Muqueuse
Le soleil matinal du mercredi traversait le store comme si la toile grise n'existait pas. Mon écharpe posée sur la table par souci de propreté se trouvait inondée d'une couleur bien moins tendre que son crème originel. Et le plafond déposait beaucoup de poussière, comme d'habitude, personne ne pensait jamais à désennuager l'atmosphère.
Je lisais un livre sur une certaine Tokyo éclectique et les pages, elles aussi, ronflaient sous l'or de mercredi matin, huit heures, horloge d'hiver. Dans l'optique d'une heure vide, tu sais, j'avais fait défiler les sons de ma playlist et plusieurs avaient accroché mon attention. Je les écoutais un peu trop fort. Tokyo était étrange, des histoires de jaune sur le toit, de ménagère et d'omission me faisaient supposer que vivre était parfois honteux, là-bas aussi. Il y avait partout des gens poussiéreux, pissant le sang sur le bitume ; et les autres jouaient à la balançoire, juste à côté d'eux, comme des enfants, occultant leurs yeux de ce dont ils ne souhaitaient pas prendre conscience.
Aussitôt, je pensai à ma gorge enrouée que tout le monde dans la salle de classe pouvait voir et enfilai mon écharpe chargée de soleil. Cette vieille souffrance contrastait furieusement avec les teintes pastel du jour, elle attestait d'hier et de vestiges piteusement conservés : ce mercredi, j'avais vraiment la tuyauterie abîmée mais dans mes pensées, singulièrement, ça allait.
Neo Soul
J'avais gratté la croûte d'un énième coquelicot la veille, il s'était décollé lentement de ma muqueuse, avait arraché quelques fils sains au passage et je l'avais tenu à bout de doigts face au miroir. Il était sorti bien rouge, un ton époustouflant de violence, et avait babillé seul sans attendre une réponse du grand monde. J'avais fixé mon reflet puis mes mains et entre-secondes, la fleur avait disparu de ma main qui l'agrippait.
Ainsi, mes maux de gorge du mercredi me semblaient salutaires, embuée que j'étais de cette lumière bourgeonnante, un coquelicot en moins. Je pesais autant qu'un rien. J'avais aussi l'impression que la toile grise appendue à la vitre n'était pas vraiment là et que si le soleil pouvait se défaire de son existence, alors ma conscience le pouvait aussi. Je voguais sur les ombres des bâtiments, parcourais les lignes des mots comme on longerait les fils électriques du regard. Le coquelicot de la veille reviendrait sans doute, horloge d'été, et je serais prête à le voir pousser sur moi sans craindre qu'il n'envahisse les cratères immenses de ma gorge, de mes viscères, de ma caboche toute éraflée.
Le mercredi matin, huit heures, horloge d'hiver, j'avais la peau crème couverte de soleil et singulièrement, la violence du vieux rouge ne m'électrisait pas.
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