Chapitre 75

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Alexis

- Alexis ! Je suis contente de te voir !

- Moi aussi, tata ! Vous avez fait bonne route ?

- Oui. C'était un peu long, mais tu nous avais conseillé un bon itinéraire.

- Et surtout, en nous disant que plus on avancerait, plus ce serait beau... Salut, mon grand ! Tu vas bien ?

- Bonjour, tonton. Oui, bien. Content que ça vous plaise...

- Il faudrait vraiment être difficile pour trouver le coin moche ! Je comprends que tu aies eu envie de t'installer ici, ajoute ma tante. Bon, on parlera de cela tout à l'heure... Ton cousin nous suit à une demi-heure environ. On l'attend ici ou on monte au gîte ?

- Je vous propose d'aller au gîte, comme cela, vous ferez la connaissance des propriétaires, vous pourrez vous installer et vous reposer de la route. Adrien a les coordonnées GPS de toute façon. Il n'y a qu'à lui envoyer un message pour lui donner rendez-vous là-bas.

Daniel, mon oncle, et Valérie, ma tante, viennent d'arriver chez moi. Après une journée de route, ils vont être contents de se poser un peu. J'ai prévu le repas pour eux et je charge rapidement ma voiture avec tout le nécessaire. Puis je prends le volant et ils me suivent. Nous traversons Antraigues avec prudence : les touristes sont arrivés et il y a toujours un peu de monde sur la route, d'autant que les trottoirs sont quasi-inexistants, et que tout le monde a plus ou moins le nez en l'air, à admirer les vieilles maisons, les ruelles.

Nous prenons ensuite la route de Genestelle. C'est là que j'ai trouvé un gîte pour toute la famille, mon cousin Adrien venant avec sa compagne, Daphné, et leur petite fille de dix-huit mois, Noa. Le gîte appartient à un oncle d'Hugo, le compagnon d'Emilie. L'oncle en question est d'ailleurs un de mes patients. Encore une fois, en cherchant cet hébergement pour ma famille, j'ai pu constater que le bouche à oreille fonctionnait à plein et surtout, que le monde était vraiment petit. Il y a toujours un tel qui connaît un tel qui a... le truc dont on a besoin.

Monsieur Joussac nous attend et me salue avec plaisir, avant de faire de même avec mon oncle et ma tante. Je les laisse faire le tour des lieux tous les trois, pendant que je commence à décharger les voitures. Ils règlent quelques menues questions, puis Monsieur Joussac nous laisse en nous souhaitant une bonne soirée et un bon séjour pour mon oncle et ma tante.

Pendant qu'ils s'installent, je leur prépare un petit apéritif. Alors que je dispose le nécessaire sur la table de la terrasse, je reçois un message de mon cousin qui me prévient qu'ils sont à Vals. Je calcule qu'ils seront au gîte dans un quart d'heure environ.

**

- Alexis, nom de Zeus ! Mais c'est le bout du monde ! s'exclame Adrien en me prenant par les épaules.

- Peut-être, renchérit Daphné en me faisant la bise, mais un sacré joli bout du monde ! Je comprends que tu sois tombé sous le charme...

- Et encore, on n'a pas vu Layla... reprend Adrien.

- Seulement en photo ! précise Daphné.

Je souris, content de les revoir. La dernière fois, c'était quand j'avais fait un saut en Normandie, peu après la naissance de Noa. Autant dire que la petite a bien changé, même si elle est blottie dans les bras de ma tante et émerge tout doucement du sommeil de la route.

- C'est vraiment beau ! Et quel calme ! Je sens qu'on va bien se reposer ici et passer de belles vacances ! ajoute Daphné.

- Je crois aussi, dit mon oncle. C'était vraiment une bonne idée que de venir découvrir ton nouveau port d'attache, Alexis. Allez, les enfants, installez-vous, l'apéro nous attend !

Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvons tous autour de la table. Noa a été assise dans la chaise haute prévue pour les petits enfants. Le gîte possède aussi un lit pour bébé et même une poussette, cela a évité à mon cousin de s'encombrer avec trop d'affaires pour la petite.

- Alors, Alexis, quel est le programme ?

- Et bien demain, je vous propose une journée de repos. Nous irons faire le marché à Vals-les-Bains, vous y trouverez tout le nécessaire pour les premiers repas, même si j'ai prévu pour ce soir et pour votre petit déjeuner. Il y a aussi une épicerie et une bonne boulangerie à Antraigues, et le boucher, un ami de Layla, y vient deux fois par semaine. Il monte aussi à Genestelle. Il a un camion et fait de la vente ambulante. Donc pas de souci pour les provisions, vous trouverez de quoi.

- Et l'après-midi ? demande ma tante.

- Je suppose que Noa fait encore la sieste...

Ses parents opinent.

- Donc après la sieste, je vous propose qu'on se retrouve au coin baignade à Antraigues. Et ensuite, on pourra faire le tour du village à pied. On pourra aussi s'arrêter prendre un verre à la terrasse chez Mariette et je vous présenterai aux champions, les premiers à m'avoir adopté.

- Les fameux joueurs de pétanque ! s'exclame Adrien.

- Exactement. Je pense que, tonton, tu t'entendras bien avec eux et tu pourrais même te faire embaucher pour quelques parties...

- Est-ce qu'on verra enfin Layla ? me demande Daphné.

- Oui. Elle vient le week-end prochain. Elle arrivera jeudi soir assez tard, j'irai la chercher à Montélimar après le travail. Et elle repart lundi après-midi. Cela lui fera trois jours pleins sur place. On en profitera pour monter sur le plateau avec elle, elle adore cet endroit. Sinon, vous n'avez que l'embarras du choix pour les visites. Tout va dépendre aussi de ce que vous pouvez faire avec la petite ou pas.

- Elle nous suit partout, tu sais, dit Adrien. On trouve toujours à lui faire faire sa sieste. Il suffit d'avoir un endroit calme, où se poser. Une plage, un coin à l'ombre... ou une terrasse de café. Elle dort bien, même dans la poussette.

Daphné opine. Ma tante sourit. Je la sens contente de ces vacances en famille. Même si mon cousin et sa petite famille habitent proches de chez eux et qu'ils se voient souvent, ils vont pouvoir passer de bons moments ensemble. Et mon oncle et ma tante se feront une joie de garder la petite toute une journée, si mon cousin et sa compagne veulent prendre un peu de temps pour eux.

- Je vous ai préparé plusieurs excursions possibles, à la journée ou à la demi-journée, dis-je. J'ai laissé cela sur la table dans la salle, vous regarderez tranquillement.

- C'est parfait, Alexis, me dit ma tante. Je suis certaine que nous allons passer un bon séjour. J'espère qu'on te verra quand même...

- Oui, bien sûr. Même les jours où je travaille, on pourra se retrouver le soir pour dîner.

- Ca se passe bien, alors, ton installation ? me demande Adrien.

- Oui, très bien. D'autant que j'ai pu commencer plus vite que je ne le pensais. Avec les élus, on s'était dit que les délais seraient plus longs, puis finalement, ça a été plutôt rapide. Et là, mon carnet de rendez-vous est quasiment plein en continu. Je ne manque pas d'ouvrage, mais je m'y attendais : les habitants du coin n'ont pas eu de médecin pendant presque un an et demi, ça fait long... Et comme vous le constaterez, la population est plutôt âgée, donc forcément... Les besoins sont accrus.

- Et cela te plaît alors ? Ca doit sacrément te changer des urgences ! fait Daphné.

