Pédagogie ou Séduction ?

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Il ne faisait aucun doute que Simon accueillit la demande avec une joie profonde. Il n’en exprima pas moins une réserve feinte, modulant sa réponse avec une perplexité de façade mais avec un étonnement, qui lui, avait tous les accents de la vérité. Car, il n’aurait jamais espéré une disposition si favorable des évènements, un agencement de situation qui puisse lui donner l’opportunité, inespérée, de justifier une proximité avec Maria. Cependant, le jeune homme, tout entier à son excitation, ne considérait pas à sa juste mesure le caractère « inespérée », justement, de la situation. Il analysait simplement cette proposition comme un hasard prodigieux !

Les modalités de son enseignement furent vite arrêtées, Auguste proposait une contrepartie au service demandée : une petite rétrocession, officieuse, des frais engagés par l’université que Simon s’empressa de refuser. Son altruisme naturel et cet accommodement s’additionnaient parfaitement. Bien sûr, c’est l’altruisme qu’il invoqua. Mais Maria était-elle dupe ? Auguste lui n’en avait pas l’air…

A partir de ce jour il fut convenu qu’après les escapades géologiques du jeune homme, Maria retrouverait celui-ci, dans sa chambre, ce qui ajoutait encore à l’ambigüité de la situation, pour une à deux heures d’apprentissage.

La première séance, au-delà du tombereau d’émotions qui envahirent Simon, fut pleine de surprises. En plus de révéler une intelligence vive, Maria étonna l’apprenti professeur par sa curiosité d’un monde qu’elle ne connaissait pas. Ses questions étonnèrent le jeune homme par leur pertinence et par son aptitude à la synthèse. Ce premier « cours » fut plus une conversation, un échange où ni l’un ni l’autre n’avait le moindre ascendant. Simon, du haut de ses connaissances, toutes apprises sous l’angle d’une pédagogique s’inscrivant dans le temps, recevait les interrogations de Maria comme elles venaient. Pourtant cette spontanéité, loin de rendre chaotique le déroulement de la pensée, mettait en évidence des problématiques riches de sens. Elle suffoqua d’ailleurs le répétiteur par ses considérations profondes sur le sens de la vie. Cette sagesse, quant à lui, il n’avait pu l’éprouver qu’à la lecture d’ouvrages qu’il avait lus et relus pour pouvoir les digérer, en partie.

Le géologue comprit que les rudiments de lecture ne seraient qu’une facette du programme. Avec la jeune femme, le schéma classique « maître et élève » n’avait pas lieu d’être. Désormais leurs intérêts se confondraient.

Lui, sous l’emprise du charme étrange et enivrant qu’elle produisait, pourrait, à loisir, tenter de la séduire, assumer jusqu’au bout l’ambition de la posséder charnellement. Oui, c’était bien cela qui l’animait. Il avait admis, une bonne fois pour toute, d’accueillir sans aucune censure les inclinations de sa chair.

Elle, mais toujours au travers de sa perception à lui, montrait un appétit de connaissance, en apparence insatiable. Son bénéfice était donc, avant tout intellectuelle. Les sentiments qu’elle aurait pu éprouver pour le jeune homme demeuraient dans la limite floue que seules les femmes de grandes expériences savent user, sans en abuser, pour parvenir à un dessein qui demeure caché de leur obligé, laissant planer, sans en avoir l’air, une issue « heureuse » envisageable.

Toutes ses considérations ne se clarifièrent pas tout de suite, bien sûre. C’est au fil des échanges, lorsqu’elle écrivit ses premiers mots guidée par la main de Simon, lorsque son visage s’illumina pour la première fois, rayonnant de satisfaction après la lecture de sa première phrase, quand elle lui montra, avec une fierté pleine de reconnaissance ce qu’elle avait put écrire pour elle seule. C’est au fil de toutes ces étapes qu’elle franchissait avec une rapidité déconcertante et qui rapprochaient un peu plus chaque jour les deux jeunes gens que Simon trouva la posture qui s’imposait.

Le mois de mai avait fait place à juin, les nuits moins fraiches et les journées bien plus chaudes exaltaient les fragrances des mille plantes et fleurs qui s’épanouissaient sur le causse. Les corps, aussi, dévoilaient leur odeur dominante, comme les parfums développent la leur après avoir laissé à la peau qui les porte et à l’air qui les révèle le temps de s’exprimer. Bien qu’invisible, cette perception quasi inconsciente, réveillait l’élan vital qui avait poussé l’humanité à s’unir depuis la nuit des temps. Simon ne s’embarrassait plus depuis longtemps de donner le change. Il exprimait par des interventions amusantes et drôles, qui les réunissaient en des moments, précieux pour lui, par le même rire clair de la jeunesse, des allusions à peine voilées, des attentions anodines, tout le panel de celui qui fait la cour à sa belle, le désir ardent qui devenait chaque jour plus puissant.

Maria aussi libérait des émotions nouvelles et prometteuses aux yeux de Simon, son authenticité leurs donnait d’autant plus de valeur.

Auguste donnait l’apparence du bourgeois satisfait de sa transaction, aveugle au rapprochement subtilement sensuel des jeunes gens. Tout entier dans la joie de savoir sa fille sur le chemin « conformiste » de la connaissance. Bien loin de ce qu’un metge aurait pu lui enseigner. Cette situation le réconfortait, le sécurisait

Un soir, Simon se surprit à poser tendrement sa main sur la sienne, un bref instant elle entrelaça ses doigts dans les siens puis, pris une forte inspiration, la retira délicatement et le gratifia de ce regard qu’il n’avait vu nulle part ailleurs.

Un regard lourdement chargé de sens... mais quel sens ?

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