chapitre 20

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Lendemain matin, après une courte nuit de sommeil, Shawn a décidé d’aller en cours. Au moins, il ne se tritura pas la tête à essayer de trouver un sens à sa vie. Hier soir, après toutes ces péripéties, il est resté plusieurs heures, sur le qui-vive. Il s’attendait à voir débarquer à tout moment des agents de sécurité… Mais personne n’est jamais venu.

Shawn a pu se détendre, il n’y avait donc pas de caméras. C’est au moins un souci en moins ! Le jeune français se dirige vers la porte de l’amphithéâtre où il va avoir cours d’économie. Le jeune homme entre à l’intérieur et voit Sarah assise au premier rang, l’air studieuse, prête à travailler. Il s’approche d’elle et lui dit sur le ton de la plaisanterie :

- Tu n’as pas voulu monter toutes les marches avec tes béquilles ?

- Très drôle. Non j’ai décidé d’arrêter les conneries et de me mettre à travailler.

Shawn ne sait pas quoi dire, étonné du changement si rapide de son amie. Il se contente d’hocher la tête. Son amie semble très sérieuse et il ne veut pas la dissiper.

- Je peux quand même m’asseoir à coté de toi ?

- Si tu promets de ne pas parler.

Shawn s’installe à coté de son amie et commence à sortir ses affaires.

- Qu’est ce qui t’es arrivé, tu as l’air différente par rapport à hier ?

- Le doyen m’a convoqué, il me surveille. je suis en période d’essai. Je dois montrer que je veux réussir sinon good bye tout le monde!

Shawn déglutie avec peine, comprenant que la situation n’a rien de drôle et que l’avenir de son amie est en jeu. Il ressent une vive douleur au niveau de la poitrine, rien qu’en pensant à l’idée que Sarah puisse être renvoyé. Il est prêt à tout pour qu’un tel scenario ne se produise pas.

- Ok, je comprends mieux. Ne t’en fais pas, il est hors de question que tu t’en ailles. On va se tenir à carreaux.

Sans crier gare, Sarah frappe son ami d’une tape sur la tête. Shawn grimace, n’ayant rien vu venir. Il frotte son crane endolorie et regarde son amie sans comprendre.

- Qu’est ce que j’ai dit ?

- Ça c’est pour hier. Vous êtes vraiment irresponsable les mecs. Cela aurait pu vous coûter cher lui répond Sarah sur un ton furieux

- Merci Jamie murmure tout bas Shawn, imaginant déjà la vengeance sur son ami qui n’a pas su tenir sa langue.

Il allait sortir une excuse, mais le professeur fait son entrée et commence sans plus tarder son cours magistral.

A la fin de la journée, Shawn se rend à un autre type de cours. Il a rendez-vous avec son psychiatre. Après une attente d’environ 20 minutes, Myrick vient le chercher. Ce dernier sourit, un café à la main et fait signe à Shawn de s’asseoir.

- Fais comme chez toi, tu connais la maison.

- Merci répond l’étudiant avoir de s’asseoir dans le fauteuil confortable.

Le psychiatre s’installe en face de Shawn et le fixe sans parler. Le jeune étudiant se sent mal à l’aise, il n’aime pas qu’on le fixe aussi intensément. Il ne sait pas comment il doit se comporter. L’étudiant le regarde de la même manière, sans comprendre pourquoi il le fixe de cette façon.

- Qu’est ce qui se passe ? J’ai quelque chose sur le visage ou quoi ?

- Non, rien de tel, je te rassure. Tu as l’air d’aller bien mieux que la dernière fois. Cela se voit sur ton visage.

- Vous lisez en moi comme dans un livre ouvert dit Shawn, commençant à se détendre.

Myrick se contente de sourire affectueusement. Shawn repense à tous les événements qui se sont passés depuis la dernière fois où il a vu son psy. Le jeune patient ne sait pas s’il va vraiment mieux. Mais en tout cas une chose est sûr, il est différent, dans tous les sens du terme. La découverte de ses pouvoirs, le meurtre des voyous et le document retrouvé dans le dossier d’une personne portant le même nom de famille que lui. Il avoue que cela fait un peu beaucoup pour un seul homme, surtout en si peu de temps. Mais au moins, il n’entend plus de voix, ce qui est déjà une excellente nouvelle en soit.

