Chapitre 2

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Je venais de recevoir mon uniforme et je dois avouer qu'il n'était pas très confortable. Le haut me serrait et le bas était beaucoup trop large...je pense que ce costume n'était pas adapté pour un enfant de 14 ans comme moi. Mais bon, j'étais confiant parce que c'était aujourd'hui que j'allais passer ma première journée avec Harriet.

Le travail semblait plus dur que prévu. Je devais garder un œil sur Harriet, l'occuper et m'assurer qu'elle avançait sur ses devoirs. Son précepteur m'avait expliqué que Harriet était une enfant un peu sauvage qui n'écoutait jamais ce qu'on lui disait...il fallait donc la surveiller sans cesse et comme je savais lire et que j'étais un enfant comme elle, Monsieur Cambashand s'était dit que j'étais le candidat idéal.

L'Inde sous influence britannique, 19 juillet 1898, dans un petit village dans le Nord du pays.

-Edmund Cambashand ?

« What again Clayston ? »

« Unfortunately, none of the women was prepared enough for this...they all failed the test. »

« That's not a surprise. I knew that hiring women was a mistake... »

« So..should we go back to London ? »

« Absolutely not ! I need someone to look after Harriet ! She is too young to have a husband but she kept running away from the house. I am too busy with my work to look after her, she needs someone until her majority. » Edmund Cambashand soupirait, il commençait à se faire vieux, après tout il avait presque 50 ans. Et ce voyage l'avait déjà épuisé...sans compter toutes les frayeurs que sa fille lui donnait, ses cheveux étaient déjà entièrement blancs à cause de cette petite diablesse...il fallait quelqu'un qui pouvait contraster avec son caractère mais qui pouvait aussi la comprendre. Quelqu'un qui savait lire et écrire, qui était aussi énergique qu'un enfant... « Clayston...what is the name of the boy who came late today ? »

« Hum...his name is Varun Malan, he is fourteen years old and he live alone with his mother. Why would you want to know that ? »

« ...He is a child, with a big energy and he can read and write...he know what loneliness is. He is my only chance. »

Ce jour là, je n'arrivais pas à savoir si c'était un rêve ou la réalité. J'avais finalement été pris pour le travail...mais du coup j'allais devoir voyager jusqu'à Londres, c'était loin quand même...mais bon je me disais que ça irais, le plus important était de préparer mes affaires.

-Tomorrow, I will make a big celebration for you my little Vary !

« Mom ! Don't call me like that, I am an adult now ! »

« Actually, you can't celebrate it tomorrow. » Venait d'annoncer Monsieur Cambashand d'un ton grave et en me fixant toujours dans les yeux. « We leave today, the boat is ready. »

« ...What ? But...I need to pack my things and to say goodbye to everyone and... »

« So be quick ! We are not going to be there before September so we must act fast. Unless, you want to be late again and to loose your job. »

Cet homme avait raison, j'avais déjà failli ne pas avoir le travail et là le hasard avait bien fait les choses pour une fois. Je regardais l'expression de ma mère qui était mélangé entre la tristesse de me voir partir si vite mais en même temps, l'envie de me voir m'envoler de mes propres ailes. Je ne voulais pas la laisser seule, qui sait ce qui pouvait lui arriver ? Elle pouvait se cogner quelque part et ne plus jamais se réveiller, je ne voulais pas avoir à enterrer un autre membre de ma famille.

-Varun, you need to go.

« But...Mom, you are... »

« My sweet child. I am already old, I already lived my life and it was a disaster but...you are young. You have the future in your hands. Don't let this opportunity go away, I want you to be happy. » Elle toussait un peu entre deux mots ce qui m'inquiétait grandement car j'avais peur qu'elle soit tombé malade. Mais en voyant mon regard inquiet, elle continuait. « Don't do that for me...do that for you. London is one of the most improved city of the world, it's a great place to start your life. »

Je serrais les poings car ça me faisait mal au fond. Ma mère avait raison d'un côté...je devais penser plus à moi et moins aux autres, je devais arrêter de toujours vouloir me sacrifier pour sauver d'autres vies. Mais là il s'agissait de ma mère, elle m'a donné la vie alors je devais lui en donner une meilleure. Je sentais que des larmes commençaient à couler alors je serrais profondément ma mère en sanglotant un peu:

-I will be back soon mama.

« Yes you will Vary... »

Londres, 11 septembre 1898, quelque part dans le quartier de Mayfair.

