7 - La belle vérité

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Ils se tenaient là, face à face. Assis tous les deux sur un fauteuil, seule une table basse faisait office de frontière. Une barrière bien mince tandis qu'il ressasse encore comme il allait lui annoncer ce qu'il avait en tête. Les questions sont nombreuses : Comment allait-elle prendre la chose ? Nora est du genre tempetueuse quand elle s'y met, Alan a toujours aimé cette fougue chez elle. Mais aujourd’hui, il aimerait passer sous son radar. Seulement voilà, il déteste les secrets et cacher un tel poids à la femme qui partage sa vie est devenu bien trop lourd à gérer. Bon dieu, à son âge et avec l'expérience qu'il a, il en est encore à redouter cette femme. Avec la bombe qu’il s'apprêtait à lâcher, il ne pourrait lui en vouloir que d'accueillir la nouvelle avec perte et fracas. Beaucoup de fracas.

- Tu voulais me dire quelque chose d'important ? demande Nora d'une voix qui laisse paraître une certaine inquiétude.

C’est vrai que d'ordinaire, ce genre de situation nous est plutôt inconnue. On est du genre à tout se dire, profiter de l’instant, au jour le jour. Bref, pas un nuage à l'horizon depuis des années. Enfin pas avant ce jour. Mes doigts se nouent nerveusement puis je prends une grande inspiration.

- Ouais, j'avais une nouvelle à t'annoncer. Seulement je ne sais pas trop comment m'y prendre, dis-je d'un air pas franchement convaincu. Je l'ai appris moi-même il y a peu et j'ai encore du mal à encaisser. Mais vu qu'on s'est promis de tout se dire, j'pouvais pas garder ça pour moi. On n'est pas du genre à se cacher des choses hein ?

Un rire nerveux m’échappe. Mes yeux croisent ces pupilles céruléennes qui me dévisagent avec une pointe d'impatience et surtout d'incompréhension. Nora s'éclaircit la gorge, ça y est... Je l'agace déjà.

- Bon, tu vas la cracher ta pastille ? Dit-elle avec toute l’amabilité dont elle est pourvue parfois. Je me crispe.
- Eh bien voilà... J'ai un fils. Ecoute-moi avant de t'emballer ! J’anticipe déjà sa réaction. Je la connais. Il y a quelques années de ça, j'ai eu une liaison avec Sylvia...
- Brythes ?
Je hoche simplement la tête. Nora se laisse tomber dans le fond de son fauteuil, à cet instant je sais que je suis mal barré. Mais je suis lancé ! Je poursuis quitte à achever la bête sans pitié. Mon tourment sera de courte durée. Ma vie aussi en passant.

Sylvia était la femme de mon meilleur ami, Henry. Elle fut aussi à cette époque, l'amour de ma vie. Notre liaison bien que secrète et adultère, était d'une sincérité vraie. Nous nous étions trouvés un peu par hasard. Elle était délaissée par un mari ambitieux doublé d'un père absent - car oui, ils avaient déjà une petite fille : Alissa - quant à moi... Je m'efforçais d'aider cette famille pendant que l'homme que je considérais comme mon frère ne prenait pas soin d'eux. J'étais là quand Alissa a fait ses premiers pas. Quand Sylvia a eu sa promotion au Musée où elle travaillait. Et de fil en aiguille... vous connaissez la suite. Enfin, nous n'étions que deux à la connaître. Callahan est né peu après, puis Sylvia nous a quitté subitement, cela fait treize ans. Tout le monde connait la tragédie de la famille Brythes mais personne ne connaissait le secret qu'a emporté Sylvia dans la tombe. Pas même moi, jusqu'à il y a quelques semaines. Henry encore moins, mais de toute façon il a disparu de la circulation peu après. Nous avons recueilli les deux bambins au sein de notre communauté mon frère et moi, et c'est heureux.

- C’est Callahan hein ? Nora me prend de cours.

Je relève la tête vers la belle brune qui s'est redressée dans son fauteuil, un peu surpris de cette perspicacité. Après tout, il n’y a pas non plus trente-six solutions à ce problème. Le deviner n'est pas difficile. Ce qu'il m'étonne, c'est de ne pas entendre un ton de reproche ou d'hostilité qui viserait à entretenir un peu plus ce sentiment de culpabilité qui me hante depuis lors. A nouveau, ma tête dodeline positivement. Nora sourit. Je sais pas comment le prendre.

- Je le savais. Je l'avais deviné depuis un bail déjà, dit-elle le plus calmement du monde. J'en reste baba. Cette fois c'est moi qui m'affale dans le fauteuil.
- Comment ça ?
- J'ai beau ne pas être une Sorcière comme vous tous dans ce foutu Cercle mais je n'en reste pas moins une nymphe. Et en tant que telle, j’ai ce lien avec la magie qui est presque aussi fort que le vôtre. Si ce n'est plus. Et j'ai vu cette similitude dans ce lien lors de votre dernière mission. Et puis... Il a tes yeux. Y'a rien d'Henry là-dedans.

Je suis muet. Pantois. Comment elle a pu voir ça alors que moi, je n'ai absolument rien deviné toutes ces années durant ? Je m'attendais à des éclats de voix, un truc monumental qui finirait par raser la baraque. Et rien. Rien si ce n'est un sourire bienveillant sur ce visage aux traits fins encadré de longs cheveux noirs. Aucune conséquence néfaste à venir... Décidemment je ne comprendrais jamais rien aux femmes.

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