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Elle regardait par la fenêtre un paysage familier. Un tranquille village aux cheminées fumantes et peu après, au-delà du ruisseau, un versant de montagnes couvert de sapins. Un peu plus loin, sur la droite, la pierre cédait la place à un ciel peuplé de cimes enneigées. Elle était heureuse d’être rentrée chez elle, d’avoir retrouvé son père, Rimsky, ainsi que tous les autres villageois. Des réjouissances avaient été prévues le soir même, cependant ceux qui avaient fait la route avec elle ne pouvaient rester jusque-là. Cela l’attristait un peu, même si elle comprenait qu’ils doivent rentrer au plus vite à la capitale. Elle se consolait en se disant qu’elle aurait bientôt une occasion de revoir les jumeaux. Quand la guerre se terminerait…

Elle entendit la porte de la chambre s’ouvrir et des pas qu’elle connaissait la rejoignirent. Elle ne se tourna pas vers lui mais le laissa passer les bras autour de sa taille.

« Alors comme ça je ne suis pas très démonstratif ? » commença-t-il.

Avant de lui répondre elle posa les mains sur les siennes et se laissa aller un peu contre lui.

« Disons qu’en présence des autres, tu deviens étonnamment timide, Sergey.

- C’est ça, moque-toi. »

Elle esquissa un sourire qui ne lui échappa pas. Il l’embrassa dans le cou et tous deux fermèrent les yeux un instant. Ils savaient à quel point ce moment était précieux car après son départ ils ne seraient plus réunis avant une durée indéterminée. Leurs parfums mêlés, le contact de leur peau, la douceur de la présence de l’autre, ils percevaient tout avec une acuité avide. Chacun essayait de mémoriser un maximum de détails de ces quelques minutes de douceur, conscients qu’il fallait se constituer un souvenir le plus précis possible.

Elle s’écarta un peu pour se tourner vers lui.

« Combien de temps te reste-t-il avant ton départ ?

- Quelques minutes seulement. Les autres m’attendent. »

Elle parut attristée mais s’efforça de le cacher.

« Tu ne feras pas trop de bêtises le temps que la guerre se termine ?

- Seulement une par jour, plaisanta-t-il, en pensant à toi. »

Devant son expression à la fois sévère et amusée, il ajouta :

« Et dans le pire des cas, Pavel sera là pour me servir de conscience.

- Ce n’est pas une attitude très digne d’un adulte responsable.

- Qui a dit que j’en étais un ?

- Tu marques un point. »

Il voulut l’embrasser mais elle se déroba et lui déposa un baiser sur la joue.

« Il est temps que tu partes, déclara-t-elle, tu vas être en retard sinon.

- Je n’ai même pas droit à un encouragement ?

- On verra. »

Elle lui prit la main et l’entraîna hors de la pièce.

« Au fait, ajouta-t-elle alors qu’ils descendaient, je suis très fière de toi. Tu as enfin officialisé notre relation.

- Ce n’est pas comme si Gavriil et toi aviez commencé à faire des allusions plus ou moins claires dès lors que nous avons mis un pied dans les montagnes.

- Serait-ce du reproche que je décèle dans ta voix ? fit-elle mine de s’étonner.

- Absolument pas, Shynar. » ironisa-t-il.

Ils s’arrêtèrent au salon où se trouvait le père de la jeune femme et Rimsky. Sur la table était posé un oiseau mécanique doré.

« Papa, annonça-t-elle, je raccompagne Sergey à sa maison.

- Déjà ? Eh bien dans ce cas, au revoir et bon voyage.

- Merci, dit le jeune homme, et portez-vous bien.

- Tu reviendras bientôt ? demanda le garçon.

- Dès que possible. Ne t’en fais pas, je n’ai pas oublié ma promesse. »

Devant le regard intrigué de Shynar, il expliqua :

« Je lui ai dit que je l’aiderai à retrouver son frère.

- C’est très généreux de ta part. » dit-elle, émue.

Il sourit avant de s’adresser à l’enfant :

« En attendant, ne désespère pas, avec un peu de chance tu le reverras avant même mon retour. »

Rimsky hocha la tête. Après lui avoir dit au revoir, Sergey quitta la maison, tenant toujours la main de Shynar. Ils marchèrent d’un pas tranquille et parvinrent au point de rendez-vous devant la maison des jumeaux. Les autres attendaient auprès des Ipsa chargés de bagages. Pavel interpela son frère :

« Tu es enfin là, nous allons pouvoir partir.

- Tu es pressé de t’en aller ?

- La route sera longue.

- Soyez prudents. » intervint leur mère.

Ses deux fils lui promirent qu’ils ne prendraient pas de risques, faisant tout leur possible pour la rassurer. Lorsqu’elle avait découvert ce qui était arrivé à Pavel, elle avait eu une réaction légitimement disproportionnée. Rien d’étonnant donc à ce qu’elle éprouvât des difficultés à laisser repartir ses enfants. Nikita les rejoignit et assura également qu’il veillerait sur eux, ajoutant qu’à la capitale les dangers seraient moins conséquents que dans le royaume. Gavriil, Desya et Akihito qui se tenaient un peu en retrait échangèrent un même regard légèrement embarrassé. Finalement, tous prirent congé de celle qui les avait déjà plusieurs fois accueillis. Avant que Sergey n’active son Ipsa, Shynar se rapprocha de lui et demanda :

« Toutes ces promesses que tu viens de faire à ta mère, tu comptes les tenir ?

- Autant que possible, répondit-il d’un air sérieux, mais en tenant compte de ce que je t’ai dit tout à l’heure.

- Tant mieux. »

Sans prévenir, elle l’embrassa. Il se sentit rougir brusquement et faillit s’écarter. Mais, conscient que c’était leur dernière occasion avant longtemps, il prolongea l’instant. Quand leur baiser cessa, elle lui dit simplement au revoir, salua les autres et s’en alla. Sergey évita les regards amusés de ses compagnons qu’il sentait dirigés vers lui. Son frère vint à son secours en déclarant avec un léger sourire :

« Bien, je pense que nous pouvons y aller maintenant. »

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