Donc, me voici ! J'étais en train de me diriger vers la chambre d'Harriet et...bon sang ces habits étaient vraiment pas adaptés à ma corpulence ! Mais en même temps j'osais pas trop me plaindre, j'avais bien compris que la meilleure qualité qu'on attend d'un employé dans le monde du travail, c'est d'être muet. Mais pour Harriet, elle avait vraiment besoin de discipline. J'avais donc mis au point une technique qui devait marcher. La main sur la poignée de la porte, je soufflais comme si je m'apprêtais à rentrer dans une arène de combat. Enfin, en tout cas on pouvait clairement comparer l'énergie de ce petit monstre à ça. Mais si je n'étais même pas capable de me retrouver face à elle, j'étais inutile dans mon travail.

-Hello H...

Je venais à peine d'ouvrir la porte que je me recevais une poupée en porcelaine dans la tête. Heureusement j'allais bien mais la poupée, un peu moins puisqu'elle s'était brisé en tombant par terre. Au milieu de la chambre, je voyais Harriet avec un couteau qui arrachait les têtes de ses jouets. Je gloussais, je me demandais si elle était hystérique...si oui, c'était grave.

-Hum...hello ? What are you doing ?

« Don't you see ? I am giving a correct punishment to those snotty girls ! Isn't it right Susan ? »

À ce moment là, je croyais que je rêvais mais ce n'était pas le cas. Elle parlait toute seule à ses poupées. Comme j'étais un adolescent réfléchi et courageux, j'avais déjà pris une décision.

-Ok, I am out of here.

« STAY HERE ! »

« Ok please don't kill me ! »

La fillette m'observait d'un air dédaigneux avant d'arracher à nouveau la tête d'une autre poupée. Cette dernière roulait au sol jusqu'à mes pieds ce qui me faisait clairement frissonner...est ce qu'elle avait une haine contre son propre sexe ?

-Hum...are you Jack the Reaper ?

« No. But he was inspired by me. »

« Oh God. »

Harriet venait enfin de laisser tomber ses poupées et s'approchait cette fois de moi avec son couteau. Je reculais en me disant que cette fois c'était la fin, que sa menace de mort était bien réelle et que j'allais mourir ici mais à la place, elle me tendait l'arme du côté du culot en me regardant droit dans les yeux:

-I am hungry. Can you bring me a piece of cake please ?

« Hum... » Je balbutiais, un peu perdu. Alors elle n'allait pas me tuer ? Merci Allah, cette petite m'avait donné une telle frayeur. J'en avais fait des cauchemars après. « Ye...yes, of course. »

« Good. Be quick please ! »

Elle refermait sa porte devant moi pendant que j'étais seul avec le couteau en main. Une domestique qui passait par là et qui me voyait devant la chambre de l'enfant, couteau en main, me lançait un regard de terreur comme si elle pensait que j'allais tuer Harriet. Je voulais m'expliquer mais elle était déjà partie, alors je soupirais et je décidais de descendre pour aller couper ce gâteau.

Londres, 11 septembre 1898, dans l'East End.

Un coucher de soleil enveloppait la ville et beaucoup de gens se pressaient pour commencer à rentrer. Tout le monde savait qu'il ne fallait pas rester dehors la nuit, c'était dangereux. Mais certains n'écoutaient pas cette règle, comme ce jeune garçon qui courait sans s'arrêter dans les rues sinistres de ce quartier. Les rats étaient de sortie, ils admiraient ce spectacle qui se faisait de plus en plus rare, même après que Jack l'Éventreur ait cessé ses crimes.

Du haut d'un toit, quelqu'un l'observait et était prêt à lui sauter dessus. Tapis dans l'ombre, c'était un prédateur qui attendait que sa proie s'essouffle pour pouvoir l'achever plus facilement. Il avait un surnom...la Pie Voleuse. Ce prédateur s'était jeté sur le garçon perdu et passait un morceau de verre coupé sous son cou.

-What did we got here ? Is it a lost lamb ? That's cute...

