Chapitre 6 - Aurore -

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Pour qui se prend-il ?

Ce matin, quand je me suis réveillée, ma main me faisait atrocement mal. Malgré la glace, elle avait gonflé et avait viré au rouge, un peu violet. Devant mon miroir, je m’observe pour la première fois depuis plus de vingt-quatre heures. J’ai les marques de ses doigts sur mon cou. Je revois ses yeux injectés de haine. Ma pommette est toujours abîmée. Ma lèvre est ouverte. Sur mon abdomen, j’ai un bleu pour attester du passage de son genou. Ses yeux sont emprunts d’excitation. Mon œil est toujours un peu enflé. Mais par-dessus tout, je vois les endroits qu’il a touché de ses mains sur ma peau. Je sais qu’elles n’existent pas vraiment. Mais elles sont présentes, sur mon miroir. Elles sont bel et bien là, et je ne peux pas maîtriser le dégoût qui m’assaille. Aussi vite que je peux, je me rend aux toilettes où je recrache le peu de chose que mon estomac avait réussi à avaler ces dernières heures. Dans mon placard, je prend un gros col roulé, un jean et file me préparer.

Toute la matinée, j’ai eu le droit à des blagues sur ma mine affreuse, mais mon humeur est bien trop morose et je ne sais pas faire preuve d’auto-dérision aujourd’hui. Je ne peux pas faire semblant alors je leur donne une réponse bien sentie.

Mathilde aussi y va de son commentaire quand je la vois. Mais Louis m’a bien trop énervé et ma patience a atteint sa limite déjà bien basse. Alors je la plante là, au milieu du couloir. La sonnerie ne va pas tarder à sonner alors je sors de l’enceinte du lycée pour rejoindre la salle de sport. Il n’y a personne à attendre et la salle est encore fermée. Être seule dehors m’angoisse et je suis aux aguets du moindre bruit. Je regarde partout, et je le vois, au loin, adossé à sa vieille voiture. Il me fixe et j’appréhende parce qu’il serait capable de mettre sa menace, que dis-je, sa promesse à exécution. Pourtant, il me sourit, ou du moins ça y ressemble, et m’envoie un baiser avant de rejoindre le volant de sa voiture. Quelques secondes à peine plus tard, je reçois un message.

De : Nao À : Aurore

Ce n’est pas pour aujourd’hui, bella. Sois patiente. Ton moment arrivera.

Je reste figée devant ce message alors que les autres arrivent au compte-goutte. Le professeur ouvre la porte de la salle et nous rejoignons tous les vestiaires. Je tente de m’excuser auprès des filles pour me comportement et elles balayent mes paroles d’un geste et me prennent dans leurs bras. Cette embrassade me réconforte tant, j’aimerais rester dans cette position plus longtemps mais je ne peux pas et nous commençons tous à nous changer. Pour ne pas montrer ce que j’ai vu dans le miroir ce matin, je me met face au mur et fait au mieux pour ne pas laisser ma peau tuméfiée trop longtemps aux yeux de tous.

Une fois que nous sommes toutes trois changées, nous passons par les toilettes pour profiter des miroirs avant de rejoindre l’assemblée dans la salle de sport. Nous attendons quelques minutes, le temps que les derniers arrivent. Aujourd’hui, nous commençons le cycle sur le badminton. Je ne devrais pas trop avoir besoin de mes deux mains et ça me rassure. Le professeur nous explique les quelques premières consignes.

  • Qu’est ce que t’as dans le cou ? me questionne Clara.
  • Oh...euh, rien. Je me suis juste..brûlée, je bredouille en touchant mon cou.

Elle ne répond rien et acquiesce tout en reportant son attention sur le professeur. Quant à moi, mon attention est morte et je ne cesse de me demander comment je pourrais cacher la marque et ainsi, empêcher tous les autres de la remarquer. Je cherche encore et encore, pendant près de vingt minutes, en vain. Tant pis. C’est juste une brûlure désormais, même si ça n’en a pas l’air.