Après avoir échangé des banalités, Myrick rentre dans le cœur du sujet et demande :

- J’aimerais bien qu’on parle de ta venue en Amérique. Pourquoi ce pays ?

Shawn hausse les épaules, il réfléchit quelques secondes avant de dire :

- J’avais besoin de partir loin de mon orphelinat. Je commençais à étouffer et la vie parisienne ne m’enchantait pas vraiment. Trop stressante ! Je n’avais jamais voyagé alors j’ai sauté sur la première occasion qui se présentait à moi.

- Oui mais tu aurais pu aller en Angleterre ou en Espagne, un pays plus proche… alors pourquoi les Etats-Unis ? Ce n’est pas vraiment la porte à coté. Ne me dis pas que c’était pour le rêve américain?

Shawn rit en secouant la tête.

- Non, j’espère en fait découvrir mes origines.

Le psychiatre fronce les sourcils, visiblement intrigué par les dernières paroles de son jeune patient. Shawn ne sait pas pourquoi, il lui a dit ça, pourquoi il a était aussi honnête. Lui qui a toujours du mal à dire ce qu’il ressent réellement. C’est juste qu’il se sent en confiance avec le praticien, le voyant un peu comme un père de substitution.

- Tu peux approfondir ? Ça m’intéresse demande Myrick, désireux d’en savoir d’avantage.

Maintenant qu’il a commencé à parler, Shawn a envie de vider son sac. Il veut tout lui dire, partager ses impressions. Tout en omettant le passage sur ces pouvoirs surnaturels. Ça ferait un peu trop.

- Juste avant ma dernière année de lycée, j’ai fouillé dans les registres et j’ai su que mes parents étaient américains mais rien d’autre. Aucune trace d’eux. J’ai donc décidé de venir ici. C’est un peu comme un pèlerinage si vous voulez. En plus, j’avais reçu une documentation sur la faculté de Chicago, alors que je n’avais rien demandé. Pour moi c’était un signe du destin, j’ai sauté sur l’occasion et me voilà.

- C’est assez étrange en effet.

- Je n’ai jamais parlé de ça à personne et je me demande pourquoi je le fais maintenant.

- Ca prouve que tu me fais confiance. Mais tu sais les Etats Unis, c’est vaste. Tu ne trouveras peut être jamais ce que tu cherches. Il faut aussi te préparer à cette éventualité

- Je sais mais comme on dit tant qu’il y’a de la vie il y’a de l’espoir.

- C’est tout à fait vrai ! La police n’a pas pu t’aider dans tes recherches ?

- Ils n’ont rien trouvé. Il n’y a aucune trace de mon existence, nulle part. Un peu étrange d’ailleurs, c’est comme si on ne voulait pas que je déterre mon passé.

- Et d’après toi, est ce que l’on a besoin de connaître ces origines pour se connaître soi-même.

- Je n’espère pas sinon je suis mal barré lui répond Shawn, sur un ton humoristique.

Myrick sourit avant de consigner certaines idées par écrit. Shawn regarde le bloc notes d’un air faussement soupçonneux.

- Est-ce qu’un jour, j’aurai le droit de lire ce que vous écrivez sur moi ?

- Je crains fort que non. Mais ne t’en fais pas il n’y a rien d’important. Juste quelques idées à ajouter à ton dossier.

- Un jour j’aimerais bien voir la taille de mon dossier. Il doit ressembler à un bottin téléphonique, non ? dit Shawn en riant.

- C’est vrai que je n’en jamais vu de plus gros ajoute Myrick en entrant dans le jeu de son patient.

Shawn s’apprête à dire quelque chose lorsque le réveil sur le bureau de son praticien se fait entendre. Il s’agit de la fin de la séance. L’heure semble être passée très vite pour le jeune français. Il n’a pas eu l’impression de rendre visite à un praticien, mais plutôt d’avoir eu une discussion avec une connaissance. Myrick est vraiment doué pour mettre ses patients à l’aise et leur fait oublier qu’ils sont là pour suivre une thérapie. L’étudiant se lève avec un petit sourire sur les lèvres. Il se sent beaucoup mieux, cela lui fait du bien de se confier à quelqu’un, de pouvoir parler librement.

