Mercy

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Mon dos touche le carrelage froid de la salle de bain. Mon esprit divague toujours pour retrouver cette scène et la passer en boucle. J'entends encore ma voix se briser. Je tourne la tête, j'observe ma main rouge. Mes doigts se serrent et se desserrent. Mon torse me brûle. Je ne compte plus les entailles sur ma peau. A côté de moi, mon arme gît dans une marre rouge à côté du cadavre.
Dehors, la nuit (Night) est tombée depuis beaucoup trop longtemps. Au loin, quelque part dans un des nombreux appartements, un téléphone sonne. Dans le mien, tout est enfin calme. J'entends seulement mon coeur s'emballer.
Je sens qu'une larme s'échappe de mon oeil. Je n'ai plus la force de bouger et pourtant, il le faut. Je devrais déjà être à des centaines de mètres (a hundred feet) de leur corps. Fuir à nouveau avant que les autres arrivent et finissent le travail inachevé. Fuir avant de mourir une seconde fois.
Alors, mon corps se met en mouvement. Je passe mes mains sous l'eau gelée pour enlever tout le sang qui me colle à la peau, aux ongles. Je frotte tellement que mes mains me piquent, m'arrachent un grognement. Du sang s'écoule dans le lavabo. Cette fois-ci, c'est le mien. Je relève lentement la tête et croise mon reflet. J'étudie mes traits dans le miroir brisé. Tirés, fatigués, morts.
J'ai l'impression de me consumer à chaque mouvement à tel point que ça me rend un peu fou. Dis-moi que je ne suis pas fou (Tell me that I'm not crazy). Je sens la panique m'envahir.
J'ai du sang séché au coin des lèvres. J'ai l'impression de me noyer, tout tombe en panne dans mon cerveau.

- Pourquoi est-ce que j'ai fait ça ?

Quelques minutes plus tôt...

J'arrive dans le hall. Au fond, la porte ouverte (open door) attire mon attention. Ce n'est pas normal. Mes jambes courrent jusqu'à franchir l'entrée. Toutes les lumières sont allumées. Aucun bruit ne parvient à mes oreilles. Et pourtant, je sais qu'il est là.

- Bonsoir Ram.

Je déglutis en me retournant le plus lentement possible. Pas de gestes brusques.
Il me regarde en claquant (slam) la porte. Son regard atteint mon coeur, aspire tout l'air de mes poumons (all the air inside my lungs), arrachant la peau de mes os (Ripping all the skin from off my bones) même.
Tout ce que j'avais entrepris de construire à l'abri, s'écroule comme un château de cartes. Nous y sommes, c'est vrai. Je me suis précipité vers cette porte, dans la gueule du loup, sans penser une seule seconde que c'était déjà fini. J'aurais dû fuir, je le sais maintenant.

- Je t'ai demandé d'être honnête avec moi (honest with me)...

Les mots ne sortent pas. J'y nage trop dedans pour arriver à les aligner.
Je l'observe un instant. J'ai encore quelques minutes, il aime prendre son temps. Son épaisse barbe noire cache une partie de son visage. Ses petits yeux tout aussi noirs me percent à jour comme toujours. Sa chemise blanche est tâchée de sang tout comme ses mains dans lesquelles il tient un couteau. Le liquide rouge goutte sur le parquet.
Il fait un pas dans ma direction. Je ne recule pas. Ma fierté (My pride) est tout ce qu'il me reste.

- Ram, tu sais ce qu'il va se passer maintenant n'est-ce pas ?

- Où est-elle ?

- Déjà partie malheureusement.

Son regard dérive vers le salon. Je prends le risque de le quitter quelques secondes des yeux. Le corps de celle que j'aime repose sur le tapis blanc, devenu rouge. La bile remonte dans ma gorge. Je la ravale aussitôt. Je ne dois montrer aucune faiblesse. Tout cela ne me touche pas. Oui, il faut que je sois convaincu de mes paroles pour qu'il le soit lui aussi, au moins un minimum. Je repose mes yeux sur lui.
Il a toujours eu une emprise sur moi (a hold on me). Je n'étais rien d'autre qu'une de ses marionnettes (puppet)... J'étais encore trop jeune lorsque j'ai commencé à travailler pour lui. Tout me semblait cool, j'avais soif de pouvoir et d'argent. J'avais aussi besoin d'oublier ce que la vie nous donnait d'une main et nous reprenait de l'autre.
Aujourd'hui, je ne peux plus le supporter (I can't take anymore). J'aurais aimé lire de la pitié (mercy) dans ses yeux ce soir. Savoir qu'il me voit un peu comme son fils. Mais je sais que tout est parti en vrille lorsque je me suis enfui avec elle, pour elle. Je voulais la protéger d'une mort certaine. Lui prouver que j'en avais fini avec tout ça. Pourtant, j'ai finalement échoué. Son corps sombre dans une marre de sang. Je suis le prochain sur la liste.

