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Un soleil radieux illuminait le village. Le bruit des vagues parvenait jusqu’aux petites rues, mêlé d’embruns légers et de chants d’oiseaux. Tous deux s’étaient installés devant la maison claire, de part et d’autre de la porte entrouverte. Elle s’était assise sur un petit banc et profitait de cette belle journée. Il s’était installé à même le sol pour réparer un filet et avait étendu les mailles devant lui. Elle le regardait passer une navette entre les fils, nouant habilement les brins de ses mains agiles. L’aisance certaine et la rapidité de sa progression la laissaient admirative. Elle remarqua qu’il bougeait légèrement la tête, comme au rythme d’une musique imaginaire. Sa bonne humeur faisait plaisir à voir et elle se sentait heureuse qu’il soit si joyeux.

« Que chantes-tu ? » demanda-t-elle.

Il arrêta un instant son ouvrage et lui sourit, puis leurs âmes entrèrent en contact. Elle entendit sa voix fredonner une mélodie familière. C’était un air que les villageois reprenaient souvent lorsqu’ils travaillaient ensemble ou partaient à la pêche. Les paroles assez simples faisaient dialoguer un esprit marin et une jeune fille, le premier invitant la seconde à le suivre dans son palais merveilleux, confronté à un perpétuel refus. Alors qu’il terminait un couplet elle entonna la réponse de la demoiselle. Surpris, il l’écouta avec un sourire puis tous deux continuèrent le chant. À la fin, lors de la conclusion de la belle, elle décida de changer les paroles et d’accepter. Amusé, il lui demanda :

Vraiment ? Tu me suivrais au fond des mers ?

« Oui, humain ou esprit, je te trouve un certain charme. »

Je ne me considère pas vraiment comme une créature des profondeurs, mais je le prends bien.

« Je t’ai vexé ? » plaisanta-t-elle.

Il fit mine de réfléchir avant de hocher la tête.

« Pauvre enfant, je te ferais bien un bisou mais je risquerais d’être prise dans tes filets. »

Mais c’est déjà le cas, très chère.

Ils échangèrent un regard entendu et elle ajouta :

« Tu aurais tout de même pu t’installer plus près, tu sais. »

Je ne voulais pas empiéter sur ton espace personnel.

« Tu me trouves donc si délicate ? »

En acceptant de me suivre, tu es devenue une princesse, Sakura. Te plaindrais-tu de ces égards ?

« Hum… non, ça va dit comme ça. Mon prince aquatique. » s’amusa-t-elle.

Il sourit et termina une maille. Elle le regarda s’affairer encore un moment avant de reprendre :

« Desya, tu veux bien m’apprendre ? »

À fabriquer un filet ? s’étonna-t-il.

« Oui. Je me doute que ce n’est pas facile, mais ça a l’air si simple quand tu le fais. »

Eh bien… je ne suis pas sûr de pouvoir. C’est assez automatique, je n’arriverai pas à décomposer mes mouvements. Et de toute façon je n’y arrive plus aussi bien que quand j’étais petit.

« Ah, d’accord, je vois. »

Un temps passa pendant lequel il termina son ouvrage. Satisfait, il se leva et porta le résultat devant lui pour l’examiner. Les nœuds se succédaient avec régularité, rien ne distinguait les anciens fils des nouveaux.

Je vais le rendre à Takumi et je reviens.

« Fais vite ! »

Il acquiesça avant de rouler son ouvrage pour se rendre à une maison un peu plus loin. Elle le regarda y entrer puis reporta son attention sur la porte à sa gauche. Celle-ci venait de s’ouvrir davantage pour laisser passer un vieux chien d’une certaine taille. Son visage s’éclaira et elle l’appela :

« Inan ! Viens me voir ! »

Il s’approcha de sa démarche lourde et posa la tête sur ses genoux. Elle commença à le caresser et eut la surprise de le voir sourire.

