28. Escapade

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Samedi 08 décembreCASSIE

Depuis ce matin, j’ai du mal à me remettre de mes émotions. Je ressasse encore et encore notre journée de la veille, le cœur lourd de ce sentiment que je reconnaitrais entre mille. L’amour.

Cet amour que je ne voulais plus laisser entrer. Surtout pour Ashley… Et pourtant, je ne cesse de nous revoir, décorant ensemble ce sapin immense, entourés de nos amis. Alors, je me demande s’il ne serait pas temps. Temps de lui ouvrir la porte, cette porte que j’ai fermée à double tour pendant sept ans. Pour me préserver et aussi… pour lui, je crois.

Pour qui d’autre, sinon lui ?

« Ashley participe de plus en plus à des cours d’arts plastiques. Aidé de son père, ils dupent sa mère. Le but principal étant de lui offrir la possibilité de poursuivre ses rêves. D’après Richard Terrence : c’est avec ses passions qu’on devient la meilleure version de nous.

Petite ? Qu’attends-tu sur le pas de la porte ?

Monsieur Terrence, patriarche de cette maison que je connais à présent par cœur, se tient face à moi. Un sourire illumine son visage. Il glousse quand il aperçoit mes pommettes qui rougissent. Hésitante, je n’ose pas l’informer de mon intention d’attendre le retour de son fils chez eux. Trop peureuse et impressionnée par la prestance du personnage, je tangue d’un pied à l’autre.

Suis-moi.

Sa voix est rauque, chaude. Au-delà de son costume trois pièces du parfait homme d’affaires, il transpire la gentillesse. Lui emboîtant le pas, je pénètre dans la demeure en silence. L’odeur des cookies de Mama parviennent jusqu’à nous. Mais Richard m’entraîne vers un lieu dans lequel je n’ai encore jamais mis le nez : son bureau.

Il en ouvre les portes, m’invite à m’installer dans ce qu’il appelle « le salon d’affaires ». Un ensemble de fauteuils et canapés, autour duquel des dossiers importants doivent être signés, j’imagine. Monsieur Terrence se racle la gorge attirant mon attention sur lui.

Il me paraît évident que tu entretiens une relation amoureuse avec mon fils.

Je rougis.

J’en suis ravie. Je m’inquiétais pour lui. Ce gamin a un talent fou pour se disperser et créer des problèmes. Du moins, c’est ce que Madame semble dire. Mais il va de soit que depuis sa rencontre avec toi, il apparaît être rayonnant.

Vraiment ?

Bien sûr ! Et le voir si passionné par le dessin me gonfle le cœur de bonheur. Sais-tu pourquoi ?

Je l’ignore totalement. Les mouvements de ma tête répondent à ma place. Je l’observe, curieuse d’en apprendre plus sur Ash. Un gloussement bienheureux m’atteint. C’est un père joyeux qui m’accompagne. Il est tout le contraire de l’imagine austère que renvoie la mère d’Ashley, Madame De Cœur. Attentive, j’accueille les paroles de cet homme avec un sourire timide.

Grâce à toi, Cassie. Parce que grâce à toi, il se permet de découvrir le monde de lui-même. Se permet de trouver sa propre passion. Et s’il peut aller vers ce que j’apprécie aussi, cela ne me fait que plus plaisir encore. Jusqu’ici, j’ai toujours eu cette crainte de n’avoir aucun lien avec mon propre fils. Et maladroit comme je suis, je n’ai su faire un pas vers lui qu’à l’instant où, cette jeune fille brune à la lumière contagieuse à fait son apparition dans son quotidien. Alors, je dois te remercier. Tu es une étoile pour lui, du moins, c’est ce qu’il croit. Pour moi, tu ressembles plus à une flamme qui éclaire un chemin qu’il craignait d’emprunter. J’espère que tu pourras avancer à ses côtés encore longtemps.

Je… Mer…

PAPA ! Qu’est-ce que tu racontes à ma petite copine ? »

Merde ! Je suis carrément fleur bleue, les yeux pleins de larmes, je souris. Le bonheur est à un pas, n’est-ce pas ? Comme il l’était dans ce souvenir… Il est là dans mon présent pour ne plus jamais en sortir ? Ashley ne me tournera plus le dos, je ne verrais plus ses épaules baissées, ni ses tremblements subtils dus à ses pleurs. Non ! Ou du moins… Je l’espère.

— Cassis ? Tu es là ?