- Rien n'a besoin d'être parfait, lui avais-je dit.

Son sourire se dessine encore devant mes yeux. J'étais prêt à tout pour elle. Je croyais qu'elle m'avait libéré de lui. Je me sentais à nouveau fort pour surmonter la vie.
Elle m'a toujours aidé à m'accepter, malgré les nombreuses erreurs que j'ai faites. Je n'ai pas eu besoin de l'implorer. Elle m'aimait pour celui que j'étais devenu. Pas celui que j'ai été.

- On en finit quand tu veux Ram. Quelle mort souhaites-tu ?

- La même qu'elle.

Il hoche la tête sans quitter mes yeux. Je le vois sortir un mouchoir de sa poche. Il essuie le couteau avant de laisser tomber le petit morceau de tissu.
Puis, ses pieds s'arrêtent à quelques centimètres de moi.

- Tu étais un élément très prometteur, Ram... Tu sais que tu as brisé mon petit coeur lorsque tu as préféré la choisir ? Je pensais qu'on était une famille.

Sa lame se pose sur mon torse. Il enfonce la pointe qui s'enfonce dans ma peau. Je serre les dents. Il veut juste me déstabiliser avec ses mots.

- J'étais prêt à témoigner contre toi même, si tu veux tout savoir, je murmure. J'étais parti chercher un flic pour tout avouer. Même si ça incluait que je sois emprisonné. Puis, je ne sais pas... j'ai pressenti quelque chose et je suis rentré.

Il ricane comme une hyène. La lame déchire ma chair. Le sang s'écoule de la plaie. Il perce à nouveau ma peau, cette fois-ci sur mon épaule.
Le couteau fend plusieurs fois l'air pour me couper tel un vulgaire jambon. J'ai arrêté de compter. Je m'effondre à ses genoux.
Mon tee-shirt est en lambeaux, autant que la peau de mon torse. Il me reste à peine la force de lui attraper les jambes avant que son couteau me porte le coup de grâce.
Il tombe lourdement au sol. Les voisins du dessous doivent sûrement se demader ce que je trafique.

- Tu n'es pas si intelligent que je ne le pensais. Tu as laissé la chance de ta vie de démanteler tout ce que j'ai construit, pour un pressentiment.... Pathétique, Ram.

- Tu as détruit ma vie.

Sans prêter attention à ses paroles, je lui arrache le couteau des mains pour le lui planter dans l'oeil. Il se met à hurler des injures russes. Je me relève tant bien que mal. Il faut que j'atteigne la salle de bain. Je cours en me tenant la poitrine. Mes doigts tremblent lorsqu'ils se posent sur la poignée.

- Je vais te tuer, Ram !

Le flingue est derrière le meuble du lavabo. Il me suffit juste...
Le contact me suprend. Mon crâne s'éclate contre le miroir. Des bouts de verres se plantent dans ma tête. Je suis sonné mais je n'ai plus le temps de réfléchir. Mon geste est trop brusque. Je donne un coup de coude, il tombe au sol. Je l'observe se tordre de douleur à peine une seconde avant qu'il ne me donne un coup à l'arrière du genou. Trop épuisé pour répliquer, ma jambe fléchie, je m'écroule à mon tour. Il s'assoie sur moi, me bloquant les mains avec ses jambes.

- Je sais que tu as toujours eu de bonnes intentions (good intentions)... Mais je vais te libérer de tes démons, Ram. Tu devrais me remercier.

Ses mains entourent mon cou délicatement. Il sert de plus en plus. Je sens mon visage chauffer, l'air me manque. Mes poumons me brûlent. Je ne peux pas mourir avec cette dernière image.
Dans un dernier effort, ma jambe encore intacte s'élève jusqu'à percuter sa tête. Pris par surprise, ses mains quittent mon cou. J'en profite pour reprendre mon souffle et attraper enfin mon arme.
Je le regarde une dernière fois.

Une fois le travail achevé, je m'écroule sur le carrelage.

- S'il-te-plaît, aie pitié de moi (Please have mercy on me)..., murmuré-je, la voix brisée.

KL.Phoenix

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