10 mars
J'ai prévenu beaucoup de mes proches : mes parents, ma sœur, Esther, Antoine, Pierre, Laure, qu'un jour je partirai sans prévenir personne. Sans même savoir où j’atterrirai. À mon arrivée à Roissy - Charles de Gaulle je regarderai le tableau des départs et prendrai un billet simple pour la destination s'y trouvant au sommet. Strasbourg, Caracas ou Bangkok, le hasard décidera. Personne n'en saura rien.
Suis-je cruel, fanfaron ou peureux de prévenir ceux que j'aime que je ne les préviendrai pas ? Cherché-je égoïstement à me faire valoir à leurs yeux, à observer leur mine déconfite et à susciter des imprécations pour que je ne mette pas mon plan à exécution?
Toutes les actions de ma vie ont pour but de me rassurer. Éternel coupable en quête de grâce éphémère. Je crois être transgressif, supérieur car je clame à tous ma résignation à ne pas avoir d'enfant ou d'épouse. Oh, l'original ! Le nihiliste que voilà ! Je me permets même, si ce n'est de les regarder, au moins de les penser de haut. Cette originalité purement fabriquée, artificielle, n'est qu'un vulgaire cache-misère d'une soif inouïe de reconnaissance, un bouclier de cynisme pour refuser d'accepter ma condition d'être non-exceptionnel.
Journal je te l'avoue enfin ; à la façon de Dostoïevski : je suis un pou ! Un pou ! Comme vous tous ! Et je continuerai malgré tout à faire semblant de ne pas l'être...
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