Chapitre 20

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Il était trois heures du matin, le jeudi 17 mai, alors qu’ils s’étaient basé à la table de ce café ouvert 24h/24 non loin du quartier du crime. Rémy n’avait pas tenu malgré ces habitudes de noctambule et s’était endormis sur la table les yeux rouges irrités par les pleurs. James était aussi allé se coucher, mais chez lui. Avant de partir, il avait lancé un “Je suis trop vieux pour ces conneries. Et je sais, c’est une réplique de film. Bonne nuit.”.

La chaleur et les orages des derniers jours s’étaient calmés pour ne laisser qu’un ciel obscur. Au-dessus de sa tasse de thé, Faith se mit à se frotter les yeux. Elle s’arrêta un instant de feuilleter ses notes pour observer la rue déserte à travers la baie vitrée.

Un calme recouvrait tout, même le serveur semblait tourner les pages de son journal au ralenti. En face de la rue, un néon clignotait comme s’il tombait de sommeil. Les rares passants filaient comme des ombres fuyant la lumière des lampadaires.

Elle sourit. Qu’est-ce qu’elle pouvait aimer cette ville endormie. Elle avait beau être plein de défauts, inégalitaire, dure parfois et même souvent, elle savait aussi se montrer irréelle presque vivante. On avait l’impression de ne jamais être seul et d’appartenir à cette tentaculaire conscience.

Elle retourna le nez dans ces papiers, mais elle abandonna bien vite. Lassé de regarder sans ces données sans vraiment en ressortir quelque chose, elle jeta un coup d’oeil à l’écran de l’ordinateur portable de Rémy. Elle avait refusé d’hacker les informations sur Fiore depuis chez elle, de peur qu’il soit possible de remonter jusqu’à elle. C’est comme ça qu’ils s'étaient retrouvés ici. Dans ce café, seul îlot de vie et de lumière tel un phare dans la sombre ville.

Dans le dossier elle y observa les rapports, les prédictions et les photos une nouvelle fois. Il était bizarre de lire tout ceci, elle semblait la redécouvrir. Mais pas de la bonne manière. À travers des chiffres sans âmes qui ne semblaient pas avoir de nom et d'existence. Comme si tout ce qui était dit ne concernait pas une personne autrefois vivante et n’aura pas pu la blesser.

Bon alors, il n’est pas rentré dans la maison toute les fenêtres étaient fermées et le piège de la porte ne s’était pas activé. Elle est bien morte du coup de couteau qu’elle s’est infligé. Elle eut un haut-le-coeur en se rappelant de la scène. Pourquoi fallait-elle qu’elle meure ? Pourquoi ? Et qui ? C’était sûr que ce n’était pas un suicide, elle n’avait aucune raison de le faire… Aucune raison.

Bon sang ! Elle attrapa dans son sac un autre dossier bourré à craquer de papiers que Rémy et elle avait accumulé : des chiffres, des dates, des témoignages des entourages, des photos…

Cela pouvait être Lui. Cet enfoiré de tueur en série. Mais pourquoi Fiore ? Était-elle spécialement visée, ou n’était-ce qu’un hasard parmi toutes ses victimes ? A moins… Cette pensée lui fit froid dans le dos et une rage terrible l’empoigna. À moins que ce fût à cause de moi. Le tueur savait que j’étais à sa recherche et il veillait à qu’on ne le retrouve pas.

Non, cela ne se peut. La moitié de la police était aussi à ses trousses et il n’y avait aucun mort dans leur entourage donc non. Tu te prends pour le centre du monde, ma fille.

Cependant, une chose était sûre, Fiore avait utilisé sa magie soit pour se protéger soit pour attaquer. Maintenant, il fallait savoir si la deuxième option avait réussi.

Faith se mit à déranger tous les services de nuit des hôpitaux pour savoir si une victime de magie s’était présentée à leur service durant les dernières heures.

Il eut seulement deux cas, mais rien qui pouvait se rapprocher des malédictions qu’aurait pu lancer Fiore. Et puis, le meurtrier n’était pas assez stupide pour aller se présenter là-bas, toute blessure magique devait être signalé à la police, alors fallait aller voir dans illégal.

Elle prit de nouveau son téléphone pour appeler cette fois-ci un ami. Mais elle n’eut le droit qu’à la messagerie. Elle tenta par cinq fois de le joindre, sans succès.

Bois de licorne ! Tobias répond.

Tant pis, elle devrait y aller par elle-même. Elle s’approcha doucement du serveur après avoir rangé ses affaires et celle de Rémy dans son sac.

