La forêt aux pendus

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Le soleil avait, depuis quelques minutes, disparu derrière les arbres et désormais seule la lumière des étoiles peinait à passer au travers des épais feuillages. Thomas et son petit frère George marchaient d’un pas rapide le long du chantier. George tenait son frère par les pans de son polo, le suppliant d’aller moins vite mais Thomas ne l’écoutait pas et se contentait d’avancer.

Bientôt, ils furent plongés dans l’obscurité la plus totale sous la cime des grands sequoias. George, qui avait peur des endroits sombres, demanda cette fois à son grand frère d’accélérer le pas. Thomas lui ordonna d’arrêter de se plaindre et lui dit qu’il n’avait qu’à se dépêcher et que s’il n’avait pas était aussi lent, ils seraient déjà rentrés depuis longtemps.

« Mais pourquoi sommes-nous obligés de passer par cette forêt ? demanda George.

— Parce que c’est le chemin le plus court pour rentrer, rétorqua Thomas. Et puis tu es bien trop lent ; on aurait mis des jours.

— Cet endroit me donne la chair de poule, gémit George. En plus, à l’école on raconte des choses horribles sur cette forêt.

— Comme quoi ?

— Eh bien, il y a d’abord le rodeur à la hache et aussi les esprits des nombreux gens qui se sont suicidés ou qui ont été pendus et qui reviennent la nuit pour hanter ces lieux, interdisant à quiconque d’y entrer.

— Pfff, fit Thomas. Des histoires pour effrayer les petits trouillards crédules dans ton genre.

— Pourtant des gens ont bien été pendus ici, répliqua George.

— Comme n’importe où. C’était courant à une certaine époque ; cela ne veut pas dire que l’endroit est hanté. Allez ! Avance plus vite ou nos parents vont s’inquiéter ! »

En réalité, Thomas avait bien plus peur qu’il n’y laissait paraître. Il détestait les forêts car elles rendaient votre fuite plus délicate en cas d’agression. Il ne croyait, bien sûr, pas au rodeur à la hache mais aux rodeurs tout court, ça oui, dur comme fer. Aussi accéléra-t-il le pas.

Soudain, le moindre petit son amplifiait ses craintes. Le moindre craquement quand George marchait par inadvertance sur les branches mortes, le faisait sursauter. Il ne voulait maintenant plus qu’une chose, être au chaud à la maison, dans son lit. Puis pour ne pas arranger les choses, ils passèrent devant le vieux cimetière abandonné.

« Tu vois ? C’est là qu’on…, commença George

— Tais-toi ! cria Thomas terrifié. Tais-toi et avance…s’il te plaît.

— Tu as peur ? demanda George

— Non mais si on se traîne comme des limaces, maman va finir par s’inquiéter, mentit Thomas.

Mais le petit George n’était pas si bête et il savait très bien que son grand frère, sous ses airs de grand dur, avait les chocottes comme lui. Ils traversèrent en toute hâte le cimetière, sans se retourner. Les hiboux perchés en haut des sequoias géants, poussaient des hululements qui résonnaient aux oreilles de Thomas comme une plainte fantomatique. Il se mit alors à courir et à sortir vite fait bien fait de là.

Dans sa course, il se prit les pieds dans des racines et trébucha. Il se releva, haletant et essuya de la main son polo ainsi que son jean craqué par endroits. Il examina ensuite son bras qui le piquait, il s’était écorché. Il appela son petit frère mais celui-ci ne répondit pas. Il se retourna, personne. Il hurla alors après ce dernier, inquiet, en lui sommant d’arrêter immédiatement ses enfantillages et que cela ne l’amusait pas du tout. Il revint sur ses pas en appelant son petit frère, hurlant son nom. Personne ne répondait, il se retrouvait seul dans cette immense forêt et bientôt celle-ci commença à lui paraître bien vivante, semblant murmurer à son oreille.

L’angoisse le gagna, le prit à la gorge et il commença à suffoquer de terreur, à haleter comme un vieux chien malade. Les poils sur ses bras se hérissaient et sur sa nuque coulait la sueur qu’il s’efforçait d’essuyer, inutilement, de la main. Il tremblait de tout son être et bientôt, il se surprit même à pleurer, à supplier son petit frère de revenir.

C’est alors qu’il entendit la voix de George. Elle semblait venir d’en haut. Thomas leva les yeux au ciel avant de pousser un hurlement d’effroi. Là, pendu à un arbre, son frère George.

« Tu vois ? demanda George. Je te l’avais dit. Ils sont venus me chercher et ils t’attendent toi aussi. Viens jouer avec nous en haut.

— Viens avec nous, dirent plusieurs voix. »

Thomas se recroquevilla sur lui-même et se mit à geindre. Il pleurait, suppliait que les voix cessent mais les voix ne cessaient pas.

« Viens, viens, disaient-elles, viens. »

Il releva la tête, George était là, devant lui et allait parfaitement bien. Aurait-il imaginé toute la scène ? Aurait-il halluciné toute cette histoire ?. Il le prit dans ses bras, le noya sous ses larmes. Il avait eu la peur de sa vie et se promettait de ne jamais revenir par ici. George lui demanda ce qui n’allait pas mais Thomas répondit par un autre mensonge et lui dit que tout allait bien pour ne pas inquiéter son petit frère.

C’est là qu’ils quittèrent la forêt, celle que les villageois appelaient la forêt aux pendus.

Et vous avez-vous déjà entendu parler de la forêt aux pendus ? Et si oui, oseriez-vous vous y aventurer, le soir avec pour seules compagnes votre solitude et votre peur ? Si d’aventure vous rêvez, alors vous êtes au bon endroit, frissons garanti.

Et si cela vous inquiète, eh bien touchez du bois.

Ahahahahahaha !!

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