Une militante ostracisée

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Cette prise édifiante de responsabilité par une femme sera aussi brève que l'accalmie antifasciste, engendrée précédemment par l'élection du Front populaire. Dans quelle condition, une militante si précieuse a été brutalement écartée deux ans avant la Seconde Guerre mondiale de sa légitime responsabilité, conquise par des années de révolte ? En raison de son statut de femme la blâmant éternellement ?

Cette fois-ci, c'était l'œuvre des tourments anticommunistes de son époque, étant donné que la direction réformiste ou « confédéré » du Secrétaire général de la CGT Léon Jouhaux tolérait depuis bien trop longtemps la présence de ces « dangereux » révolutionnaires ou « unitaires » dans l'organisation. D'autant plus que les tensions à la suite des Accords de Munich du 30 septembre 1938 (qui scelleront le sort de la Tchécoslovaquie), dénoncés par les « unitaires » en rupture complète avec les réformistes, rendait le moment opportun, afin d'ôter tous les leviers de pouvoirs syndicaux aux syndicalistes communistes. La signature du Pacte germano-soviétique le 23 août 1939, désapprouvés par les mêmes qui avaient soutenu les Accords de Munich, finira d'expulser pour quelques longues années les communistes du syndicat. Cette purge s'effectua notamment sous l'impulsion du second de Jouhaux, en la personne de René Belin, qu'on retrouvera le 14 juillet 1940 à la place de ministre du Travail de Pétain.

Marie, se prénommant Marie Couette depuis son mariage le 3 juillet 1922 avec Louis Couette, fut emportée dans ce tournant répressif et ses responsabilités volèrent en éclats, telle une énième fatalité parsemant son existence. Octobre 1939 ne lui fut guère plus enviable. Elle fut déplacée du fait de ses activités politiques à Clermont-Ferrand et expédiée en janvier 1940 à Châteauroux au fin fond de l'lndre, en raison de la chasse aux communistes opérée alors par le ministre des PTT Alfred Jules-Julien sous le gouvernement de Dalladier (par ailleurs chantre des Accords de Munich en 38). L'action de cet ancien sous-secrétaire d’État du Front populaire pourrait témoigner de l'effondrement moral d'une certaine gauche réformiste, glissant de plus en plus vers une droite répressive, voire à l'extrême droite collaborationniste dans le cas juste avant de René Belin. Ainsi, le Front populaire n'était plus qu'un lointain souvenir, qui a laissé place à une Assemblée votant les pleins pouvoirs à Pétain, sans les députés communistes, envoyés aux bagnes du fait du Pacte germano-soviétique, et implicitement du projet longuement mûri de se débarrasser définitivement de toute référence communiste ou marxiste en politique. Lorsque le gouvernement de Vichy s'installa, il la révoqua sommairement en octobre de l'administration. De sorte que ses idées déviantes révolutionnaires n'altèrent pas les fondements de la Patrie.

Pourtant, croyez-vous qu'elle rendit les armes à cet instant où tout semblait lui échapper, alors c'est mal connaître l'énergie de notre chère syndicaliste ostracisée, qui n'a pas terminé de marquer l'Histoire.

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