Enfermée dans mon atelier, je tergiverse à la recherche d’une idée. Enfin, c’est ce que je me dis parce qu’au fond, je suis déjà sur plusieurs pistes. Et les esquisses prolifèrent d’ailleurs sur une dizaine de feuilles que j’ai balancées ici et là sur le sol. Tous ces brouillons rejoignent la même pensée, la même personne. Comme d’habitude, Crève-cœur est partout.

— Oui ? dis-je timidement à travers la porte à l’attention d’Eliott.

— Tu comptes sortir de ta grotte ?

Oui. Non. J’hésite.

En vérité… J’ai cette envie folle de tout lâcher pour inviter Ash à voir l’une de mes œuvres. L’une des premières que j’ai réalisées. Et peut-être qu’Eliott sans le savoir est celui qui va me mener à sortir de mon trou. A sortir de cette hésitation qui est la mienne.

Parce que me faire confiance, c’est accepter de suivre mes sentiments. C’est aussi effacer le passé pour mieux avancer dans le présent. Je ronchonne dans mon coin tandis qu’El toque une nouvelle fois à ma porte.

— J’arrive !

— Enfin !

Cole ricane lorsque j’entre dans le salon et je le comprends. Envolée la Cassie toute pimpante. C’est une mousquetaire en pyjama qu’ils découvrent tous les deux. Les cheveux attachés en chignon, avec des mèches qui en dépassent. Un jogging que j’ai dû voler à l’un ou à l’autre. Et ce vieux t-shirt que je traine depuis des années. Mon frère ne manquerait cette occasion pour rien au monde et à l’instant où je me rends compte qu’il a pris une photo, celle-ci est déjà partie vers de nouvelles contrées. Celles de notre conversation groupée, bien entendu. Et nulle part ailleurs, je l’espère.

— Efface-moi ça ! Quelle horreur ! Je ressemble à un ogre !

— Je dirais plutôt à une sorcière qui vient de nous concocter la pire des potions magiques. Mais après tout, c’est toi qui décides.

— Cole !

— Cassie !

— Eliott ! Quoi ? Je veux jouer avec vous aussi.

Un fou rire nous emporte tous les trois. Nous nous jetons sur le sofa, les uns à la suite des autres. Mes mousquetaires attendent que je prenne la parole mais j’ignore totalement quoi dire. Tout ce dont j’ai envie, c’est de… voir Ashley. Alors, je me tais. J’essaie presque de devenir invisible, prenant un de nos plaids et m’enroulant dedans.

Du moins, je croyais pouvoir passer inaperçue… Quelle belle blague ! Cassie, tu es littéralement installée entre tes deux gardes du corps. Grimaçant, je me redresse. Pose les mains sur mes genoux pour mieux accepter ce qui arrive :

— Appelle-le.

Cole ? Ma tête se penche sur le côté, je suis sceptique. Il vient de dire quoi ? Mon regard ahuri se télescope vers celui d’Eliott. Dans lequel je cherche une réponse ou une explication des mots qui viennent de passer les lèvres de mon frère. Mais celui-ci se contente de hausser les épaules.

— Appelle-le.

— Qu…quoi ?

— Ne me le fais pas répéter une troisième fois, je t’en prie ! Cassie enfin… Appelle-le.

Cole semble désespéré. Moi aussi. Cette fois ce sont mes sourcils qui se froncent. Totalement perdue, je resserre mon plaid autour de mes épaules. Me rapetisse. La main d’Eliott vient se plaquer sur le haut de mon crâne. Mettant par la même occasion mes cheveux en fouillis.

— Ton téléphone ?

— Dans l’atelier.

— Je m’en occupe !

— El, attends, ne…

— Je sais ! Interdiction de regarder ce sur quoi tu travailles !

Il se précipite et revient dans la minute qui suit. D’accord, le message est clair. L’un et l’autre m’encadrent. Et c’est le cas de le dire, puisqu’Eliott se réinstalle à mes côtés, bloquant toute sortie possible. Mon téléphone apparaît entre mes mains, Cole semble me fixer, et surtout hoche le menton pour m’indiquer que je me dois d’agir.

— Tu te lances ?

— Quoi ? Mais qu’est-ce que vous avez tous les deux ?

— Cassis, tu ne nous la feras pas à nous. Appelle Crève-cœur. Tu en meurs d’envie.

— Non. Pas du tout !

— Et mon cul, c’est du chocolat peut-être ?

— Appétissant.

