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Cette nuit-là, il avait neigé, événement moins habituel en cette saison. Les rayons matinaux se reflétaient dans les rues du village, déjà parcourues de plusieurs empreintes. La plupart menaient au lac, car ce temps signalait que sa surface était à nouveau assez solide pour y patiner.

C’était le chemin que tous deux suivaient, précédés par une petite fille qui marchait d’un pas allègre. Avant qu’ils n’arrivent à la limite du village, elle s’arrêta et se tourna vers eux.

« Papa, tu penses que le lac sera complètement gelé ?

- À mon avis, il restera une partie liquide, il ne fait pas si froid.

- Je ne me suis toujours pas habitué au fait que tu sois père, Aloys. » fit remarquer son ami.

L’autre lui jeta un regard amusé et répondit :

« C’est parce que tu ne viens pas assez souvent ici, Nikita. Pourtant, ça va faire neuf ans que je suis marié. »

Il ébouriffa les cheveux de sa fille qui rit et retourna gambader devant eux, puis ajouta :

« Mais c’est vrai que la vie familiale n’est pas ton domaine.

- Pas vraiment, non.

- Tu as déjà réfléchi au sujet ? le taquina son ami.

- Jamais, répondit-il sérieusement, je ne ressens pas la moindre vocation pour ça.

- D’autant que tu pourrais difficilement le gérer en plus de ton métier.

- À ce propos, tous tes voyages ne sont pas trop compliqués pour ta famille ?

- Ça va, même si je pars parfois pendant des mois j’arrive aussi à rester plus longtemps à la maison. »

Ils échangèrent un regard entendu et Nikita reprit :

« Au fait, pourquoi as-tu décidé de devenir marchand ?

- Et toi, quelles sont tes raisons d’être soldat ?

- Tant d’années après, nous voilà revenus à cette discussion.

- C’est notre tradition ! Mais… sommes-nous obligés de répondre ? »

Les deux amis d’enfance se remémorèrent avec un sourire le temps de leurs études. À chaque vacances de fin d’année, lorsqu’ils se retrouvaient, ils échangeaient les mêmes mots. C’était devenu un rituel auquel aucun des deux ne souhaitait déroger. Même une fois devenus adultes, ils s’y référaient encore les rares fois où ils se voyaient.

Leur arrivée au lac interrompit ces souvenirs.

« Il y a déjà les autres ! s’exclama la fille d’Aloys. Papa, tu peux me donner mes patins ?

- Attends un peu, ma chérie. »

Il posa son sac sur la berge enneigée et commença à chercher dedans.

« Tu as aussi emporté les tiens ? remarqua son ami.

- J’ai attrapé le sac au hasard. Je dois même en avoir à ta pointure !

- Non merci, s’amusa le soldat, ça fait au moins cinq ans que je n’en ai pas fait.

- Je suis un peu dans le même cas, mais il faudrait que nous nous y remettions.

- Un jour, peut-être… »

Aloys le laissa éluder et lui lança un regard moqueur. Il donna ses patins à sa fille qui s’empressa de les chausser pour rejoindre les autres enfants.

« Sois prudente ! lui rappela son père. Et ne t’approche pas de l’eau, la glace est moins solide et risque de se casser.

- Oui, oui ! »

Elle fit ses premiers pas avec aisance et fila bientôt sur le lac en compagnie de ses amis.

« Tu lui apprendrais des figures ? demanda Aloys à moitié sérieusement. À l’époque c’était toi le plus doué.

- À l’époque… Mais je pense qu’aujourd’hui même toi tu ferais mieux que moi.

- Je le prends très mal. plaisanta-t-il.

- C’était évidemment mon but. »

Ils sourirent, puis Aloys reprit :

« Ça m’avait manqué de te voir. Tu devrais t’accorder de plus longues vacances, et je travaillerais depuis chez moi pendant ce temps, pour rattraper toutes ces années.

- Eh bien, si jamais l’Empire n’a plus besoin de moi un jour je te le ferai savoir.

- Tout à fait. Et à la fin du monde, des bateaux navigueront sur le lac. »

Nikita esquissa un sourire. Ce proverbe avait toujours été son préféré, il caractérisait bien la région. Le lac presque toujours figé ne redevenait liquide qu’au plus fort de la saison chaude, et s’imaginer des navires sur ses eaux relevait de la vision onirique. En un sens, cette phrase lui rappelait son attachement pour ce pays : les plaines de glace étaient son immuable.

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