Chapitre 1 - partie 2

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Le molosse contracta ses muscles, le regard mauvais. Elle soupira de nouveau, il allait tabasser le client pour une plante. Bon sang de dragon, cet imbécile n’aurai pas pu juste l'ignorer. N’avait-il aucun instinct de survie ? On n’enrage pas ceux qui peuvent vous éviscérer avec leurs mains.

Dans une rapidité qui se rapprochait presque de l’habitude, elle se plaça entre les deux. Et d’un regard noir elle toisa son associé qui abandonna en grommelant.

— Bon revenons à notre affaire, voici votre objet, il est temps de nous payer.

— Rien à foutre de cette merde.

— Comment ça ? Ses phalanges blanchirent tant elle les serrait.

— Elle m’a quitté, le client s'effondra en sanglot se mettant à renifler peu gracieusement en serrant sa bouteille dans les bras comme une peluche. C’était pour elle, son cadeau, maintenant je n’en ai plus besoin, je n’ai plus besoin de rien.

La jeune femme, désespérée et agacée au plus haut point, lâcha son comportement de vendeuse pour lever les yeux au ciel, comme une supplication à une entité supérieure pour éviter de voir ce qui allait arriver.

— Ce n’est pas comme ça que ça marche, vous n’avez pas le choix. On vous a trouvé l’objet, vous payez. Pas de retour en arrière. Vous vous êtes engagé.

— Tu m’as pas entendu je ne vous payerai pas, j’en ai rien à foutre. Vous êtes toutes les mêmes vous les femmes.

Par le Sang du dragon tout puissant, je vais le tuer, ce petit con. Ça devait être un boulot simple, songea-t-elle. On trouve l’objet, on lui ramène et il nous paye. C’est tout. Elle n’avait même pas eu à chercher ce boulot. On lui avait proposé et on lui avait prêté un gros balaise. Peut-être était-ce le karma ? Ou une malédiction ? désespéra-t-elle. Puis reprenant ses esprits, elle se convainquit, Faith, ma fille, ne craque pas. Tu as vu des situations pires que cela. C’est pas un fils à papa bourré qui va t’empêcher de te faire payer.

— Pardon ? se contenta-t-elle de dire, retenant sa furie.

— Je te payerai pas connasse, maintenant dégage !

Oh ! le petit sal… Très bien, j’en ai plus rien à faire. Ce gars allait être condamné. Ça lui apprendra.

— Ta-ron, il est à toi.

La masse qui boudait depuis plusieurs minutes à l’autre bout du salon en nettoyant méticuleusement une plante fanée se retourna. S’avança en quelques grandes enjambés pour rejoindre le client, et le frappa. Un bon gros uppercut suffit à le mettre au tapis. Sonné et bourré, il se releva malgré tout en chancelant plus par réflexe que par défi. Mais un deuxième point le cloua par terre en perdant au passage quelques dents.

L'asiatique s'accroupit près de lui et d’un sourire moqueur lui expliqua.

— Mon bon monsieur, apprenez que tout client se doit d’être bon payeur, en particulier en ne passant pas par les voies légales. Sur ce j’espère que ceci vous le fera comprendre. Cette leçon vaut bien un bonus sans doute.

Sans plus de discours, elle lui prit de sa poche son porte-monnaie et le vida de ses billets, avant de le secouer comme une tirelire espérant quelques pièces cachées. Elle regarda autour d’elle et récupéra allègrement des objets de valeurs dans sa sacoche. Enfin, satisfaite, elle sortit de son sac un objet emballé dans un tissu.

Elle le posa en face du visage écrasé du client et déballa avec cérémonie un magnifique bracelet d’or ciselé de pierres précieuses et de gravures ésotériques.

Le visage rouge, la bouche en sang, un hématome colorant doucement le menton du bougre, il cracha un peu d’hémoglobine en insultant la femme :

— Connasse !

Dans ses yeux un regard plein de menaces et de défis, mais au cœur de ceux-ci elle décelait une peur immense. Elle sourit sadiquement en lui répondant.