« Пожалуйста, оставьте меня ! »

« ...What the f...What type of language do you speak ? Answer me ! »

« Я не говорю по-английски, у меня нет денег, уходите ! »

« Nevermind...I am not here to talk with you. Where is your money ?! You have nothing ?! »

« Я просто хочу вернуть своих родителей... »

« ...Shut the fuck up child ! I told you, I don't understand you ! You are in London, why don't you speak English ?! Are you stupid or something ? »

« ...Me, Russian. »

« ...Oh crap. That's worse. »

Enfin bon, l'assaillant n'avait pas beaucoup de temps à perdre à discuter avec sa proie. C'était un jeune garçon, accoutré d'une veste marron, d'un pantacourt et de chaussures à lacets. Tout ses habits étaient déchirés, les seules choses qui restaient intactes étaient un foulard rouge, noué autour de son cou et une gavroche beige qui cachait presque tout ses cheveux. Malgré ses allures de garçon, l'enfant, qui ne devait pas avoir plus de 15 ans, avait un visage très efféminé et de grands yeux bleus. On aurait dit une poupée qui pourtant se mêlait au décor sombre et triste de cette ruelle. En attendant, l'autre garçon, plus jeune que lui essayait de se débattre, l'air très paniqué.

« Please...please ! »

« If you move again, I kill you ok ?! Is it a compass ? ». L'enfant avait arraché de la poche du jeune russe une boussole très étrange. Elle ne s'ouvrait pas, elle devait sûrement être cassée. Le jeune garçon remarquait quand même une espèce de code à 2 chiffres qui était placé sur le côté de la boussole. Sauf que c'était des chiffres japonais, impossible de les déchiffrer pour quelqu'un qui ne connaissait pas le japonais. « That's boring, that's not even a gold compass ! It's useless...but I can still sell it. »

« No ! Mine ! »

« It's not yours anymore. Besides, I need money unlike you. So go away and cry in your mother dress. »

« Охрана здесь ! »

« O...What ? »

« Охрана меня убьет ! »

« Ok calm down child. I am done with you, you can go... » Le garçon s'était arrêté de parler. Il entendait quelqu'un qui approchait, environ 3 personnes. « I hope it's not cops... » Il commençait à s'inquiéter, car d'habitude les policiers ne venaient pas dans cette partie de l'East End, ils en avaient trop peur. Il entendait alors l'autre garçon, toujours plaqué au sol qui marmonnait quelque chose. « What did you say ? »

« Worse... »

« Worse what ? »

« Worse than cops. »

« What is worse than cops ? What do you mean ? »

« Russian cops. Okhrana. »

« Okhr...wait what ? What is this ? »

Sa victime n'eut pas le temps de répondre quand 3 hommes venaient d'arriver à l'entrée de la ruelle. Ils portaient des costumes sombres, ils étaient plutôt grands et l'un d'eux venait de sortir un poignard et l'autre un revolver. Ce dernier tirait avec son arme et une balle touchait le bras du jeune russe qui tombait par terre en gémissant de douleur. Le troisième jetait un coup d'œil au garçon qui était étalé par terre et venait de lui dire quelque chose en russe que l'enfant de rue à côté ne comprenait pas. Puis, cet homme se tournait vers l'enfant de rue pour lui dire:

-Go. And don't tell anyone about this. »

« ...Who are you ? Why did you shoot him ? »

« It doesn't matter. Just, give us the boy and go away. Unless, you want to die. »

« ...Sometimes, I prefer to put myself in danger rather than to do nothing. »

L'enfant de rue attrapait la main de l'autre enfant qu'il venait de voler et s'enfuyait avec lui à travers tout l'East End. Derrière eux, les trois Russes les poursuivaient et l'un d'eux essayait de leur tirer dessus mais les balles ne touchaient que les côtés du mur. Heureusement pour eux, le garçon, avec un fort accent irlandais, venait de trouver une plaque d'égout à moitié ouverte et lançait à l'autre garçon à qui il tenait la main:

-We are going to hide in the sewers !

« Я не понимаю тебя. »

« Can you please shut the fuck up ? Your language is making my head explode ! » Pendant qu'il faisait descendre le garçon en premier, l'enfant de rue jetait un coup d'œil aux Russes qui les poursuivaient, ils commençaient à se rapprocher vu le son de leurs pas. Il se demandait pourquoi est ce qu'il avait pris autant de risques en sauvant cet enfant russe, c'était comme si son esprit ne lui répondait plus. D'habitude, les autres pouvaient mourir, ce n'était pas son problème. Maintenant, il était en danger à cause de ça... « Quick, hide. »

« Меня зовут Андрей »

« Yeah, whatever. » Maintenant c'était au tour de l'enfant de rue de se cacher. « I don't care of what you are saying, just stay here and don't make any noises ! » Ce dernier refermait la bouche d'égout, quelques secondes avant que les Russes n'arrivent et s'arrêtent dans la ruelle, en train d'essayer de comprendre où les deux enfants avaient pu aller.

Londres, 11 septembre 1898, quelque part dans le quartier de Mayfair.