- Totalement. Pas du tout la même chose, même si les journées sont remplies. Au moins, je retrouve un rythme plus humain ici. J'ai le temps de me consacrer à chaque patient. Je peux aussi faire des visites à domicile, sans oublier le passage hebdomadaire auprès des patients de la maison de retraite. Bref, c'est vraiment un autre rythme et cela correspond bien mieux aussi à la façon dont je voulais exercer mon métier.

- Je suis contente pour toi, me dit ma tante, assise à mes côtés, en me prenant la main durant quelques secondes. Vraiment soulagée que tu aies repris le dessus et que tu aies trouvé à te convenir ici. Je suis certaine que ton père en est heureux aussi.

- Merci, dis-je un peu ému. Il aurait certainement été surpris que je vienne m'enterrer dans un tel endroit...

- Mais il serait tombé sous le charme lui aussi, j'en suis certain ! ajoute mon oncle. Et sinon, tu as des nouvelles de Pauline et d'Aglaé ?

- Oui, très régulièrement. Je les vois aussi quasiment à chaque fois que je monte à Paris, même si mes déplacements sont désormais plus rares depuis le printemps.

- Et comment vont-elles ? s'inquiète ma tante. Je leur téléphone de temps à autre, mais tu connais Pauline... Tellement discrète.

Je souris.

- Ca va. Je pense que Pauline remonte la pente, tout doucement, mais sûrement. Aglaé est toujours pleine de vie et en cela, elle aide beaucoup sa mère. Le quotidien n'est pas simple, mais elles s'en sortent.

- Pauline a toujours eu beaucoup de courage... fait remarquer mon oncle.

Je hoche la tête : cela n'est pas peu dire.

Layla

Une bonne odeur de café vient titiller mes narines. Ma main tâtonne et trouve la place vide à mes côtés. J'ouvre un œil, les rais de soleil passent à travers les volets de bois. Je m'étire, un peu lascive. Provenant du rez-de-chaussée, j'entends quelques bruits étouffés. Alexis est déjà levé. Je décide de le rejoindre, me doutant qu'il ne va pas tarder à partir. J'ouvre ma valise, j'en sors de quoi m'habiller rapidement et je descends.

Je le trouve attablé à la petite table du coin cuisine, une tartine à la main. Il me sourit, je me glisse jusqu'à lui et il m'enlace aussitôt. Un premier baiser au goût de confiture de myrtilles, pour un peu, je prolongerais rien que pour savourer encore.

- Bien dormi ? me demande-t-il en rompant notre baiser.

- Si je te dis non, tu ne vas pas me croire !

Il éclate de rire. J'en souris, heureuse et émue. Son rire était rare, lorsque nous nous sommes connus. Ses traits étaient fermés, son visage un peu sombre. Aujourd'hui, cela a disparu. Son regard s'anime toujours, ses paillettes dorées n'en finissent plus de briller et tout particulièrement quand elles se posent sur moi et s'animent alors d'un feu bien particulier. Son visage est ouvert, chaleureux, serein.

- Tu t'es levée tôt, ajoute-t-il. Je n'ai pas fait de bruit pourtant. Je t'ai réveillée ?

- Non... Je pense que c'est plutôt l'odeur du café. Je me suis dit que c'était une bonne chose : j'ai envie de partager un petit déjeuner avec toi. Tu as encore un peu de temps ?

- Oui. Il n'est que 8h25. Je pars dans vingt petites minutes.

Je me lève, attrape une tasse, me prépare un café. Sur la table, il y a tout ce qu'il faut : pain, biscottes, confitures. Deux pots sont ouverts, un de myrtille et un d'abricot. Un peu de fromage aussi, des fruits. J'en salive : les pêches ici sont délicieuses, juteuses et sucrées, de même que les prunes, les melons, les brugnons... Sans oublier les petits fruits, framboises, fraises. Et myrtilles.

- Tu veux que je te dépose aux Auches, ce matin ? me demande soudain Alexis.

- Ca va être juste. Et on peut y monter seulement ce midi.

