Un regard

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La musique raisonnait dans chaque partie de mon corps. Les vibrations émanaient de partout en même temps. Assourdissante. Il me fallait une pause.

Pour la troisième fois cette semaine Clara et moi avions décidé de sortir après un apéritif bien arrosé.

Que j'aimais Lyon bon sang ! Quelle ville incroyable ! J'espérais tant y vivre pour toujours. Si on m'annonçais, là, maintenant, que les voyages n'étaient plus chose possible ?! Je m'en serais complétement fichu tant cette ville regorgeait de merveilles dont il me semblait que je ne me lasserais jamais.

Vivante. Voilà comment je me sentais ici. Je savais que je vivais probablement l'une des meilleurs périodes de ma vie et je comptais bien en profiter.

Le bar et la piste de danse étaient bondés. On devait se pousser pour accéder au fumoir qui se trouvait au fond.

Clara avait décidé de rester sur la piste, où elle s'était fait une nouvelle connaissance. Elle adorait danser et flirter. Je la laissais donc à ses occupations. J'étais à peu près sûr qu'elle bécoterait quelqu'un le temps que je revienne. Cette idée me fit sourire.

J'avais besoin d'un peu de calme. Je ne supportais jamais longtemps ces ambiances bondées et étouffantes. Heureusement que je n'étais pas complètement sobre, car je ne serais jamais sortie, et ne sortirais jamais d'une manière générale, si je ne me désinhibais pas un minimum. Bien évidemment, en restant raisonnable et apte à rentrer chez moi en sécurité par la suite, cela s'entend.

J'arrivais enfin à la porte du fumoir que je poussais.

Ouf ! Il était pratiquement vide à l'exception d'un groupe de trois qui me tournais le dos au fond. S'était étonnant, vu le monde qu'il y avait dans le bar, que le fumoir soit si vide, mais je ne me plaignais pas et entrais avec plus d'enthousiasme et de soulagement que nécessaire dans ce genre d'endroit.

La pièce était rectangulaire, entourée de vitres, et était suffisamment grande et aérée, pour que la fumée ne soit pas suffocante. C'était l'un des seuls fumoirs que je connaissais où j'étais soulagée de me réfugier quand l'envie me prenait lors d'une soirée. La lumière était tamisée, mais pas au point de ne pas distinguer nettement les visages des gens, les détails de leurs traits ou la couleur de leurs yeux. Il y avait de la place pour qu'une bonne cinquantaine de personne y tienne sans être serrée.

Oh ! et le plus important dans une endroit où les décibels étaient montés à fond : l'insonnorisation. Elle était parfaite. Un peu comme si on avait mis des bouchons dans nos oreilles, ce qui rendait la musique extérieur assez étrange, mais au moins, on pouvait discuter en maintenant une certaine distance, et sans avoir à hurler.

Je me mis dans le coin le plus éloigné du groupe et m'assis. La pièce était selon moi plutôt propre et au pire, le pantalon passerait à la machine. J'avoue que je me fichais pas mal d'où je m'asseyais d'une manière générale, et cela faisait beaucoup rire mon entourage aussi bien que ça l'exaspérait.

Alors que j'allumais ma JPS, deux des membres du groupe quittèrent la pièce.

Zut ! Nous n'étions plus que deux. Le dernier membre encore sur place, était un jeune homme assez grand qui me tournait pour le moment le dos, et moi, toute petite dans mon coin.

Personne n'était entré entre temps, et personne ne semblait sur le point d'entrer de ce que je pouvais observer derrière les vitres. J'espérais qu'il ne viendrait pas entamer la conversation... Je redoutais un relou dont il me serait impossible de me débarasser. Mais je me savais aussi incapable ne pas répondre et le rembarrer. Je n'avais jamais su comment m'y prendre, et ne voulais surtout pas paraître méchante. Je détestais blesser les gens.

Afin d'empêcher mes craintes de se réaliser, je ne prétais pas attention à l'autre personne et me préoccupais plutôt d'une tâche sur le mur que je m'imaginais prendre des formes rigolotes.

J'avais beaucoup d'imagination et elle m'étais très utile lorsque je me trouvais seule. Je la préférais souvent à la présence d'autres êtres humains d'ailleurs, et en cet instant elle m'étais d'une grande aide.

Je me sentais observée depuis un moment, mais ne voulais pas montrer que je l'avais remarqué. Peut-être allait-il se lasser et sortir rejoindre ses amis.

Il n'en fit rien et j'entendis le bruit d'un briquet qu'on actionnait. Clic.. Pshh...

Un mouvement de l'autre côté de la pièce, me fit tourner mon regard vers l'individu, qui à ma grande surprise s'étais rapproché de moi. Il se déplaça tant et si bien, qu'il se retrouva à ma hauteur face à ma position et qu'il se plaça devant ma tâche, m'enlevant ainsi mon unique jeu. Étant assise, je n'avais pas encore levé les yeux vers les siens, et c'est lui qui prit la décision de s'assoir dans la même position que la mienne, genoux semi-pliés et adossé au mur de derrière. Cela remédiait radicalement à la situation et ainsi il ne me laissait pas d'autres options que de pêter attention à lui. Il n'était pas dupe et avait compris que j'essayais de l'ignorer.

C'est alors que nos regards se croisèrent et que je le remarquais vraiment pour la première fois.

Ce que je ressentis à ce moment précis je m'en souviendrais toute ma vie.

Il était d'une beauté sans nom. Je pensais sincèrement que même Apollon n'était pas à la hauteur de son physique, et loin de l'être. Il émanait une telle aura de lui, qu'elle en était éblouissante et pourtant impossible à ne pas regarder. Je me savais perdu.

