Mystérieuse rencontre autour d'un verre

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 Le lendemain matin, Rabirius entra dans une taverne à l'atmosphère étouffante mais animée. De nombreux clients discutaient bruyamment, des serveuses leur versaient du vin dans leurs verres à peine vidés et plusieurs musiciens jouaient dans un coin. L’inquisitor privé s’avança vers le comptoir, s’assit et interpella le tenancier à la peau basanée.

— Darius, mon ami, ta meilleure boisson ! Ce soir, j’ai gagné le gros lot !

— Ah bon, répondit le tenancier d’origine persane, qui a fait appel à tes services pour te mettre ainsi de bonne humeur ?

— Accroche-toi car ce n’est ni plus ni moins que Publius Domitius Varro, le Bacchus des médias en personne ! Il m’a demandé de veiller sur sa sécurité ou de faire quelques tâches discrètes pour lui. Et qui sait, peut-être m’invitera-t-il un jour à une de ses orgies très coûteuses où la surconsommation de vin, de nourriture exotique, de drogue et le stupre sont de mises.

— Vraiment ? Eh bien, Lucius, je te garantis que tu continueras toujours de venir chez moi au lieu d’aller à ces fêtes de gros riches se vautrant dans leurs merdes dorées.

 De sous le comptoir, il sortit un volumen électronique et le déplia sous les yeux de Rabirius. Sur l’écran s’affichait une photo d’un homme chauve et obèse, étalé nu sur le sol, un poignard planté dans le coeur. Rabirius reconnut aussitôt son client, dont le physique et le visage étaient connus à travers le monde romain. Sa bonne humeur le quitta aussitôt et il s’affala sur son siège en râlant.

— Allons, allons, mon ami, le consola Darius en lui versant un verre, bois un ou deux petits verres de cet haoma en provenance directe de Perse ! Et puis, entre toi et moi, je ne t'encouragerais pas à travailler pour un salaud comme lui ! Nombreux sont les discours où il promet que s’il était Sénat, il retirerait la citoyenneté à tous ceux qui ne sont pas des Romains de souche !

— Tu crois vraiment qu’un type comme ça aurait pu arriver au pouvoir ? En dehors de ses frasques, je ne le vois pas remplir sérieusement les exigences de la vie de sénateur ! Un homme de satyre et de cirque, voilà ce qu’il est, pas de quoi le prendre au sérieux.

— Je ne serais pas aussi optimiste que toi, mon ami. D’autres descendants de Persans comme moi ne sentent pas bien vus par les Romains qui se disent de souche. Déjà qu’ils nous perçoivent comme perfides par nature, les informations parlant des attentats commis contre le pouvoir romain en Perse n’améliorent pas les choses à leurs yeux. D’autant plus que celle que l’on soupçonne d’avoir assassiné Domitius n’est autre que son esclave égyptienne.

— Ah oui cette Kleopatra qu’il avait surnommée ainsi car il voyait en elle la réincarnation de la légendaire reine débauchée d’Egypte ! Quant à ses propos à l’égard des citoyens descendants de peregrini*, ils ne font que flatter les Romains de souche dont il sait qu’une bonne partie d’entre eux ne supportent la présence de Barbares dans notre belle Cité.

— Sans oublier ses discours provocateurs à l’égard de la classe sénatoriale qui n’est pas des plus aimée par les citoyens de moyenne et basse condition, intervint un homme d’âge mûr assis à côté de Rabirius.

 Ce dernier se tourna vers le vieil homme et l’observa attentivement.

— Vu les couleurs pourpres sur votre vêtement, j’en déduis que vous êtes sénateur, lui fit-il remarquer.

— Exactement ! Caïus Pompeius Casca. Permettez-moi de vous offrir un verre, nous avons à discuter de choses importantes !

— Ce n’est pas avec un verre que je vous aurai à la bonne, sénateur Pompeius, répondit Rabirius narquois, quand je vois un sénateur dans une taverne, je me doute qu’il paie une tournée générale à des citoyens lambda comme moi juste pour se faire aimer et s’assurer un soutien populaire au Sénat.

— Hélas, je suis percé à jour si je puis dire ! Mais ce n’est pas pour parler politique que je m’adresse à vous, Lucius Rabirius Hirus. J’ai cru entendre que celui que nous surnommons le Bacchus des médias avait fait appel à votre aide pour renforcer sa sécurité.

— C’est exact, jusqu’à ce que sa mort me fasse s’échapper un bien beau contrat.

— Et si je vous offrais l’occasion d’en conclure un nouveau tout aussi juteux ? Enquêtez sur la mort de Domitius Varro et je vous garantis qu’une belle somme se trouvera dans votre bourse électronique une fois le crime résolu.

— Pourquoi mènerai-je cette enquête pour vous ? Les inquisitor des cohortes urbaines et les magistrats sont certainement déjà sur l’affaire.

— Sans oublier que pour de nombreuses personnes cette Kleopatra est la coupable, intervint Darius tandis qu’il servait un client, une esclave égyptienne se révolte en assassinant son maître, il y aura aucun advocatus qui voudra bien la défendre étant donné son statut et ses origines.

— Même si cela s’avère que ce soit bien elle qui l’ait tué de ses propres mains, je doute sérieusement qu’elle ait décidé de la cela par elle-même. Domitius Varro envisageait de s’engager en politique et les sénateurs redoutaient qu’il leur fasse de l’ombre. Car avec sa popularité et son pouvoir médiatique, il aurait été capable d’influencer l’opinion publique contre les sénateurs trop dangereux pour lui. Sans oublier qu’il aurait pu marier un de ses nombreux enfants à un membre de la famille de l’Imperator et ainsi manipuler le pouvoir en sa faveur.

— Vous soupçonnez donc qu’un sénateur; voire même un patricien d’une famille rivale, aurait manipulé son esclave égyptienne afin de se débarrasser de lui, demanda Rabirius.

— Oui ! En plus, Kleopatra sera remise en vente sur le marché des esclaves, je ne doute pas que le commanditaire savourerait encore son forfait en la rachetant. Quant à vous, Rabirius, je puis déjà vous faire un premier versement dès ce soir, qui j’en suis sûr, pourrait déjà éponger certaines de vos dettes que j’imagine très importantes.

 Pendant un court instant, l’inquisitor privé regarda le sénateur Pompeius les sourcils froncés puis se détourna un instant pour réfléchir.

— J’accepte votre affaire, sénateur ! Mais il y aura une autre petite avance en plus, vraiment pas grand chose. Darius, un petit verre en plus ! C’est le sénateur qui paie !

*Personne d’origine étrangère ne disposant pas de la citoyenneté romaine.

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