Tetka Tekhla *(1)

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Vayïa

Le soleil déjà peu visible est caché par de gros nuages noirs. Je n'ai plus le loisir de contempler cette maison dans laquelle j'ai vécu les meilleurs moments de mon existence. Aujourd'hui tout cela est derrière moi contrairement au froid qui continue de faire des ravages comme mon écharpe qui vole au vent dans l'allée enneigé du pavillon de feu mes parents. Je veux rester plus longtemps afin de m'imprégner de quelques souvenirs heureux sauf que je sais pertinemment que mon désir est illusoire.

La voix agacée de ma tante me ramène à davantage de réalité.

Une séparation, un déchirement.

- продвижение. *(2)

La poigne ferme et dure de Tekhla doit normalement me pousser à avancer. Or, la folie du désespoir me pousse à faire tout le contraire de ce qu'elle m'ordonne. Au lieu de l'écouter, je tends le bras de détresse vers ma sœur Ambre qui essaye aussi de son côté d'attraper ma main une dernière fois. Malgré la douleur vive que m'inflige ma tante en me tirant vers la voiture qui nous attends. Je lutte de toutes mes forces pour pouvoir partager avec celle qui fut plus qu'une amie une ultime étreinte.

Bien qu'Am soit fâché contre moi, je peux lire dans ses yeux tout l'amour qu'elle me porte encore. Après de vaines tentatives car tiraillé des deux côtés, nous réussissons à atteindre le bout de nos doigts respectifs. À cet instant, des larmes de tristesses dévalent nos joues creusées par le deuil. Elles inondent nos deux visages, soupçonnant sans doute le destin qui nous attend.

Sans prendre en compte ce dernier sursaut d'amour, ma tante fait appel à Aнгел *(3) , afin qu'il me mette de force dans le véhicule. Je me sens décollé du sol en moins d'une minute et me retrouve propulsé à l'arrière du SUV. Misérable, je frappe la vitre du plat de la main comme s'il existe le moindre espoir de sortir de cette épouvantable situation.

À défaut de m'agiter, je sais que j'aurais mieux fait de ne montrer aucune vulnérabilité en vu des épreuves à venir. Mais faute de le comprendre, j'ai gaspillé mes forces, car mon affection pour Ambre était le seul lien qui me rattachait encore à mère Myriam.

Pathétique ?

Sans doute, mais l'amour fraternel ne régis qu'une seule loi le partage de sentiments pour ceux qui se considèrent comme frère et sœur. Et c'est ce qu'Am représente pour moi, maintenant et jusqu'à mon dernier souffle de vie. Je reste accroché à l'image de la tendre jeune fille qu'elle est, jusqu'à ce que celle-ci disparaisse, me laissant tomber dans une sorte hébétude.

Prostrée sur la banquette-arrière, ma peine incommensurable provoque de douloureux sanglots qui me font suffoquer. Il ne me reste plus rien à part cette nouvelle vie que je n'ai pas choisie et vers laquelle Tekhla m'entraîne de force.

Une semaine plus tôt, cette femme froide, vide et sans cœur n'a même pas attendu la fin de la réception funéraire de mes parents.Les personnes présentes commençaient tout juste à nous présenter leurs condoléances et à nous accorder leur marque de soutien qu'elle me séparait déjà de mes demi-sœurs. Me demandant d'une intonation autoritaire de me préparer et de n'apporter avec moi qu'une seule valise.

Mon cher papa et ma douce maman prématurément mis en terre ont fait de moi un vulgaire pion sur l'échiquier familial. Mes larmes redoublent alors d'intensité, ne sachant comment faire autrement pour manifester la frustration et l'énorme sentiment d'injustice que je ressens au plus profond de moi.

Alors que le chagrin s'apprête à m'engloutir, je reçois une énorme gifle qui fait valdinguer mon visage contre la portière.

- Ты заткнешься ? *(4)

Je lève les yeux sur ma tante qui me foudroie de son regard le plus noir.

Énervée, elle continue cette fois en français ironique avec un accent plus prononcé que d'habitude.

- Si tu commences ainsi ma jolie, tu ne vas pas tenir très longtemps, tu sais.

Son expression haineuse me procure des frissons de terreur qui me parcoure l'ensemble du corps. En voyant l'effet que ses paroles provoquent, un rictus méchant fleurit sur ses lèvres pleines.

- Tu ne dois pas avoir peur . красавица *(5), crois-moi, il est beaucoup trop tôt pour ça. Toi et moi avons passé un marché n'est ce pas . Ma présence bienveillante durant le passage de l'assistante sociale pour tes demi-sœurs et en échange la garantie que tu seras une jeune fille bien sage.

Elle m'observe, attendant une réponse de ma part qui a beaucoup mal à franchir mes lèvres. Contrariée par ce qu'elle pense être à tort une attitude de résistance, elle m'attrape la mâchoire et me rapproche d'elle en criant.

- Réponds-moi.

Je lui accorde une réponse à peine audible, car j'ai la sensation d'avoir du verre pilé dans la gorge.

- Je l'ai promis.

Elle m'observe quelques minutes, me toise puis me dit :

- Il vaut mieux en effet pour toi princesse que tu respectes ta promesse. Si mon frère Rémi n'avait pas tourné le dos à la famille, tu serais sans doute promise à un puissant Vory aujourd'hui. Au lieu de ça te voilà réduite à devenir une monnaie d'échange.

Le venin qu'elle distille sur mon père me fait oublier toute prudence et je rétorque croyant pouvoir défendre l'homme qui était mon héros.

- Ne parle pas de mon père, c'était quelqu'un de bien. Un des meilleurs, bien plus que ...

Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, qu'une seconde gifle me parvient.

- Заткнись ! *(6) Tu ne devrais pas tester ma patience. Ton père est une honte pour la famille Astakhov, il a bafoué nos codes et sali notre honneur. Penses-tu sincèrement qu'un homme capable de prendre la femme de son frère soit quelqu'un de respectable ?

Je veux répliquer ma joue me brûle encore mais je dis rien ce qui déclenche chez moi un sentiment de honte. Ne suis-je même pas capable protéger la mémoire de mon père ?

Takhla éclate d'un rire sombre en voyant mon expression.

- Choisi bien tes combats rabynya, sinon tu pourrais très vite mourir.

Je serre les dents en comprenant à quoi, j'en suis réduite.

Rabynya, une esclave.

Suis-je donc destiné à ne devenir que cela ?

Au fil des minutes qui défilent, je me vois sombrer dans un profond précipice incapable d'en sortir. Je finis par en sortir en entendant ma tante ricaner.

- Tu es belle Vayïa, lâche-t-elle soudainement.

Elle fixe mes iris de ses yeux verts qui sont les reflets des miens, saisit une mèche de mes cheveux blonds et formule une pensée désagréable.

- Il faut croire que tu es promise à cette vie ma jolie. Ta mère, Myriam ... ? вступать в брак, когда жена других тоже готова спать? *(7)

Tetka *(1) : Tante.

Prodvizheniye *(2) : Avance !

Angel *(3) : Angel

Ty Zatknesh'sya ? *(4) : Vas-tu te taire ?

Moya Krasavitsa *(5) : Ma belle.

Zatknis'*(6) : Ta gueule !

Zachem vstupat' v brak, kogda zhena drugikh tozhe gotova spat' ?*(7) : Pourquoi se marier, quand la femme d'autrui, elle aussi, est prête à coucher ?

Bonjour à tous ... Je vous remercie pour votre lecture, n'hésitez pas à laisser vos commentaires. 

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