Merci Eliott, on se serait passé de cette remarque surtout quand il s’agit des fesses de mon frère. Ils éclatent de rire, encore et me pressent d’autant plus. Sourire aux lèvres, ils insistent plusieurs minutes avant que je ne cède à la tentation. Cette tentation même qui depuis des heures, que dis-je, qui depuis mon réveil me hurle d’avancer vers Ash.

Une sonnerie.

Deux…

Trois.

— Écoutez, il ne répondra pas.

— Âllo ?

Mon portable vole à travers la pièce. Je ne m’attendais pas à ce qu’il décroche. Ma panique a pris le dessus et les gloussements de mes colocataires ne font qu’accompagner le bruit sourd de mon téléphone qui tombe sur le sol. En fond sonore, la voix d’Ash qui cherche à comprendre ce qu’il se passe.

— Stella ? Est-ce que tu m’entends ? Eh oh !

Sans plus réfléchir, je fonce. J’agrippe l’objet qui attire toutes les attentions et le souffle court, je hurle dans le combiné :

— JE SUIS LA !

— Outch, merci pour mes oreilles.

Oups.

Ma respiration tremble, entendre sa voix me réchauffe le cœur. C’est décidé. Je vais lui montrer. Le faire entrer dans mon monde autant qu’il m’accepte dans le sien. Alors j’ose. J’ose faire ce pas en avant. Lui tendre la main comme il l’a fait en amenant Noël jusqu’à moi, au bureau.

— Tu… Tu voudrais venir avec moi ? J’ai des photos à faire pour les réseaux et, enfin, je me disais que… peut-être, dans l’éventualité où tu serais intéressé… je pourrais, tu vois ? Te montrer un des premiers graffes que j’ai réalisé.

Ma voix, mes mots partent dans tous les sens mais, c'est dit. D'ailleurs, la sienne aussi tremble et apparaît sous une forme interrogative :

— Oui ?

—Oui, acquiescé-je dans un murmure.

Le dernier "oui" qui ricoche de son côté est comme une libération. Il confirme son envie de découvrir mon dessin. Et excité par ma proposition, j’entends en arrière-plan de notre conversation ses clés qui balancent entre ses doigts.

— Je te rejoins à la coloc.

— Ash ? On a le temps, tu sais.

*

AHSLEY

Le temps.

J’ai justement l’impression qu’on en manque. Que je dois courir après pour rattraper ces sept ans sans elle. Mon étoile. Alors quand elle me dit, sûre d’elle, qu’on a le temps, je ne peux que sourire. Sourire au bonheur qui illumine ma vie grâce à sa présence et à cette chance que j’ai de faire mieux, cette fois.

— Je sais, Stella. Mais…

Inutile d’en dire plus. Tous les deux sur la même longueur d’onde, nous nous comprenons et je raccroche. Un, deux, trois. Mes actions sont simples, rapides et efficaces. J’attrape mes clés, garde mon téléphone en main et je n’oublie surtout pas notre calendrier de l’Avent.

Le nôtre. Et non plus, le mien.

Ce défi était stupide dès le début. J’aurais dû la reconnaître au premier instant. Pourtant, mon cerveau me dictait de ne pas y croire. Ferme les yeux et le rêve s’évaporera. Sauf que je ne dors pas. Je suis éveillé et prêt. Prêt à rouvrir les portes de ce cœur que j’ai enfermé à double tours. Alors si je dois encore attendre plus longtemps pour retrouver Stella, j’ignore totalement si je serais capable de renoncer à cet… amour que je ressens pour elle.

Une demie heure plus tard, je la retrouve. Ou presque…

— CASSIS ! CRÊVE-CŒUR EST DANS LA PLACE !

— Eliott, c’est un plaisir.

C’est tout lui. Une belle entrée en matière comme on les adore. Par contre, ce que je n’adore pas, ce sont ces foutues décorations de Noël, qu’ils ont mis aux quatre coins de leur appartement. Bordel ! Des paillettes en furie ! Je glousse seul sous le regard curieux d’Eliott qui se pousse pour m’inviter à entrer.

— Pas le temps pour ça ! Viens avec moi !

Stella. Elle fonce comme une bombe. Joint ses doigts aux miens et m’entraîne à sa suite, sous les rires sans gênes de son frère et son meilleur ami. Décidément, ils forment à eux trois, une belle bande de mousquetaires. Des mousquetaires que rien n’arrête. Au dernier instant, Cole me balance une écharpe, pour Cassie. Cette étourdie file comme le vent et va se plaindre dans cinq minutes d’avoir froid.