C'était le soir et ma première journée de travail était passée. Et elle avait été exténuante, je me souviens que j'avais été forcé à marcher dans tout Londres pour accompagner à Harriet à presque toutes les activités qui pouvaient exister: La bibliothèque, ensuite le parc, pour continuer chez la couturière, sans oublier le vendeur de poupées, puis pour aller s'acheter des confiseries et pour finir à nouveau à la bibliothèque. Et tout ça en portant: ses livres, ses poupées, ses gâteaux et une robe que son père avait commandé pour elle. Ce qui me déplaisait surtout, c'était qu'elle achetait au moins dix livres pour au final les critiquer. Quand je pouvais lire au moins un livre, j'étais très heureux.

Ce qui m'étonnait aussi, c'était que la petite fille se cachait de son père lorsqu'elle voulait lire. Pourquoi une fillette avait elle aussi honte de lire ? Je me disait que les Anglais avaient vraiment d'étranges habitudes. Mais il fallait dire que je ne connaissais pas grand chose non plus des habitudes de mon propre pays, mon petit village était tellement éloigné du reste. D'autant que ma mère et moi, nous étions musulmans et nous n'aimions pas trop nous mélanger avec les autres Indiens, même si je n'ai jamais vraiment compris pourquoi. Je crois que ma mère avait peur des Indiens non musulmans et ils avaient peur de nous mais dans notre village, presque tout le monde était musulman. Du coup, je ne ressentais pas de grosses différences.

C'était le soir et Harriet jouait aux échecs avec moi. Je n'avais jamais entendu parler de ce jeu mais j'étais déjà très doué tandis qu'Harriet ne réfléchissait jamais. Je ne compte plus le nombre de fois où nos parties ont été annulées parce qu'elle balançait le plateau par terre. Elle n'avait vraiment pas l'air d'apprécier ce jeu, ce n'était pas quelqu'un qui aimait réfléchir. Plutôt quelqu'un qui laissait son instinct le contrôler.

-What is that Varun ?! You cheated !

« I didn't. The rules of the game says that I am allowed to do that. »

« I hate these rules ! »

« Don't be a bad loser. »

« I am not a bad loser ! I am just telling the truth ! »

« Harriet ! I am home ! »

Edmund Cambashand, le père d'Harriet venait de rentrer de son travail. Je ne le voyais pas beaucoup, il partait très tôt et revenait très tard ce qui expliquait pourquoi il cherchait quelqu'un pour veiller sur Harriet. Il n'avait pas le temps pour s'occuper d'elle. La petite fille, en le voyant, venait de sauter dans ses bras et le câlinait de toutes ses forces. J'étais un peu jaloux de la relation que Harriet entreprenait avec son père. Je n'avais jamais été véritablement proche du mien...par contre pour ce qui était de sa mère, je ne l'ai pas vu une seule fois. Je me disais qu'elle rentrait tard elle aussi mais je trouvais ça irréaliste qu'elle travaille et puis surtout...Harriet ne parlait jamais d'elle. Personne ne parlait d'elle. Je n'avais d'ailleurs vu aucune photo ou peinture d'elle dans toute la maison. Habituellement, les petites filles adorent passer du temps avec leurs mamans...mais pourquoi Harriet agissait comme si elle n'avait pas de maman ?

-Sweet Harriet, I have a surprise for you !

« What is it Daddy ?! »

« Do you remember your friend from France: Thomas de Bergevilles ? He is coming tomorrow, are you happy ? »

« ...Oh no. »

Ce jour là je ne comprenais pas pourquoi Harriet ne voulait pas voir ce Thomas. Je ne savais pas beaucoup de choses sur les Français mais l'histoire de leur pays me fascinait, il y avait tellement de choses dessus que je me disais que ça prendrait des années pour tout raconter. Harriet ne me disait pas pourquoi elle ne voulait pas voir Thomas alors j'imaginais des théories. Il était peut être beaucoup plus colérique qu'elle ou bien peut être qu'il sentait mauvais. Peut être aussi que c'était sa famille qu'elle n'aimait pas ou que juste elle ne supportait pas les Français. Je ne pense pas que Harriet était véritablement raciste...elle tenait des propos racistes mais elle détestait tout le monde, sans distinction.

Finalement, Sophie, l'une des domestiques de la maison m'avait donné quelques informations sur le jeune Thomas. Il avait 12 ans, c'était l'héritier d'un grand domaine et le fils d'un ami d'Edmund Cambashand. Et surtout, il était très doué aux échecs.

Maintenant, je comprenais pourquoi Harriet le détestait.

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