Il aimerait lui en dire plus, mais il sait qu’il existe des limites à ne pas dépasser. Shawn doit continuer à garder des choses enfouies en lui, s’il ne veut pas qu’on le juge et qu’on le considère comme un monstre. Cela le pèse mais ce n’est pas comme s’il avait le choix. Pour le moment, en tout cas, un jour peut être que les choses changeront. Mais pour l’instant, il doit tout conserver au fond de lui et tout enfermer à double tour dans une partie de sa mémoire.

- Je dois avouer qu’au début, j’étais un peu sceptique, mais ça me fait du bien de parler avec vous dit le jeune noir.

- Je suis content de l’apprendre. Mais tu sais, c’est mon boulot de t’aider à être capable de mieux affronter la vie.

- Je sais et vous le faites bien dit Shawn en hochant la tête, redevenant sérieux.

L’étudiant serre la main de son psychiatre avant de se diriger vers la sortie.

- A dans trois jours dit Myrick, en lui faisant un petit signe de la main.

Une fois que son patient a quitté les lieux, Myrick inscrit quelques petites anecdotes sur son bloc notes avant de se diriger, dans le but de se rafraichir, vers sa salle de bains privée. Il lui reste 15 minutes, avant que son prochain patient ne se présente.

Shawn dévale l’escalier d’un pas rapide, descendant les marches deux à deux, en sifflotant. Il ne sait pas pourquoi mais il se sent plus léger et serein. Il oublierait presque le fait qu’hier, il a appris être responsable de la mort de plusieurs personnes. Il s’agissait de personnes nuisibles mais ce n’est pas pour autant qu’il se sent moins coupable. Il a leur mort sur la conscience et c’est une croix lourde à porter. Ces personnes avaient des parents, des frères et sœurs, des personnes à qui ils manqueront. Un fardeau de plus qu’il doit rajouter à sa longue liste.

En tout cas, les séances chez son psychiatre lui font du bien, il se sent mieux en sortant. Comme quoi, ce n’est pas une généralité, tous les docteurs ne sont pas des charlatans. Et, ils ne passent pas leur temps à faire semblant d’écouter leurs patients en jouant aux mots croisés ou au solitaire sur leurs ordinateurs.

Au moment où il s’apprête à sortir dans la rue. Il s’aperçoit qu’il a oublié son portefeuille, sur le bureau de Myrick. Il secoue la tête, se reprochant son manque de vigilance et s’empresse de remonter les escaliers, tout en se demandant où il a la tête. En plus pour une fois, il ne pensait même pas à Sarah. Il n’a donc aucune excuse.

Lorsqu’il se trouve devant le bureau de Myrick, il ne voit personne, même pas la secrétaire. Elle a dû s’absenter un court instant, l’étudiant jette un petit coup d’œil à droite et à gauche avant de hausser les épaules et de frapper à la porte du bureau.

Personne ne lui répond et il n’entend aucun bruit. Il réfléchit quelques secondes, hésitant à entrer sans permission. Son aventure de la veille lui a suffi, il n’a pas envie d’entrer partout par effraction. Puis, il décide finalement d’y aller. Ce n’est pas comme s’il s’apprêter à voler quelque chose. La pièce est vide, aucune présence du médecin.

Une fois à l’intérieur. Il repère son portefeuille, bien en évidence sur la table, là où il l’avait laissé, après avoir payé les honoraires de la séance.

Il le récupère rapidement et le range dans son manteau. Au moment où il s’apprête à faire demi-tour, il remarque le bloc note de Myrick sur le bureau.

Shawn hésite quelques secondes, il sait qu’il ne devrait même pas y penser mais la tentation et la curiosité sont trop fortes. Il finit par écouter la petite voix dans sa tête et ne résiste pas à l’idée de jeter un coup d’œil au bloc notes.

L’étudiant ouvre le bloc notes et commence à froncer les sourcils en découvrant ce qu’il est en train de lire. Il finit par se concentrer sur la lecture, voulant en savoir d’avantage et feuillète tout. A fur et à mesure qu’il tourne les pages, il sent une profonde déception l’envahir, il n’en revient pas.