— Un peu tard mon cher. Ça, je le sais déjà.

Elle sortit suivie de son associé qui au passage ramassa le pot de la plante arrosée au vin. Et comme pour se justifier, il expliqua à l’homme au sol.

— Elle sera mieux sans vous.

En bas de l’immeuble des beaux quartiers, la femme se mit à compter les possessions arrachées au mauvais payeur.

— Je ne pense pas qu’on a le compte. Bon sang. Bon, voici déjà une partie de la part de ton boss, dit-elle en tendant les deux tiers des billets. Pour le reste il faut d’abord voir ce qu’on peut tirer des objets. Tu veux qu’on se débrouille comment ?

Elle se tourna vers lui, et fut finalement prise d’un fou rire en voyant le troll portant délicatement la plante qui lui chatouillait les narines.

— Qu’est-ce que tu vas en faire, c’est déjà la jungle chez toi ?

— Je pourrais te la donner ?

— Tu rigoles ? Avec toutes celles que j’ai déjà adoptées, c’est l’amazonie dans mon appart. Je dois produire la moitié de l’oxygène de cette ville.

— Mais je sais que tu t’en occuperas bien.

— Normal, la menace de ton poing dévastateur est une excellente motivation.

Il émit un petit rire fier remplacé par un regard triste. La jeune femme le regarda avec attention, presque empathique, mais au moment où elle voulut l’interroger, elle reçut un SMS.

“ Faith si t’as rien à faire en ce moment,

j’ai un job super bien payé pour toi.

Si ça t’intéresse, sois dans une demi-heure

au croisement des rues de Obéron et de Lengimton

aux alentours du café Polchka “

— Même pas le temps de me reposer, se plaigna-t-elle.

— C’est épuisant. Des fois, on aimerait tout arrêter, compatit son compagnon.

— C’est sûr, des vacances ne seraient pas de refus.

— Je parlais de prendre sa retraite.

Elle le fixa presque choquée. La retraite, voilà bien une chose qu’elle n’avait jamais imaginé prendre.

— Tu rigoles, et qu’est-ce que je ferais…. Ah attend tu veux arrêter ? se coupa-t-elle dans sa phrase par le travail de deux neurones qui se connectèrent.

Faith comprit qu’il ne parlait pas que pour elle, mais surtout pour lui. Elle fut surprise, Ta-ron faisait partie de son gang depuis des années, il était même devenu le garde du corps personnel de son boss. Alors qu’il avait atteint une telle position, il voulait tout arrêter. Et lui dire à elle. Ce genre de phrase pouvait être très mal pris par les siens, un gang, c’est la famille. Alors, la quitter, c’est l’abandonner, la trahir. Il la regardait alors qu’elle réfléchissait à toutes les implications de son acte, et expliqua.

— Je crois bien, ça fait un moment déjà. Je crois que je me suis lassé de tout ça. J’en ai parlé au boss, elle comprend, expliqua le troll conscient de l'appréhension de la petite femme.

— Moretti te laisse partir de son gang ?

— Oui, et elle m’a même remercié. Tu imagines ça, elle m’a remercié, expliqua-t-il, ça m’a ému.

Puis il se ressaisit.

— Quinze ans de bons et loyaux services quand même. Mais elle retrouvera bien vite quelqu’un j’en suis sûr, finit-il par dire pour se rassurer, avant de dire, tu devrais y aller tu vas être en retard.

Faith resta muette. Que dire à ça? Mais surtout elle ne comprenait pas l'intérêt d'arrêter une vie passionnante et dangereuse, mise à part la mort. S’arrêter ce serait s’ennuyer. Et il n’y a rien de pire que l’ennui, ça détruit les personnes de l’intérieur, ça amenuise leurs capacités ou ça les rend fous. Elle ne comprenait pas. Elle ne voulait pas comprendre.

Elle ne répondit rien, et partit en lui disant à peine au revoir.

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