Chapitre 6

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Les températures basses inquiètent Alexandre. Plus ils se rapprochent de Noël, et plus il craint de ne pas survivre au froid. Plusieurs solutions s’offrent à lui, entre les associations et les dispositions prises par la mairie. Toutefois, il sait d’avance qu’il n’acceptera l’aide d’aucun.

Une peur irascible l’empêche d’accorder sa confiance, ne serait-ce que jusqu’au retour d’un temps plus clément. Son père a des contacts trop étendus, tout comme le groupe dont Alexandre a réchappé en revenant à Castres.

Les yeux humides, il observe les décorations qui l’entourent de toutes parts. Elles réussissent à oblitérer ses doutes et ses hantises. Il marche au travers des décors féériques et lumineux, le cœur presque léger.

Il évite avec aisance la ruelle où Thomas et Léo ont été agressés. Un frisson cavale le long de son échine. Le regard fou de l’agresseur lui revient comme son haleine putride. L’estomac noué, Alexandre triture ses doigts aux gants effilés. Il accélère son pas, malgré le lancement de sa cheville. Il se faufile dans la foule, se fond dans la masse qu’elle forme. Le souffle court, il atteint le jardin du musée de Goya et avise un banc sur lequel il s’installe.

Alexandre profite de la quiétude des lieux pour calmer son pouls. Cela fait déjà deux jours… Pendant ces quarante-huit heures, Thomas est resté introuvable. Que cela soit dans le quartier où il loge que les endroits où Alexandre l’a aperçu auparavant.

Est-il toujours à l’hôpital ? Alexandre mordille sa lèvre, s’acharne sur la peau de son pouce qu’il gratte presqu’à sang. Il aurait dû rester, quitte à être renvoyé en Allemagne… Il exhale un souffle fébrile, livide. Sa tête lui tourne un peu.

Une paire de bottes noires au cirage impeccable entre dans son champ de vision. Il lève son regard sur une inconnue. Petite et blonde comme lui, elle lui semble familière sans qu’il puisse trouver où il l’a déjà vue.

« Alexandre ? »

Le susnommé acquiesce, méfiant et prêt à prendre la poudre d’escampette au moindre geste suspect.

« Je suis Anita, elle lui tend sa main tout en se présentant. Une amie de Léo et Thomas. »

Un sourire chaud fend le visage de poupon. Alexandre sert sa main, silencieux.

« Thomas m’a montré une vielle photo de classe. En ce moment, on s’occupe de Léo en alternance. Il a eu des petites complications après le coup qu’il s’est pris… Les médecins s’en sont rendus compte lors de sa visite pour être déchargé de l’hôpital, commence à babiller Anita. Tu t’imagines ? Il perd son équilibre et à quelques pertes de mémoire. Pas énorme, hein ! Mais quand même… »

Elle resserre son écharpe rose autour de son cou.

« Thomas m’a parlé de votre promesse. Si ça ne te dérange pas que vous vous voyiez à l’appart ? En plus, si on part maintenant, dit-elle en regardant l’heure sur son téléphone, mon gâteau devrait être prêt !

— Tu… vous…. Ça vous dérange pas de m’inviter ? »

Alexandre bafouille, rougissant un peu. L’un des avantages du froid est que celui-ci atténue son odeur. Il a réussi à se laver la veille dans des toilettes publiques, toutefois ses vêtements n’ont pas encore eu cette chance. Il attend d’avoir assez de pièces pour se rendre dans une laverie.

« Tutoie-moi s’il te plaît. Et pourquoi ? Les amis de mes amis sont de potentiels amis à moi ! Tant que tu n’essayes pas de me mettre la main au cul, rit-elle.

— Pas mon genre, lui rassure Alexandre tout en se levant. Merci. »

Anita lui offre un sourire amical en réponse. Elle l’emmène jusqu’à l’appartement. La marche passe à une allure folle grâce à leur conversation incessante. Peu habitué à autant parler, Alexandr, apprécie la simplicité d’Anita.

En bas de l’immeuble, Alexandre hésite. Sa compagne de route semble s’en rendre compte, dans un petit sourire, elle le pousse à l’intérieur du hall. La chaleur qui y stagne donne presque le vertige à Alexandre qui ferme ses yeux par mécanisme. Il en profite le plus discrètement possible, tout en prenant les escaliers avec Anita. Arrivés à l’appartement, Paprika les accueille en un miaulement tonitruant et se frotte aux jambes d’Anita.

« Je bénis mon intelligence de pas avoir mis mes autres collants, dit-elle tout en dézippant l’une de ses bottes. Même si elle a des poils noirs, ils se voient très facilement. Allez patate, laisse-nous nous déchausser ! »

Paprika l’observe longuement avant de partir en direction du salon, d’où des rires s’élèvent. Alexandre imite Anita. Il recroqueville ses orteils, gêné par l'état de ses chaussettes. Anita lui tend une paire de chaussons tout en grattant Paprika.

« Ils étaient à un de mes ex. Et entre toi et moi, il peut toujours se gratter pour ramener ses miches ici. Le gars a eu le toupet de me tromper !

— Désolé pour toi.

— Le sois pas, lui dit Anita en douceur. J’ai eu ma revanche quand il a choppé une MST à cause de ça. Léo, Thomas, on a un invité ! Viens, je suis impatiente de voir sa tête ! »

Alexandre ne commente pas le rictus machiavélique d’Anita. À nouveau, il lui emboîte le pas. Contrairement à sa précédente visite, la cheminée est allumée. Devant celle-ci, Thomas rajoute une bûche.

« Anita, je t’adore, mais Léo a besoin de repos, commence-t-il en fixant le feu.

— Je peux partir, si tu veux, lui propose Alexandre d’une petite voix. »

Thomas se retourne d’un coup sec. Il manque de se cogner à la porte vitrée de l'âtre qu’il ferme dans un juron. Il se redresse, tel un pantin sur ressort.

« Alexandre ! Je suis content de te voir ! Je, je croyais que c’était quelqu’un d’autre.

— Salut mec, lui fait signe Léo, assis sur le canapé.

— Vous devriez voir vos têtes, mes vieux, commente Anita tout en rejoignant Léo. Installe-toi Alex. Ça ne t’embête pas que je t’appelle comme ça ?

— Non, la rassure celui-ci sans lâcher des yeux Thomas. Tu vas bien ? Anita m’a expliqué que Léo avait des soucis, et toi ?

— Rien, juste un vilain mal de tête le lendemain. J’ai été plus chanceux. Tu veux boire ou manger quelque chose ? Anita a préparé un gâteau au chocolat. Mais si tu préfères, je peux te faire autre chose ?

— C’est gentil. Peut-être après, cède-il face au regard brillant de Thomas.

— J’aimerai parler avec toi, si tu es d’accord ?

— Je… »

Alexandre jette un bref coup d’œil en direction d’Anita et Léo.

« En privée ? demande-t-il.

— Bien sûr ! Ma chambre ? suggère Thomas.

— Ça me va, je te suis. »

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