- A quoi vas-tu occuper ta matinée ?

- Je vais monter au village, saluer Mariette et les autres. Mais je pense que je vais m'offrir un tour au coin baignade pour commencer.

- A cette heure, tu seras tranquille, fait-il remarquer. On se retrouve pour midi ?

- Parfait. Y a-t-il des courses à faire ?

- Pour ce soir, nous sommes invités par ma tante et mon oncle, à leur gîte. Tu peux t'amuser à confectionner une salade de fruits, ça ira très bien.

- Pas de soucis. Mais ça ne t'embête pas qu'on aille chez moi ce midi ?

- Non, pas du tout. J'ai le temps. En plus, je fais une visite à Labastide pour commencer mon après-midi, donc c'est parfait pour moi.

J'en suis à ma deuxième tartine de confiture de myrtilles alors qu'Alexis termine de son côté. Il dépose un baiser au coin de mes lèvres en disant :

- Tu avais de la confiture...

- Profiteur...

- Ai-je tort ?

- Non, d'ailleurs, tu devrais en profiter plus !

Et il m'embrasse vraiment. Un baiser profond, tendre et chaud, qu'il fait durer.

Et moi aussi.

**

Comme je m'y attendais, le coin baignade est désert. Les familles viennent plutôt l'après-midi, les jeunes aiment à y traîner le soir. Sur l'une des rives est dressée une petite scène : ce week-end, Antraigues voit se dérouler son festival et des spectacles auront lieu autant ici que dans le village, sur la place. Je pense qu'on ira y faire un tour demain soir.

Je profite du calme du lieu pour me baigner. La retenue d'eau n'est pas grande, mais elle offre cependant une longueur suffisante pour faire quelques brasses. En approchant du muret sur le côté, je ne peux m'empêcher de penser au jeune garçon que nous avions secouru l'an passé, Alexis et moi. S'est-il bien remis ? Est-il resté hospitalisé longtemps ? A ma connaissance, Alexis n'a jamais eu de nouvelles des parents. J'espère que l'enfant ne gardera pas de séquelles.

Tout en nageant, j'admire les orgues basaltiques de la falaise, je savoure les jeux du soleil entre les branches des arbres. Enfant, je venais souvent ici, avec Emilie, Véronique, Hugo, Julien... Si nous avons appris à nager à la piscine de Vals-les-Bains, c'est ici que nous prenions vraiment plaisir à jouer, à nous baigner.

Je suis arrivée tard hier, j'avais calculé l'horaire de mon train de manière à ce qu'Alexis puisse venir me récupérer après son travail. Nous sommes rentrés à Antraigues, il était plus de 23h. J'avais mangé lors de mon étape à Lyon, bénéficiant d'une grosse demi-heure entre les deux trains. J'avais quitté la gare, trouvé une vraie boulangerie proposant de vrais sandwichs et pas deux bouts de pain de mie sous plastique. Avec un fruit que j'avais emporté, c'était tout à fait correct. Alexis quant à lui avait grignoté dans la voiture, en faisant la route.

Même si je ne reste que le temps d'un long week-end, je suis heureuse de revenir enfin à Antraigues. Plus de deux mois que je ne suis pas venue, près de deux mois que nous ne nous étions pas vus, avec Alexis. Mes vacances se profilent, je serai vite de retour. Mais en attendant, je compte bien profiter de cette courte escapade.

Je suis heureuse aussi de pouvoir faire enfin la connaissance de son oncle et de sa tante, et d'un de ses cousins. C'est tout ce qu'il lui reste comme famille et je sais qu'il en est proche. Son oncle et sa tante le prenaient en vacances chaque été, il les voyait aussi aux petites vacances. Son père s'entendait bien avec sa sœur et elle a été très marquée par son décès. Je me mets à sa place : s'il arrivait quelque chose à Justine ou à Gabin, j'en serais aussi très affectée.

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