentait pour moi, elle avait seulement voulu m’aider, comme elle me l’avait dit. En silence, je la suivis jusqu’aux appartements temporaires de Marcus et sa famille.


— Majesté ? Il se passe quelque chose ? s’inquiéta Isa en ouvrant la porte.

— Marcus est là ?

— Bien sûr, entrez.


Sans me lâcher la main, elle entra dans le salon. Marcus était assis sur le canapé, l’une des filles dans les bras.


— Marcus, est-ce qu’on te dérange ?

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

— J’ai besoin de toi. Je dois parler à Élia et comme Margot refuse qu’on soit seule toutes les deux…

— J’ai compris, j’arrive. Excuse-moi chérie.

— Ne t’inquiète pas Marcus, vas-y, je m’occupe des filles.

— Merci chérie. Je vous suis.

— Parfait.


Ma main toujours dans la sienne, elle nous conduisit jusqu’à son repère caché dans l’arbre. Marcus s’assit sur l’un des fauteuils en restant silencieux. Véra me lâcha enfin la main et se mit à faire les cent pas devant moi. Je m’appuyais contre l’une des bibliothèques et croisa les bras.


— Élia, comme je te l’ai dit, je voulais juste t’aider.

— Et je vous ai dit que je ne voulais pas que vous interveniez !

— Qu’est-ce qu’il se passe exactement avec Margot ?

— Sérieux ? Vous ne voyez pas qu’elle est juste jalouse ? Elle vous connaît depuis vous êtes née mais c’est avec moi que vous passer la plupart de votre temps. Elle se doute de quelque chose, Véra ! Elle n’aime pas nous savoir ensemble !

— Pourquoi elle se douterait de quelque chose ?


Elle se rapprocha de moi et me caressa le bras du bout des doigts. Elle releva mon visage jusqu’à ce que je croise son regard, ses yeux verts hypnotisant. Quand un sourire fendit son visage, je déglutis difficilement et me mordis la lèvre inférieure. Elle était tellement belle, là devant moi. Mon cœur s’accéléra dans ma poitrine et je sentis mes joues s’empourprer.


— Alors ? Pourquoi se douterait-elle de quelque chose ?

— Vous ne devinez pas ? repris-je à sa façon.

— Je ne peux pas deviner si tu ne dis rien, Élia.

— En fait, je ne sais pas ce que je ressens, mais je tiens à vous et…

— Je t’aime Élia, me dit-elle pour la première fois, et j’attendrais le temps qu’il faudra. Et même si elle se doute de quelque chose, c’est ma vie. Ce n’est pas elle de décider avec qui je veux passer le reste de ma vie. Ce n’est pas à elle de décider qui j’ai le droit d’aimer ou non. Et jamais, je ne la laisserais te faire du mal. Je te le promets, mon ange.


Elle me serra contre elle, ses bras autour de mes épaules. C’était la première fois qu’elle me disait clairement ce qu’elle ressentait pour moi. Et c’était à cause de ça que Margot voulait m’éloigner d’elle. Ma tête dans son cou, je laissais mes larmes couler. Quand elle frotta mon dos, je me décidais à tout lui avouer. Nous étions seules, avec seulement Marcus comme témoin et je lui avais déjà parlé de ma sœur. Il avait raison, j’avais peur d’être amoureuse. Peur de confier mon cœur à quelqu’un pour que la vie me le brise une nouvelle fois. Je m’éloignais d’elle, séchais mes larmes, lui tournant le dos, les bras croisés.


— Ma sœur n’a pas seulement été enlevée, commençais-je. Ils ont commencé par égorger son petit ami et quand elle a essayé de s’enfuir, ils l’ont rouée de coups, tout en évitant son ventre. Ils l’avaient entendu dire qu’elle était enceinte. Dès le début, j’ai compris qu’ils ne voulaient pas la tuer, juste l’amocher pour pouvoir l’enlever sans problème. Avec eux, il y avait un jeune de mon âge. Je voyais bien sûr son visage qu’il n’était pas d’accord avec ce qu’il se passait. C’est grâce à lui qu’ils ne l’ont pas…

— Je suis désolée, mon ange.

— Son dernier regard, il était pour moi, avant qu’elle ne perde conscience. Je suis restée cachée dans mon buisson jusqu’à la fin, sans pouvoir l’aider. Pourtant, je me dis que si je n’avais pas été là, personne n’aurait jamais su que c’était passé. J’ai peur d’apprendre qu’elle est morte, Véra, ajoutais-je en me retournant. J’ai peur d’apprendre que par ma faute, parce que je ne l’ai pas aidé, elle est morte et le bébé aussi.

— Qu’est-ce que je peux faire de plus pour t’aider, mon ange ?

— Laissez-moi du temps. Ce n’est pas plus mal que Margot m’ait chassée de la chambre. Je sais que je tiens beaucoup à vous, que j’apprécie être en votre compagnie mais après ce qui est arrivé à ma sœur…


Je regardais quelques instants Marcus, qui me souriait. Il avait suffi de quelques minutes avec lui pour qu’il comprenne et devine la bataille qui s’acharnait en moi. Dans mon cœur et dans mes pensées.


— J’ai peur de confier mon cœur à quelqu’un. J’ai peur qu’en vous aimant, je vous perde comme j’ai perdu ma sœur.

— Il ne m’arrivera rien, mon ange. Et je te promets de prendre soin de cœur comme si ce n’était qu’une boule de coton, si tu oses me le donner un jour.

— J’y arriverais un jour, je le sais.

— Alors j’attendrais ce jour avec impatience.


Elle me sera un peu contre elle, contre son cœur. Dans ses bras, je me sentais en sécurité. Que ce soit les hommes du Duc ou Margot, personne ne pourrait me faire du mal tant que je serais sous la protection de l’Impératrice. En faisant la comparaison avec du coton, Véra avait visé juste. Je m’attachais trop facilement aux gens et je finissais toujours par en souffrir. Avant d’arriver ici, seul Iléna et son meilleur ami, Jordan avait réussi à protéger mon cœur de coton. Aujourd’hui, c’était à Marcus et à Véra.


— Je te protégerais quoi qu’il arrive, Élia. Tu m’as fait revivre, je ne veux pas te perdre.

— Merci, terminais-je en séchant mes larmes.

— Prends ta soirée pour reprendre tes esprits.

— Mais…

— Non. Je ne veux pas te voir dans mes pattes avant demain matin. Enferme-toi dans la salle de bal, je t’enverrais quelqu’un avec les clés et de quoi boire et manger. Si tu as besoin de mettre la musique à fond, fais-le, d’accord ?

— D’accord.


Elle m’embrassa sur le front et commença à écarter le mur végétal avant de se retourner.


— N’oublie pas de répondre à mes messages cette fois, ajouta-t-elle en souriant.

— Je n’oublierais pas.


Dès que le mur végétal reprit sa place initiale, nous coupant du reste du monde, Marcus se leva et entoura mes épaules d’un bras. Comme avec Véra, sa présence était rassurante. En silence, il m’accompagna jusqu’à la salle de bal et attendit que la domestique envoyer par Véra, qui n’était autre que Sandra, nous rejoigne pour me laisser. Véra, comme lui, ne voulait pas que je reste seule après la révélation que je venais de leur faire et ça se comprenait.

Sandra posa sur une table un plateau de nourriture et des boissons et s’assit, les bras croisés. Je branchais mon MP3 à la chaîne hi-fi et lançais la musique. J’enlevais mes chaussures et me mis à danser, même si ma robe me gênait. Tout ce que je n’arrivais pas à exprimer avec des mots, je pouvais le faire avec la danse.

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