« Je n’aurais jamais pensé que les animaux pouvaient avoir des réactions si humaines. »

Le chien se laissa cajoler un moment, les yeux fermés et l’air heureux. Tout à coup, il se leva avec un jappement. La jeune femme leva la tête et vit Desya revenir. Inan se précipita vers son maître pour piler net devant ses jambes. Le jeune homme mit un genou à terre et le caressa à son tour.

Et dire qu’il y a quelques années, il était plus grand que moi et me renversait à chaque fois.

« J’aurais aimé voir ça ! »

Il se releva et alla s’assoir à côté d’elle. Son chien le suivit d’un pas lent puis se coucha à leurs pieds. Sakura prit la main de Desya et ils demeurèrent ainsi un moment, à profiter du calme et du beau temps.

« Tu parles souvent aux esprits ? »

Surpris, il la fixa sans trouver de réponse. Elle se reprit avec embarras :

« Désolée, ça m’est passé par la tête. Et étant donné ta capacité spéciale… »

Ne t’en fais pas, la rassura-t-il, c’était juste un peu soudain.

Il marqua un temps avant de déclarer :

Ça peut m’arriver mais c’est rare. D’une part parce que je n’établis jamais le contact en premier, et d’autre part parce qu’ils ne se manifestent que sous certaines conditions.

« Donc tu ne les invoques jamais ? Pourquoi ? »

Qui suis-je pour forcer une âme à revenir ? sourit-il. Je ne veux pas les arracher à leur repos, et je n’ai pas grand monde à contacter dans l’autre-monde.

« Tu n’as pas de membre de ta famille ou des amis que tu souhaiterais revoir ? »

Non, heureusement la plupart de mes proches sont encore en vie. Et je veux laisser Alisa libre. Par contre…

Il se tut et demeura songeur un instant. Intriguée, elle attendit qu’il continue.

Je me suis déjà dit que si je savais ce qui est arrivé à mon père, enfin… s’il est mort où non, j’aimerais essayer de le rencontrer.

« Ah, je vois. »

Elle hésita à poursuivre, peu familière avec ce sujet. Il ne semblait pas gêné en l’évoquant mais comme il ne lui en avait jamais parlé elle ne savait pas ce qu’elle pouvait demander. Finalement elle décida de poser une autre question.

« Dans quels cas discutes-tu avec les esprits ? »

La nuit, généralement. Ils aiment bien les endroits calmes et pas trop éclairés. Mais ils ne ‘‘discutent’’ pas vraiment, car ils ne s’expriment pas par mots.

« Un peu comme toi quand tu es trop paresseux pour formuler tes pensées ! »

Hum… oui. Pour Alisa j’ai pu faire quelque chose, mais les autres ne restent pas assez longtemps ou je ne les croise qu’une fois. La plupart du temps ils me demandent de leur parler de l’Empire ou de mon métier, et ils me décrivent leur pays ou leur époque.

« Ça doit être intéressant ! Pour un peu je t’envierai presque de partager tes insomnies avec des défunts. » plaisanta-t-elle.

Ils rirent puis elle ajouta :

« Comment entres-tu en contact avec eux ? »

Disons que ce sont plutôt eux qui me trouvent. Ils détectent mon pouvoir, puis je ressens leur présence et j’active ma capacité spéciale.

« Ça semble si simple dit comme ça. »

Eh bien, maintenant ça l’est, je le fais depuis quelques années.

« Nous n’avons pas les mêmes habitudes. » s’amusa-t-elle.

Il acquiesça et un léger silence s’installa. Au loin, des rires d’enfants résonnaient, repris en écho par les chants des oiseaux. Ils furent rejoints par la mère de Desya qui sortait de la maison.

« Les enfants, vous n’avez pas trop chaud dehors ? »

Non, ça va, répondit son fils, mais pourquoi continues-tu à nous appeler comme ça ?

« Je n’ai pas eu le temps de te voir grandir, et comme Sakura a ton âge…

- Moi, ça ne me dérange pas. déclara celle-ci.

- Tu vois ? »

Je n’ai pas dit que ça ne m’allait pas.

« Quelle mauvaise foi ! rit sa mère. Enfin, ce n’est pas grave. Je vous ai préparé du thé, venez vous rafraîchir à l’intérieur. »

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