Terminus

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19 heures - Sophie pénétra chez elle et d’un coup de pied, claqua la porte derrière elle. Elle n’en avait rien à faire des voisins (ni de sa porte), tout son corps et son esprit tournés vers une seule pensée : Eric venait ce soir.

Elle jeta un œil sur son poignet : elle avait une heure pour se mettre sur son trente et un. Ce soir, elle allait le séduire comme jamais, et il ne pourrait plus résister, il la désirerait pour la vie.

Elle fila dans sa salle de bains, se dévêtit et prit une douche. Tout en passant le gant sur son corps, elle songea à ce qu’elle allait porter : sa robe noire fuseau qui mettait en valeur sa silhouette fine ? Sa robe en cuir qui la moulait comme une seconde peau ? Elle pensa tout à coup au dîner. Elle l’avait complètement zappé ! « Ma pauvre, il t’a rendue complètement zinzin ! » se dit-elle en riant sous cape, tout en finissant de se laver et de se sécher. « Bah, il doit bien avoir quelque chose à grignoter dans mon congélateur, sinon, je commanderai un plat chez le traiteur ! ». Et puis, pensa-t-elle, lorsqu’il viendrait, tout comme elle, il n’aurait sûrement pas faim. Ou plutôt, ils auraient la même faim, de celle qui excite et nourrit le corps et l’esprit, celle qui aiguise les sens et qui fait tout oublier pour un court moment.  Mais elle se rembrunit, car le problème, c’est qu’il n’acceptait d’elle que ce court moment.

La sonnette de la porte d’entrée retentit et animée d’un feu intérieur qui la consumait déjà, elle se contempla une dernière fois dans le miroir, arrangeant quelques mèches échappées de son chignon, lissant sa robe de cuir : « Pas trop mal », se dit la jeune trentenaire en se dépêchant d’aller ouvrir.

*******

23 heures 45 - Sophie, les yeux rouges, s’attarda dans le salon, un verre de whisky à la main. Le troisième depuis qu’il était parti, il y avait de cela une heure. Elle déambula ainsi, les épaules lourdes, le ventre noué, le cerveau décomposé et entra dans sa salle de bains.

–        « C’est fini, c’est fini », se répétait-elle.

Eric, après leurs ébats, lui avait clairement signifié qu’elle n’avait rien à espérer de lui : il avait décidé d’épouser la fille de son patron qu’il connaissait depuis six mois déjà.

–        « Comment a-t-il pu me faire ça ? Comment ? »

Deux années entières à espérer, à attendre son amour, à se contenter de rares étreintes parce que disait-il, il était très occupé. Elle avait envie de hurler, de tout casser. Était-elle donc maudite ? Pourquoi le sort s’acharnait-il ainsi sur elle ? Subitement, elle prit sa décision.

Elle posa son verre sur le rebord de la baignoire, se pencha pour ouvrir les robinets et y versa une large dose de bain moussant.

Oui, pourquoi elle ?

D’abord ses parents morts dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que dix ans, puis sa tante qui l’avait recueillie, décédée d’un cancer foudroyant douze années plus tard, la laissant seule dans la vie. Dépressive, elle s’était battue pour s’en sortir et avait finalement trouvé un emploi d’assistante de direction dans une société de téléphonie privée.

Puis elle avait rencontré Eric et avait tout misé sur lui, car elle l’aimait d’un amour incommensurable. Avec lui, elle avait trouvé un semblant d’équilibre.

Et maintenant ? se dit-elle, elle n’avait plus rien. Elle avait perdu l’homme qu’elle aimait, ses projets d’avenir étaient anéantis, elle n’aurait jamais d’enfants avec lui. Il lui restait ses larmes qui roulaient silencieusement sur ses joues et sur son cœur brisé.

Elle vit son reflet dans l’armoire à pharmacie : son rimmel avait coulé, laissant des traces noires sur ses joues. « Des larmes noires » pensa-t-elle en ouvrant le meuble d’où elle sortit un flacon rempli de calmants. Elle le contempla longuement, puis le posa près de son verre.

–        « C’est fini, c’est fini ».

Elle ferma les robinets, et une fois nue, entra dans l’eau. Elle prit son verre et but plusieurs gorgées du liquide brûlant, puis tendit la main vers le flacon.

Brusquement, elle poussa un cri de rage, envoyant valser le flacon qui atterrit à quelques mètres, répandant les minuscules comprimés sur le sol. Et dans un autre cri de rage, encore plus puissant, réveillant tout l’immeuble, elle lança son verre qui vint se fracasser sur le mur, en une multitude de bris, à l’instar de son cœur.

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