« C’est cassé ?

- Non, ne t’en fais pas. Ton épaule est juste déboîtée. »

Sei put voir le soldat faire une grimace. Celui-ci venait de rentrer d’une bataille mineure à laquelle de nouvelles recrues avaient pris part. L’âge minimum pour intégrer l’Armée était dix-sept ans, mais le pharmakon lui en aurait aisément donné quinze. Le jeune soldat, assis face à lui sur un lit de camp, le considérait d’un air incertain. Le soigneur se composa un air rassurant avant d’ajouter :

« Je vais te remettre ça en place, ça ne prendra qu’un instant. Ça fera un peu mal sur le moment mais ça passera vite. Il faut juste que tu évites de regarder.

- … D’accord. »

Il s’approcha et posa ses mains sur le bras du blessé.

« Inspire un grand coup. »

Le jeune homme suivit son conseil. D’un geste sec, Sei lui remit les os en ordre. L’autre eut une exclamation surprise. Puis le pharmakon s’écarta et le regarda alors qu’il portait la main à l’épaule.

« Ça va mieux ?

- Oui, mais ça ne fait pas du bien.

- Tu m’étonnes, sourit l’aîné, ça m’est arrivé une fois et je n’en garde pas un agréable souvenir.

- Ah ? Comment ça s’est passé ?

- C’était un accident en cours pratique, à l’Académie Impériale. »

Sei tentait de détourner l’attention de la recrue de sa récente blessure, et constatait que cela fonctionnait bien.

« Tu y as étudié ?! s’étonna celui-ci.

- Oui, jusqu’à l’année avant-dernière. Toujours est-il que j’étais avec mon meilleur ami, en simulation de mission. Nous devions franchir un parcours en binôme, dans un terrain généré par incantations, et au moment de passer un sentier dangereux en montagne, j’ai glissé, il m’a rattrapé par la main, et mon articulation a exprimé son désaccord.

- Ah, ça a dû être douloureux !

- Plutôt, oui. Il m’a hissé de justesse en sécurité et j’ai dû lui expliquer comment me remboîter l’épaule. Après coup, nous avons bien ri.

- C’est sûr que ça doit être une drôle d’expérience. Et ton ami, il est aussi à l’armée ?

- Il m’a envoyé une lettre récemment, pour me dire qu’il passait par la ligne de front, mais plus au sud. Il est en chemin vers la capitale.

- Il n’est pas devenu militaire, malgré ses études ? devina le plus jeune.

- Non, en effet. Il est un peu particulier. »