Le cours se termine et nous pouvons tous retourner nous changer aux vestiaires. Encore une fois, je me tourne face au mur et me dépêche d’enfiler mon pull et mon pantalon après avoir pris une douche rapide. Je coiffe mes longs cheveux en silence. Et une fois que nous sommes toutes prêtes, nous sortons une à une des vestiaires pour rejoindre l’enceinte du lycée. Dehors, le soleil brille étonnement fort pour un mois de janvier. Des lycéens en profite et se détendent dehors, c’est d’ailleurs le cas de Mathilde, qui accourt en me voyant arriver. Elle m’enserre et s’excuse pour son attitude plus tôt, me répétant qu’elle déteste quand on est brouillé. Je la rassure et m’excuse à mon tour, parce qu’en réalité, je suis celle qui a été odieuse et non le contraire. Derrière elle, une silhouette que je reconnais comme celle de Nao m’indique de le rejoindre. Je tente de faire comme-ci je n’avais rien vu et rejoins Clara et Lisa qui ont un peu avancé. Je sais que je vais le payer plus tard.

Toute l’après-midi, les autres adolescents me fixaient et parlaient de ce qu’ils voyaient. Je le sais parce qu’ils ne savent pas être discret, et certains ne faisaient même pas l’effort de le paraître et parlaient fort. Beaucoup se demandaient si j’étais réellement aussi maladroite ou si mes parents étaient violents – une idée rejetée quand l’un a affirmé que c’est la première fois que je suis dans cet état !

Aujourd’hui encore, ma journée a été courte. À seize heure, j’étais enfin en week-end. Le soleil est encore haut dans le ciel et le lycée est presque vide, tant tout le monde en profite. Mais ce qui m’attend dehors me terrifie tellement que je retarde au maximum le moment. Mathilde est donc restée avec moi à l’intérieur. J’ai coupé mon téléphone pour ne plus recevoir les insultes de Nao qui se cache derrière un numéro masqué. Et je passe juste le moment avec ma meilleure amie qui me raconte ses histoires d’amour, comment son bord est adorable et à l’écoute avec elle. Je lui demande de qui il s’agit et, comme à chaque fois, elle élude ma question.

Je souris sincèrement, parce que c’est typique de nous, de notre relation, et que je suis ravie de me rendre compte de la chance que j’ai. J’ai une chance inouïe parce que malgré toutes les années, malgré le fait que l’on ai été séparé pendant longtemps, entre elle et moi, rien n’a jamais changé. Elle est toujours cette fille au grand cœur et à la posture hautaine qui me fait rire aux éclats, qui me réconforte quand je vais mal, qui sait quand je vais mal sans avoir un mot à dire. J’ai de la chance parce que certaines personnes n’auront jamais l’opportunité de vivre ça un jour, et le plus dur est pour ceux qui n’ont pas la chance que cette amitié dure. Mathilde est ma sœur.

Toute l’heure s’est écoulée, il temps de rentrer chez nous. Mathilde rejoint son bus et moi le mien. J’en ai pour une petite heure alors je rallume mon téléphone et lance une playlist. Des tas de messages arrivent, quelques uns de Clara et Lisa avant qu’elles ne me retrouvent au milieu de l’heure, un de Louis qui s’excuse pour sa remarque de ce matin, et une dizaine de Nao pour me prévenir que ce n’est pas fini. Comme si je ne le savais pas déjà.

Je fixe mon regard sur l’extérieur et observe les détails du monde qui nous entoure. Les fossés sont encore remplis d’eau de pluie, dans laquelle se reflète la lumière du soleil. Nous passons devant ma maison, c’est ça que je déteste avec cet itinéraire. Je passe devant chez moi sans que je ne puisse descendre et dois attendre une demie-heure pour rejoindre mon doux cocon. Mais aujourd’hui, en voyant le véhicule garé non loin de chez moi et cette personne marcher le long de la route en direction de chez moi, j’apprécie ce trajet plus que je ne l’apprécierai jamais. Je sais qu’en rentrant chez moi, je subirais les punitions que j’ai certainement mérité en agissant comme si je n’avais pas peur. À moins que je trouve une solution. Je réfléchis encore et encore, sans voir une issue. Et tout à coup, je saisis mon téléphone et me rend dans mes messages.

De : Aurore À : Louis

Salut Louis, écoutes, j’ai besoin de toi. Viens me chercher à cette adresse s’il te plaît. Je t’expliquerais tout, promis.

Mes pouces se baladent et dansent entre eux au même rythme que ma reflexion. J’hésite à envoyer le message vu comment je l’ai traité mais je ne vois pas d’autres solutions. Alors, j’appuie sur « envoyer » et j’attends une réponse qui ne tarde pas à arriver. Il sera là.

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