Et ça ne manque pas !

Pire encore, elle a tenu deux minutes avant de lorgner sur la boule de laine que je trainais avec nous. Elle s’enroule dans l’écharpe puis plonge son océan dans mon regard, elle ne fait qu’une bouchée de mon pauvre corps mais je l’accepte. Je me tends vers Stella pour mieux me concentrer dans l’intensité de ses yeux cristallins.

— Tu conduis ? C’est dans la rue en face du… conservatoire.

Le conservatoire. Celui dans lequel elle avait son entrée et dans lequel elle avait sa carrière toute tracée. Cette école élitiste dans laquelle les artistes développent leur identité, leur « patte » : unique et créative à la fois. Un pied de nez à ce rêve qu’elle a touché des doigts sans parvenir à l’atteindre. Quoique… je n’en suis pas si sûr. N’a-t-elle pas atteint son but ?

— Cass, je…

— Ne t’excuse pas. Tu n’y es pour rien. Je crois ? J’en avais déjà conscience avant. Mais je préférais te détester en pensant que tu étais de mèche avec ta vipère de mère. Sauf que c’est faux. N’est-ce pas ?

— C’est faux. J’ignorais tout, jusqu’à ce que la nouvelle bonne parle de ta venue à la maison.

— Tout était déjà préparé pour que je sombre. L’adolescente croqueuse de diamants qui a su repérer le pigeon parfait.

J’aimerais l’empêcher de cracher ces mots, si amères. Pourtant, c’est impossible. La vérité me frappe de plein fouet, mon cœur vibre et hurle de souffrance pour ce qu’elle a vécu. Un écho de cette soirée de réveillon s’éveille en moi. Je veux l’étouffer, l’enterrer plus loin et le garder cacher.

« — Papa ! Papa réveille-toi, je t’en supplie !

Tout mon corps tremble, des pieds à la tête, je sombre. Plonge à genoux aux côtés du corps inerte de mon père. Mes mains agrippent ses épaules. Je panique devant ses yeux révulsés derrière ses paupières. Comment ? Pourquoi ?

Je ne comprends rien…

Une minute plutôt, nous rigolions des actions de Stella face à mon professeur de dessin. Et maintenant ? Il est là, Richard Terrence. Allongé au sol. De la bave sortant d’entre ses lèvres. Les bras ballants. Mort. »

— Ashley. Tout va bien. Je suis avec toi.

Cassie.

Mes nerfs se détendent, la bout de ses doigts caressent ma main. Ses dessins en arabesque m’apaisent. Bientôt, nous sommes dans la rue. Elle m’entraîne avec elle. Puis me poste au croisement, celui juste en face du conservatoire, celui que les étudiants prennent pour les amener vers leur avenir.

Là, sur l’entièreté du mur, son dessin.

Suspendu dans le vide, un verre. D’abord intrigué, je l’observe sous toutes ses coutures. Puis, je comprends. Sur le rebord, les traces d’une bouche. Légères, elles représentent la personne qui a bu la première gorgée de la boisson rosée et pétillante qu’il contient. Puis en face, telle une dualité, viennent se dessiner les courbes des traces de lèvres peintes de rouge. Plus féminines.

Le dessin est là suspendu, dans l’attente de nous en dire plus. Et je sais exactement ce qu’il attend. Prêt à nous révéler le véritable sens de sa présence sur ce mur. Cassie, silencieuse, semble getter ma réaction.

— Ce verre…

Il est l’écho d’un passé, de notre passé. Une réponse à l’obstacle auquel elle a dû faire face. Stella m’entraîne avec elle, me fait asseoir sur un banc. Il fait face à son œuvre, nous permet de patienter. Aucun de nous n’ouvre la bouche. Concentré sur chacun des traits de son graffiti, je laisse la chaleur de ses doigts m’ancrer au présent.

La nuit… Elle arrive à grands pas. Mon souffle se coupe. Ma poitrine souffre. Le choc est tel que subjugué par la transformation du liquide rosé, mon corps se redresse de lui-même.

Le liquide rosé disparaît. Le fond du verre se brise. L’illusion réconfortante d’un couple qui partage une boisson n’est plus. Tout ce qu’il nous reste, c’est une pluie d’étoile qui coule au-dessus du contenant transparent. Elle envahit l’espace.

Gravite autour des rebords lustrés de l’objet. Efface les détails des empreintes laissées par leurs propriétaires.

