Scène 2 - Le dialogue
Anne-Lise : 1-2-3, nous irons au bois…
Lise-Anne : 4-5-6, cueillir des cerises…
Anne-Lise : 7-8-9, dans mon panier neuf…
Lise-Anne : 10-11-12, elles seront toutes rouges !
Rire des fillettes, puis silence
Anne-Lise : Tu sais, Lise-Anne, tu es ma meilleure amie. Sans toi, ma vie ne me sert à rien...
Lise-Anne : Toi aussi, Anne-lise, tu es ma meilleure amie.
Anne-Lise : C'est dommage que je ne puisse pas sentir ta présence à mes côtés. Sans toi, je me sens très seule et puis, j’ai tout le temps froid…
Lise-Anne : Rappelles-toi que même lorsque nous sommes éloignées, je suis toujours près de toi. Où que tu ailles, j’y suis, et quoi que tu fasses, je le fais avec toi... Souris-moi, Anne-lise, ma double, ma confidente. Un jour enfin, nous serons réunies…
Anne-Lise : Je n’en peux plus des réflexions de ma famille. Même les domestiques me croient folles. Certains ne s’en cachent pas. Il m’arrive de les entendre chuchoter derrière mon dos. Ils disent : « Pauvre enfant, elle a le cerveau troublé et parle à son reflet… Si ce n’est pas malheureux… ». Ce sont des méchants ! Des mauvais qui parlent sans savoir ! Je le sais bien moi, que je ne suis pas folle ! Hein mon amie, que je ne suis pas folle ?
Lise-Anne : Bien sûr que non, tu n’es pas folle ! C’est juste des monstres qui veulent te faire du mal ! Tu sais, quand ils sont méchants avec toi, je ressens ta douleur, et moi aussi je souffre…
Anne-Lise : Ah ? Toi aussi tu as mal ?
Lise-Anne : Oui et peut-être qu’il serait temps que tu nous débarrasses d’eux …
Cette pensée s'inscrit dans la tête d'Anne-Lise. Son corps se met à vriller comme si elle recevait une décharge électrique. Ses yeux s'écarquillent et ses lèvres se contractent.
Lise-Anne : Tu dois les tuer ! Tous !
Anne-Lise : Tous ?
Lise-Anne :Tous, sans exception ! Venge-nous mon amie ; il est plus que temps !
À nouveau, la tête d’Anne-Lise se met à vriller.
Anne-Lise : ...1-2-3...
Lise-Anne : Nous irons au bois…
Des pas dans l'escalier se font entendre
Anne-Lise : Quelqu'un monte Lise-Anne. J’ai peur. Je ne veux voir personne. Aide-moi, je t’en supplie…
Lise-Anne : Ça va aller. Je suis là et puis... la fin est proche... Toute proche…
La porte s'ouvre et le père d'Anne-Lise se présente sur le seuil en l'interpellant d’une voix forte :
Père : Avec qui parlais-tu ?
Lise-Anne : À personne, voyons… (Chuchote Lise-Anne)
Anne-Lise : À personne ! Voyons ! (Reprend Anne-Lise)
Père : Je sais ce que j'ai entendu ! (Hurle le père) Tu parlais à quelqu'un ! Je parie que c'est encore à cette soi-disant “amie” ? Mais quand vas-tu cesser cette folie ? Quand ?
Lise-Anne : Très bientôt… (Chuchote Lise-Anne)
En entendant une voix venant du miroir, le père sursaute et vocifère :
Père : C’en est trop ! Maudit miroir ! Je vais en faire mon affaire de ce miroir de malheur !
Anne-Lise s’interpose entre la glace et son père. Elle le supplie :
Anne-Lise : Je vous en prie père, laissez-le-moi ! Sans elle ! Non, pardon, sans lui je ne suis plus rien ! Laissez-le moi, j'en ai besoin !
Père : Il suffit !
Anne-Lise : Si vous touchez ce miroir, je me tuerais ! Je le jure !
Père : Alors, c’est toi que je vais corriger ! Je vais te faire passer cette folie !
Au moment où l’homme s’apprête à lever la main sur sa fille, il entend de nouveau une voix sortir du miroir, puis un rire étrange et glaçant.
Lise-Anne : 1-2-3 (Lise-Anne se met à rire)
L’homme prend peur et se précipite vers la porte en criant :
Père : Tu n’en as pas fini avec moi, petite vaurienne ! Je vais revenir et tu vas voir ce que tu vas voir !
Furieux, l’homme claque la porte brutalement
Lise-Anne : Ton père est un monstre ! (Affirme Lise-Anne sur un ton haineux)
Anne-Lise : Tu as raison !
Lise-Anne : Cette situation ne peut plus durer... Il est grand temps d’agir, ma tendre amie. Souviens-toi que je souffre à chaque fois qu’il te fait du mal…
Anne-Lise : Je ne veux pas que tu souffres pour moi, mon double, ma confidente... Oh comme j'aimerais être avec toi. Tout serait tellement mieux… Tellement plus simple...
Lise-Anne : Tu sais bien que c'est impossible. L’autre côté du miroir n’est réservé qu’à l’esprit seul. Tant que tu demeures dans ton corps de chair, tu ne peux venir à moi…
Anne-Lise : N'y a-t-il donc aucun moyen de te rejoindre ?
Lise-Anne : Si, il y en a un…mais …
Anne-Lise : Mais quoi ? Dis-le-moi ma double.
Lise-Anne : Si tu mourrais, ton esprit pourrait demeurer ici... Il pourrait être avec moi... pour toujours... Et rien ni personne ne pourrait plus JAMAIS te faire de mal !
Silence
Anne-Lise : Il faut donc que je meure ? C'est bien ça ?
Nouveau Silence. Anne-Lise réfléchit et reprend:
Anne-Lise : …De toute façon, rien ne me retient de ce côté… Personne ne me comprend.
Anne-Lise se relève doucement, elle va chercher son oreiller sur son lit et s’assied face à la glace.
Anne-Lise : Ma Lise-Anne, tu veux bien compter pour moi ?
Lise-Anne : Oui, je vais compter les secondes qui vont nous rapprocher l'une de l'autre. Que je suis heureuse. Dans quelques minutes, nous serons ensemble et réunies pour l’éternité…
Pendant qu’Anne-Lise met l’oreiller sur sa tête pour s’étouffer. De l’autre côté, Lise-Anne décompte lentement :
Lise-Anne : 1-2-3… nous irons aux bois... 4-5-6 cueillir des cerises... etc.
Anne-Lise s’effondre. Elle perd connaissance. Elle a lâché l'oreiller qui revient se poser sur sa tête et exerce une pression. Anne-lise reste inconsciente. Elle ne se débat pas. On voit sa paume de main s'ouvrir et ses doigts se raidir.
Lise-Anne : Prends ma main, ma double, ma confidente. Il t'est désormais possible de passer de l’autre côté du miroir…
L'oreiller glisse sur le côté. Anne-Lise ouvre les yeux. Elle se relève doucement et s'approche du miroir. Lentement, elle passe au travers du miroir à travers une eau claire.
Lise-Anne : 1-2-3, Anne-Lise rejoins-moi...
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