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« Peu importe le pays, les étoiles brillent de la même façon.

- Tu es d’humeur philosophique, Gavriil ?

- Un peu, Sergey. Mais qui ne le serait pas en cette époque troublée mais non moins intéressante ?

- Eh bien, je suis plutôt sujet à des pulsions meurtrières ces temps-ci, mais j’imagine que tu as raison. »

L'aîné esquissa un demi-sourire. Il regarda ses camarades, assis autour du reste de feu. Nikita paraissait comme d’ordinaire réfléchir à un épineux problème, Desya observait le ciel, semblant compter les étoiles, Sergey entretenait la lame de son épée à deux mains, et Pavel avait le regard perdu dans les braises rougeoyantes.

« Si tu es fatigué, lui conseilla-t-il, tu devrais aller dormir. »

L’intéressé eut l’air de revenir à la réalité.

« Ne t’en fais pas, répondit-il rapidement, j’ai juste eu un moment d’inattention.

- Justement, sourit son frère, tu ferais mieux de te reposer. Tu n’as qu’à prendre le dernier tour de garde, car même si tu te lèves tôt tu auras pu dormir avant.

- Tu as peut-être raison, reconnut Pavel, je vais suivre ta recommandation.

- En tout cas, annonça Gavriil, je me charge du premier cinquième de la nuit ! »

Tu préfères te coucher tard ? demanda Desya.

« Pas spécialement, mais si j’accomplis mes obligations maintenant j’aurai tout le temps de me reposer après.

- C’est une bonne stratégie, commenta le Lieutenant, et d’ailleurs je vous suggère de ne pas trop tarder à vous coucher car nous partons tôt demain. »

Les autres acquiescèrent. Après s’être réparti les périodes de veille, ils allèrent se préparer à dormir à l’exception de Gavriil. Celui-ci demeura près du feu mourant et sortit un livre. Il utilisa une incantation de vision nocturne pour arriver à voir les pages dans l’obscurité et reprit sa lecture. Il s’agissait d’un ouvrage intéressant, qu’il avait retrouvé peu avant de partir dans leur bibliothèque. Les différents chapitres mêlaient études scientifiques et récits historiques, traitant du même sujet : les melos. Il avait pensé que ce serait un bon moyen d’en apprendre plus sur sa capacité spéciale, notamment grâce à la partie plus narrative du volume, qui racontait comment divers détenteurs de ce pouvoir avaient su le développer et en tirer de nombreuses connaissances. Il avait beau être un lecteur rapide, il était loin d’en avoir fini avec la somme de savoirs qu’il tenait entre ses mains.

« C’est dangereux de s’absorber dans sa lecture quand on est de garde. »

Il délaissa son livre et regarda celui qui l’avait rejoint.

« Nikita, tu devrais dormir. Quelque chose t’en empêche ?

- Pas particulièrement, mais je n’ai de toute façon pas beaucoup besoin de sommeil.

- Ça, c’est ce que tu dis.

- Prétendrais-tu mieux me connaître que moi-même ? s'amusa le Lieutenant.

- Peut-être, qui sait. » répondit-il dans le même jeu.

Un temps passa. À présent, les tisons étaient tout à fait éteints, mais la clarté des étoiles venait les remplacer.

« Pour être franc, reprit Nikita, je me fais du souci pour vous.

- C’est-à-dire ?

- Nous parviendrons dans quelques jours chez l’assassin, et dire que je suis sûr de nos chances de succès serait mentir. »

Gavriil considéra son chef, assis de l’autre côté des cendres froides. Son visage sérieux ne trahissait aucune émotion particulière, mais il pouvait deviner toutes les interrogations qu’il taisait.

« Tu sais, commença le plus jeune, dès l’origine nous savions qu’en intégrant cette escouade, nous devions être préparés à courir toutes sortes de risques. Nous ne sommes pas devenus Chasseurs simplement parce qu’on avait besoin de nous, mais aussi parce que chacun d’entre nous est prêt à mettre sa vie en jeu pour nos idéaux. Et c’est justement dans ces moments d’incertitude que notre engagement prend tout son sens. Alors ce n’est pas parce que nous nous apprêtons à affronter le seul homme encore en vie à t’avoir vaincu, et qui est probablement l’instigateur de cette guerre, que nous allons commencer à penser à notre sécurité personnelle et la placer devant celle de notre pays. »

Le Lieutenant demeura silencieux un instant, réfléchissant à ces paroles. Finalement, il lança à son frère d’armes un regard reconnaissant et dit :

« Merci, Gavriil, tu as toujours su trouver les mots justes.

- Tes hommes te font confiance, Nikita. Nous te suivrons jusque dans les Limbes s’il le faut. »

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