Ses traits étaient comme sculptés, il n'y avait absolument aucun défauts. Ses lèvres étaient parfaites, si parfaites qu'il me semblait impossible de ne pas les embrasser dans un futur proche.

Ses cheveux étaient d'un beau bruns foncés mal coiffés, et il avait une barbe naissante qui lui donnaient un air rebel mais incroyablement séduisant.

Il était très grand, d'un bon mètre quatre vingt dix au moins vu la taille de ses jambes pliées.

Il était mince, mais on pouvait deviner une fine muscultature, sous son t-shirt noir uni, qui laissait présager qu'il était sportif. Même ses bras paraissaient sculptés.

Ses yeux étaient d'un vert mordoré éblouissant et leurs couleurs n'étaient certainement pas une résultante de la lumière de la pièce. Aucun effet d'optique ne pouvait leur donner cette magnifique couleur. Son regard était hypnotisant et incroyablement profond. Je ne pus le quitter pendant un temps infini et qui me parut à la limite de l'indécence.

Il me fixait de la même façon et je ne comprenais pas pourquoi. A côté de lui, j'étais la personne la plus banale du monde. Je n'étais pas très jolie et ne possédais rien de particulier si ce n'est peut-être mes cheveux frisés. Je savais qu'on ne pouvait être complètement objectif avec soi-même, mais croyez-moi sur parole. J'avais raison.

J'avais déjà été sujette à un coup de foudre par le passé, mais alors la vague d'émotions qui venait présentement de me subtiliser toute volonté, était incroyablement puissante.

Je me sentais légère et lourde à la fois. Dédoublée entre ma raison et mon désir. Mon ventre, ma gorge et ma poitrine étaient entortillés tels un tas de feuilles emportées par le vent automnal. J'avais des bouffées de chaleur, mon esprit était incapable de penser correctement, et aucun son n'était en mesure de sortir de ma bouche. Les picottements que je ressentais dans mon corps mais essentiellement dans mon bas ventre et de mon dos, en disaient long sur l'attirance que j'éprouvais à son égard.

Je devais avoir l'air d'une parfaite idiote.

Ce que je n'arrivais pas à assimiler, c'était qu'il avait l'air d'un parfait idiot aussi.

Un parfait miroir de ce que devait être ma propre expression, mes propres sentiments et du tourbillon de sensations qui me traversaient.

Nous sommes restés ainsi sans parler de longues minutes. Nous n'avons pas bougé, ni détournés nos regards. Pas même lorsque des personnes entraient dans la pièce et passaient devant nous. Les bruits étaient sourds et si quelqu'un nous avait parlé, il se serait royalement fait ignorer. Nous restions simplement assis, là, dans la bulle mentale que nous venions de nous créer.

Il semblait tout aussi incapable que moi de formuler une phrase et semblait lutter contre quelque chose. Son mutisme ? Son immobilisme peut-être ? Son incapacité à penser sainement et de manière réfléchie ?

Ce qui me fit brusquement sortir de ma rêverie, fut Clara qui entra comme une furie dans la pièce en clamant qu'elle me cherchait partout, et me prit la main pour me relever. L'un des amis du jeune homme la suivit de peu et rejoignit son pote qui sortit de ses propres pensées.

Je remarquais alors seulement que la pièce s'était pas mal remplie depuis la dernière fois que j'y avais prêté attention.

Les gens les plus proches de nous, nous observaient comme deux bêtes curieuses et l'air légèrement amusés. Je notais qu'ils avaient pris soin de rester en retrait et de nous laisser l'espace qui nous séparait, le jeune homme et moi, libre, afin de ne pas briser peu importe ce qu'il y avait à briser, d'un point de vu exterieur. A moins que ce ne soit notre cocon mentale qui ait été si puissant qu'il les en ait empêché ?!

Je fus si surprise que Clara explosa de rire et moi aussi. A deux mètres de nous, j'entendis le jeune homme et son ami rire également, certainement pour la même raison.

Les gens commencèrent à se disperser de part et d'autre de nos deux groupes. Maintenant que la magie avait cessé, et que la bulle avait explosé pour s'éparpiller aux quatres coins de la pièce, plus rien ne les en empêchait.

Clara ne sembla rien avoir remarqué, à part ma surprise, et cela m'arrangeait. J'aurais ainsi le temps nécéssaire pour me remettre les idées en place et réflechir à une potentielle suite.

Tandis qu'elle fumait sa clope sans me prêter trop d'attention, le jeune homme et moi nous jetions d'autres regards furtifs, mais suffisemment appuyés pour que l'autre sache que la bulle était encore là. Présente et indélébile dans l'esprit de l'autre.

Un manque s'était créé. J'avais besoin de ses yeux et de ce regard qui m'intriguait. J'avais besoin des papillons dans le ventre que tout son être provoquais.

J'étais toujours dans ma rêverie, et était bien incapable d'expliquer la situation à Clara, qui de toute façon, était bien trop occupée à me raconter ses propres aventures.

Tant mieux, cela me permettrait d'avoir les idées plus claires quand je lui évoquerais ce que je venais de vivre. De plus, la connaissant elle se serait empressée de jouer les entremetteuses si je lui avais fait part de tout cela alors qu'il était encore là, à quelques pas de nous.

Elle finit sa clope et nous sortîmes enfin du fumoir.

Je jettais un dernier regard vers ma rêverie qui m'observa également même après que la porte se fut refermée. Son regard suivit le miens à travers les vitres, jusqu'à ce que je disparaisse.

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