Alors qu’il commençait à avoir confiance en quelqu’un, il se rend compte qu’il n’en était rien. Il se sent trahit au plus profond de lui. Le docteur a joué à un double jeu avec lui, instaurant un climat de confiance pour mieux lui enfoncer un couteau dans le dos. Shawn sent une boule se former dans sa gorge. Il aurait envie de vomir, tellement tout cela l’écœure au plus haut point.

La colère au fond de lui le brûle littéralement, étant prête à s’exprimer sous forme de flammes mais il se retient. L’étudiant ne va pas brûler tout le bâtiment, même si ce n’est pas l’envie qui lui manque. Il est surtout en colère contre lui-même. D’avoir baissé sa garde, d’avoir été si imprudent et candide. Mais il se promet qu’il ne refera plus jamais la même erreur. Il se sent ridicule d’avoir cru qu’il pouvait avoir confiance en quelqu’un. Pourtant il a toujours su que la seule personne digne de confiance, c’était lui et personne d’autre. Il ne peut s’en vouloir qu’à lui-même d’avoir oublier sa règle numéro 1.

Toutes les anecdotes qui figurent sur le document sont toutes très virulentes à l’encontre du jeune garçon. Il tremble de tout son corps, tellement ce qu’il lit le fait souffrir. Il en pleurerait presque.

Certains messages affirment qu’il est en proie à la psychose, d’autres que sa tentative de retrouver ses parents cache quelque chose de plus malsain. Shawn ne lit même plus les messages, il tourne rapidement les pages et voit des mots entourés en rouge comme démence, violence, rage ou dédoublement de personnalité. Il frappe du poing sur le bureau, tellement il est furieux. Il voudrait frapper Myrick, jusqu’à ce que sa colère disparaisse, lui hurler au visage toute sa frustration. Mais il sait qu’il ne s’agit pas d’une option, il a déjà utilisé la violence comme moyen d’expression et cela ne lui a pas réussi.

Shawn est tellement bouleversé et plongé dans ses pensées, qu’il ne se rend pas compte que la porte de la salle de bains s’ouvre. Et que le docteur Myrick en sort avec une serviette sur le visage. Celui-ci reste pétrifié lorsqu’il voit son patient avec le bloc note entre les mains.

L’étudiant finit par remarquer la présence de son psychiatre, il se tourne dans sa direction et le regarde longtemps, droit dans les yeux sans dire un mot. Des larmes coulent le long de ses joues, sans qu’il s’en rende compte. Ses yeux expriment sa colère, sa rage mais surtout son incompréhension. Même s’il le voulait, il ne pourrait pas dire quoi que ce soit car sa colère est tellement forte qu’elle lui bloque les cordes vocales. Le climat dans la pièce devient lourd, pesant et le face à face silencieux dure un moment qui semble durer une éternité au jeune homme.

Se rendant compte de la situation, Myrick lève la main en signe de paix, voulant s’expliquer et calmer l’etudiant.

- Shawn, ce n’est pas ce que tu crois !

A ce moment, la porte du cabinet s’ouvre et la secrétaire de Myrick fait irruption dans la pièce avec une enveloppe, qui vient d’arriver par coursier. Elle se rend rapidement compte de la tension qui s’est installée dans la pièce. Elle regarde les deux personnes présentes en se demandant ce qui a bien pu se passer.

Elle s’apprête à parler dans le but de comprendre ce qui se trame. Mais Shawn ne la laisse pas prononcer le moindre son, il jette violemment le bloc note au sol avant de se diriger d’un pas rapide vers la sortie.

Le psychiatre se lance à sa poursuite mais il abandonne rapidement son idée lorsqu’il voit que le jeune noir a pris trop d’avance. Ce dernier est déjà en train de dévaler les escaliers en courant.

Il pousse un long soupir, ne sachant pas comment il va pouvoir récupérer la situation. Il sent le poids du regard de sa secrétaire dans son dos, mais il s’en moque.

- Mais que ce passe t’il ? J’ai interrompu quelque chose d’important ? demande t’elle, toute confuse.

- Laissez tomber lui répond Myrick sur un ton las.

Le psychiatre entre dans son bureau et claque durement la porte devant le nez de son employée, qui reste sans voix. Elle n’a pas l’habitude de voir son employeur agir ainsi. Lui qui est calme et serein dans toutes les situations. Mais elle ne demande pas son reste et retourne s’assoir, toute penaude à son bureau, attendant que l’orage passe.

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