Cette traînée étincelante métamorphose totalement le dessin. Séducteur, presque sexy, il est maintenant mélancolique. Presque enchanté. Puis… Bordel ! Cette phrase, elle n’était pas visible tout à l’heure !

— « Les étincelles de la première rencontre ». C’est…

Époustouflant.

Mes doigts se resserrent autour de ceux de Stella. Cet œuvre, c’est un message pour moi. Pour nous. Pour nous rappeler, qu’un verre est suffisant pour bouleverser deux vies. Des âmes sœurs dont le destin se moque. Des amoureux transis qu’une femme malintentionnée à décider de séparer. Pourquoi ?

Des larmes m’échappent.

Je comprends à présent.

— Une blessure et tout s’est effondré. Je suis… désolé, Stella. Je ne voulais pas… Je…

— Tu étais fragile. Tu as cru que c’était ta seule défense. Mais Ash, si les ténèbres te rattrapent, n’oublis pas qui je suis.

— Mon étoile.

Elle acquiesce. Je me penche vers elle. Et au lieu de laisser des traces sur les rebords d’un verre, je préfère déposer mes lèvres sur les siennes. Ce baiser est doux. Presque chaste. Loin de celui que je suis aujourd’hui, plus proche de celui qu’elle a rencontré ce soir-là, en haut de l’escalier du sous-sol. Un Ashley blessé mais curieux d’apprendre ce qu’est l’amour, le vrai.

— Le verre.

Sa voix me surprend.

— Il est significatif. Tu sais, c’est l’un des premiers graffs que j’ai décidé de faire. C’est comme un point de départ. Au fond, c’était notre case « démarrer ». L’amorce à notre histoire. Et donc…

Elle se toussote.

— Ce que je veux dire, c’est que je voulais que cette réalisation ait un impact sur les gens. Qu’il soit mis en lumière ou aperçu dans la nuit sombre, il devait éclairer les passants par son message. S’il nous parle à nous, s’il a une importance si forte pour ce que nous avons vécu ensemble… Je voulais qu’il en ait une également pour les autres. Pour leur montrer qu’un rêve, qu’une tentation aussi belle qu’elle soit peut être destructrice… Se briser en éclats de verre tranchants. Tout comme elle peut être éblouissante.

— Nous éclairer dans l’obscurité.

— Mmh… C’est ça.

— Il n’y a jamais eu de photos pour ce verre.

— Des photos ?

— Sur les réseaux.

Je sais ce qu’elle s’apprête à dire avant même qu’elle ne le fasse. C’est évident. J’aurais su. Enfin… je crois. Où elle l’espérait et craignait les conséquences que ce dessin pouvait engendrer. Alors pourquoi faire un pas vers moi ? Pourquoi prendre ce risque pour moi ?

— Maintenant, je peux.

— Oui ?

— Ash, enfin ! Regarde-nous.

Et c’est ce que je fais. Cassie est là, ses doigts enlacés aux miens, timide. Elle me sourit et son visage se dirige vers l’œuvre qui nous fait face. Son œuvre. « Notre première rencontre ». Elle l’a dessiné pour nous. Pour montrer au monde qu’une blessure n’est pas seulement une chute. Non ! Au contraire, une rencontre n’est finalement, qu’une allumette dont la flamme vient ravivée des étincelles en sommeil.

A la lueur de cette vision, je comprends. Je comprends que mon cœur bat pour elle, pour cette histoire que j’ai fuie malgré les sentiments profonds que je ressentais pour elle. Alors, sur un coup de tête – encore – je l’attire à moi. Mes mains viennent prendre en coupe son visage, mon front se colle au sien. Et je l’examine, l’observe, souris.

— Tu m’as manqué, soufflé-je.

Cet aveu, c’est le feu qui s’embrase. Le feu d’artifice qui explose en plein ciel. C’est une étoile filante qui entre dans mon champ visuel pour exaucer mon vœu le plus cher, le plus sincère, le plus secret. Un vœu que je ne voulais même pas m’avouer. Celui de retrouver ma propre étoile, ma Stella : Cassie.

Cette Cassie qui dans un élan de courage se hisse sur la pointe des pieds et m’embrasse. Réduisant la distance entre nous, elle scelle le souhait que nous avions tous les deux au fond de nous. Elle est mon évidence autant que je suis la sienne. Je l’espère. Reprenant mon souffle, je sépare mes lèvres des siennes, et entoure sa taille de mes bras.

— Tu veux venir à la coloc ? Tu sais… Pour le chocolat ?

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