3 – L’arche de Noé de Ninon…

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Plusieurs semaines se sont écoulées depuis le décès de Mamie Camille. Ninon a retrouvé le sourire et sa joie de vivre habituelle, sans pour autant oublier sa grand-mère. Non, ça elle se l’est juré. Elle fera tout pour se souvenir de tout ce qu’elle a appris grâce à Camille. C’est ainsi que depuis un moment, la fillette délaisse les matières scientifiques au profit de l’Histoire. Elle déborde de curiosité, elle veut tout connaître de l’humanité, de son histoire depuis la nuit des temps. Des tas de questions émergent dans sa petite tête. Elle veut découvrir la vie de tous ces gens qui ont vécu sans électricité pendant des siècles, tous les animaux qui ont pu exister sur cette terre, tous les artistes et leurs œuvres etc. Elle ressent limite une légère lassitude de son monde actuel. Ce monde où tout est cadré, contrôlé, organisé, où tout se ressemble, où plus personne n’a de personnalité… Et si Ninon ne vivait que dans un monde de robots ? Si, elle était la dernière humaine qui ne veut pas de ce monde technologique à l’extrême ? Ninon veut juste être heureuse, comme l’était sa grand-mère lorsqu’elle courait après les papillons, rigolait avec ses amies à la récré, allait au zoo etc.

Alors qu’elle lit un ouvrage sur l’agriculture, la fillette a comme une révélation.

- Le premier pas vers le bonheur, c’est de faire revenir la nature dans nos vies, pense-t-elle.

Ninon ne veut pas juste penser à ce qui pourrait être entrepris. Non, elle veut agir. Elle se souvient alors d’une usine située à quelques minutes en voiture de chez elle. Comme Mamie Camille l’avait si bien raconté, de nos jours les animaux sont élevés à la chaîne, en usine, sans voir une seule fois la lumière du jour ou respirer l’air extérieur.

- C’est décidé, je vais libérer des animaux pour que la nature reprenne un peu de pouvoir sur ce monde de machines ! dit Ninon en fermant son livre.

Malgré son jeune âge, elle est déterminée à mettre à exécution son plan de sauvetage. La journée passe et arrive le moment du dîner. A table, Ninon refuse d’avaler une seule bouchée de viande, au grand étonnement de ses parents.

- Mon ange, du poulet farci, c’est pourtant l’un de tes plats favoris, qu’est-ce qui se passe ? demande la mère.

- Je refuse de manger de la viande alors que les animaux sont maltraités et vivent dans des conditions intolérables ! explique la fillette d’un ton affirmé, du haut de ses sept ans.

Ses parents n’insistent pas, puis Ninon part se coucher en réfléchissant à la manière dont elle va entrer dans l’usine-ferme.

Le lendemain après-midi, elle insiste auprès de sa mère pour qu’elles sortent se promener au lieu de toujours rester enfermées à la maison.

- Maman, s’il te plait, allons prendre l’air, rien qu’une heure ! s’agite Ninon.

- C’est Mamie Camille et son histoire d’être déconnecté qui te monte à la tête, mon ange, répond la mère, amusée. C’est d’accord, enfile ta veste, nous sortons.

La mère et la fille quittent la maison. Au bout de quelques minutes de marche, la mère s’interroge :

- Pourquoi nous dirigeons-nous vers la zone industrielle, Ninon ? C’est loin d’être le meilleur secteur pour se balader.

Ninon ne prend pas cette direction par hasard. Le but est bien évidemment d’arriver à l’usine-ferme. Une fois face au bâtiment dont l’entrée est sécurisée, la fillette s’adresse au gardien :

- Bonjour monsieur, nous sommes totalement perdues, pouvez-vous nous aider, s’il vous plait ? demande-t-elle, à la grande surprise de sa mère.

Alors que l’homme se lève et se dirige vers la mère, il suffit de quelques secondes d’inattention de sa part pour que Ninon rentre dans le poste de garde, verrouille la porte et disparaisse à grande vitesse à l’intérieur de l’usine.

- Ah, la petite peste ! s’écrie l’homme, en tentant d’ouvrir la porte.

- Ninon ! Reviens ! Oh mon dieu ! hurle sa mère.

Ninon n’a que quelques minutes avant de se faire attraper par n’importe quel employé. Il faut agir. De petite taille, elle réussit à se rendre au niveau des compteurs électriques, sans que quiconque ne la remarque.

- C’est maintenant ou jamais ! se dit la fillette.

Elle se saisit d’une petite paire de ciseaux, qu’elle avait discrètement cachés dans une poche secrète de sa veste. Elle se met à couper un maximum de fils, le plus vite possible, sans penser une seule seconde au risque de se blesser ou de s’électrocuter. Simultanément, différentes alarmes s’activent. Il est temps pour elle de s’échapper. Très vite, elle assiste à un raz-de-marée d’animaux en panique, libérés de leurs enclos par la coupure de courant. Elle s’abrite dans un placard à balais pour se protéger mais elle peut voir à travers la vitre de la porte des tas de vaches, cochons, chevaux, moutons et volatiles s’évader. Bientôt, ce sont plusieurs centaines d’animaux qui envahissent les rues voisines de l’usine-ferme. Le personnel, dépassé par l’évènement, n’arrive à en abattre ou en retenir qu’une poignée.

Ninon est heureuse, elle a réussi. La nature reprend sa place en ville. Elle finit par être découverte par l’un des ouvriers puis est amenée au bureau du directeur, où l’attend sa mère, furieuse.

- Ninon, petite inconsciente ! Mais qu’est-ce qui t’est passé par la tête pour agir de manière aussi irresponsable et dangereuse ? demande-t-elle, en colère.

La fillette ne répond rien. Il n’y a rien à répondre. Elle est fière d’elle et affiche un grand sourire, ce qui exaspère encore plus sa mère et le directeur.

- Tu te rends compte que juste pour « un peu de nature », tu as mis la vie de tous et la tienne en danger ? J’aurais pu me faire piétiner par les animaux ! Tu aurais eu bonne conscience de savoir que ta mère est morte mais que les animaux sont libres ? ajoute sa mère, folle de rage.

Après quelques heures passées avec le directeur, elles sortent du bureau. Il n’y aura aucune plainte ni poursuite contre Ninon dû à son jeune âge. Quant aux animaux évadés, un gros virement bancaire de la mère de la fillette comblera les pertes de l’usine. Dans le fond, tout se règle toujours avec l’argent.

Après un retour à pied en silence, elles arrivent à la maison. Après que la mère ait expliqué au père toutes les péripéties de leur fille, Ninon est bien évidemment punie et file dans sa chambre. Elle sait que peu importe où se trouve maintenant Mamie Camille, sa grand-mère est fière d’elle. Le soir venu, elle s’endort tranquillement, sans aucun regret par rapport à ce qu’elle a fait. C’est décidé, plus grande elle ne sera pas une esclave de la société. Elle a un cœur, elle veut ressentir des choses, être libre et non pas un robot sans âme comme la plupart des humains du monde actuel.

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