— Excusez-moi, pourriez donner ce mot à amie quand elle se réveillera, demanda-t-elle en tendant un morceau de papier.

— Ouaip, mais vous savez c’est pas une chambre d'hôtel ici ma petite dame.

Son front se plissa au terme “petite”, mais elle laissa passer.

— Oui, je sais bien, mais elle dort si bien et je n’ose pas la réveiller. De plus, on a été plutôt bonnes clientes ce soir. Je compte bien une dizaine de tasses chacune.

À son tour, il fronça les sourcils. Il savait qu’elle avait raison, mais soyons clair, cela le faisait chier. Il se contenta de meumeumer d’approbation comme un enfant contrarié.

Faith ne demanda pas son reste et fila.

———

Il avait beau essayer impossible de se lever tard. À l’aube, ses yeux s’ouvraient tout seuls. Alors il se retourne et retourne encore dans son lit, espérant se rendormir en trouvant une position magique qu’il serait aussi efficace qu’un somnifère. Au grand désespoir il se mettait à observer son plafond ses yeux toujours grands ouverts incapables de se fermer. Et quand il y arrivait, c’est son cerveau qui se réveillait à toute allure. Pensant, pensant et pensant encore à tout et à rien. Et surtout à tout.

Au début c’est souvent des trucs à ne pas oublier de faire puis se sont les problèmes et les inquiétudes qui viennent le hanter. C’est en général, avant qu’ils n’arrivent qu’il se décide de se lever. Tant pis pour la grasse matinée.

Et comme il n’avait rien à faire dans son petit appartement à moins de tourner en rond, il descendait au rez-de-chaussée ouvrir son bar.

Le seul bar ouvert à 5h.

Malgré tous ses efforts, l’honorable “Chat bleu” avait ces horaires depuis plus de vingt ans, ainsi que le même propriétaire Tim Decker. Lui.

L’avantage de ces horaires c’est qu’il attirait tous les ouvriers avant le travail qui souhaitaient un petit remontant alcoolisé ou caféiné.

Bref, il déambula au milieu des tables passant un dernier coup de chiffon en attendant les premiers arrivants. Ils ne se firent pas trop attendre et quelques gras la mine maussade marmonnèrent leur commande telle des zombies. Tim avait appris au cours de ces années à parler de “malréveillé” et l’“encorendormis”.

Une personne sortie du lot en entrant. Elle semblait à la fois très fatiguée et emplie d’énergie. D’un pas sûr, elle se dirigea vers le bar. Une vieille amie, un boucan, un lac au comportement de raz de marée. Il glissa la main sous son bar pour sentir le métal glacé de son fusil à pompe. Valait mieux prévoir avec cet aimant à ennui.

— Pour Eho, t’aurais pu appeler, commença-t-il sans même un bonjour.

— Ce n’est pas pour Eho que je suis ici.

Il releva les yeux intéressés.

Je suis ici pour toi.

— Ah ! Tu connais le prix.

— Un thé…

Il lui adressa un regard noir. Elle leva les yeux au ciel avant de dire d’une voix robotique :

Un verre de ton meilleur whisky.

Il sourit et lui servit.

Faith observa la boisson avec appréhension. Elle mit les lèvres à la boisson et eut un visage de dégoût. Se crispant, elle prit une grande inspiration avant de l’avaler cul sec.

Elle tapa du poing sur la table de manière incontrôlée. En attendant que l’acidité du goût passe.

L’homme secoua la tête de mécontentement. Quel gâchis pour un si bon whisky.

Elle le regarda, une petite larme au coin des yeux.

— Alors je peux l’avoir cette info, souffla-t-elle, puis elle siffla, sérieusement, obliger tes clients à prendre ta boisson la plus chère puis à la payer, c’est vraiment mesquin.

— Tu cherches quoi ? lui chuchota-t-il en s’approchant d’elle, et en ne relevant pas la fin de sa phrase.

— Si les docs des rues ont eu un maudit.

— Un maudit ?

— Ouai, récemment. Il serait arrivé hier soir.

— Quel genre de malédiction ?

— Difficile à dire. Mais la connaissant, ce serait sûrement mesquin.

— Magie ?

— Dorée

Il se mit à siffler.

— C’est rare.

— C’est plus facile à trouver.

— T’utilises pas ton propre réseau ?

— Tu connais mieux les petits commerces de l’ombre que moi.

Ils se fixèrent en silence. Dans une table du fond, un autre client appela d’une voix grave. Tim commença à se diriger vers lui, mais avant de partir, il chuchota.

— Je m’en occupe.

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