Chapitre 2

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" Dans l'algèbre comme dans la police, il faut identifier X" 

André Frédérique

*****

Nous jouions sur Fifa pour la énième fois de cette soirée.

_ J'ai une bonne nouvelle, commençai je.

_Crache le morceau. Il se débattait pour me vaincre.

_ Eh, tu vas perdre encore, arête de martyriser la manette, me plaignis je, j'ai eu le poste.

_ Ta nouvelle carte d'identité sera prête demain.

Je terminai la partie, gagnant pour la millième fois dans le jeu. Je m'obligeai à me mettre dans lit, demain je me réveillerai tôt. 

*****

_ Ne touche plus  jamais à MA cuisine, gronda mon colocataire depuis sa chambre.

Il devait être endormi, mais la bonne odeur des mes crêpes brûlées a dû le tirer de son sommeil. La cuisine, c'est pas trop mon truc.

_ Tu veux bien me préparer le petit déjeuner? J'ai une faim de loup.

_ Tu veux bien apprendre à préparer de la bouffe toute seule?

Je sortis la bonne carte au bon moment: une paire de yeux de chien battu connu par "yeux de melon frit".

Il m'envoya un coussin dans la gueule, me chassa de la cuisine, et commença son oeuvre. 

Je terminai mon repas, m'apprêtai à sortir.

_ Tiens, ta carte, depuis hier tu es Emily Stewart, née à Londres le 17 août 1998. Prends soin de toi.

Il s'approcha de moi m'enlaça, embrassa tendrement mon front. Je pris mes clefs, enfilai mon perfecto et filai.

Le vent fouettait mes cheveux. Mon coloc avait récupéré ma moto, ainsi je ne serais plus en retard à cause des taxis et de l'embouteillage.

L'entrainement commença par un cours théorique.

Devant un tableau blanc, Mr King éparpillait des traits de feutre noir par-ci par-là.

_La première chose qu'on nous apprends au service: L'assassin revient toujours sur les lieux de crime, il leva le regard en ma direction.

Je notais minutieusement ses paroles, cette phrase c'est du déjà vu. C'est la même phrase qu'il m'a soufflé devant l'orphelinat, en empoignant mon bras. J'ai eu un petit hématome qui le prouvait qui me rappelait cette évidence.

_ L'individu qui vient de tuer est placé devant un défi psychologique d'envergure : l'enjeu est de savoir s'il va réussir ou non à « absorber » son crime. Sera-t-il capable d'assumer, de faire face aux épreuves imposées par son nouvel état ? Dans la période qui suit son acte, il est impératif que le criminel se tienne sur ses gardes, qu'il reste maître de lui-même. Il lui faut éviter d'éveiller le soupçon de ses proches, de se trahir par des paroles imprudentes ou des agissements inhabituels. Il doit se montrer prêt, à tout moment, à résister à la pression, la pression qu'il exerce lui, sur lui même, martela-t il, toujours le regard accroché au mien. Un meurtre bouleverse la personnalité de son auteur. Le criminel a, objectivement, enfreint l'interdit le plus grave, commun à toutes les sociétés humaines. C'est un individu universellement détesté. Cependant, subjectivement, il n'a pas changé : son nom, son passé, ses désirs sont globalement les mêmes ; il continue d'être l'homme qu'il était avant le crime. En lui, le remords et l'instinct de survie s'opposent. Il se sent rongé par le doute, parfois la culpabilité, il se sent traqué par lui d'abord, puis évidemment par nous. Instinctivement, il cherche à assurer ses doutes, et à compenser les failles que ses actes ont causé... Apprenez cette phrase par cœur: L'assassin revient toujours sur les lieux de crime, acheva-t il. 

Vers le stade, prêts à une séance de tir, une alarme assourdissante nous tortura l'ouïe.

Déjà, à partir du regard qu'afficha notre responsable, on pouvait deviner le péril qu'on courait. La préfecture de police fut vidée de ses agents en un temps record. Les patrouilles ont encerclé le bâtiment. Les sons des sirènes indiquaient l'arrivée du soutien des patrouilles qui étaient en missions.

On nous laissa seuls. Le geek, un certain Luke Brown, tremblait sur place. 

Mira, l'indienne essayait de le calmer, mais elle n'était pas en très bon état, c'était difficilement percevable, je pouvais le remarquer. C'était ma profession, et je la maîtrisais comme écrire mon nom.

Mes yeux, aveuglés par un mélange homogène de terreur, de curiosité et d'excitation tournoyaient, je n'émettait aucune voix, pétrifiée telle une statut de sel, je sentais la dopamine déferler dans mes veines. Mr. King revint sur ses pas, nous ordonna de suivre le moindre de ses mouvements, et nous informa que ce qui se passait au moment n'était pas une simple leçon ou un exercice banal. C'était une autre âme envolée et dont l'auteur était toujours libre.

Nous courûmes vers la porte de l'établissement. La stupéfaction nous glaça. Par terre, un sac noir en plastic prenait une forme humaine. Un agent assez courageux (ou habitué peut-être), je ne sus distinguer si c'est de l'expérience ou de l'audace, osa ouvrir la fermeture éclaire du sac.

Luke, enfin arrivé, manqua de trébucher face au tableau qui s'illustrait sous nos yeux de débutants. 

Seule la tête et le cou apparurent. 

Une femme, âgée d'à peu près une quarantaine d'années, le visage bleuâtre, un peu violacé, gisait inerte à l'intérieure du sac noir. Dans son cou apparaissaient des prolongations du sang coulant ainsi que de nouvelles cicatrices moyennement récentes. 

Un sourire narquois s'afficha sur les lèvres de l'inspecteur quand il se pressa à découvrir la main gauche de la victime.

L'entourage de la préfecture a été vidé. Aucune personne étrangère des agents du bâtiments ne passait à ses cotés... Sauf...

Un homme, boitant au coté en face du quartier général. Il venait de sortir du café, comme si de rien n'était. 

Lui, boitant, nonchalant, le café à la main, devant une préfecture de police où on vient de déposer un corps mutilé... Vraiment? 

 Je quittai mon poste. Je ne savais pas ce que je faisais. Mon cerveau a lâché contrôle, et le monde s'effondrait autour de moi. 

Et comme si mon crane envoya des ondes alarmantes, mon suspect se retourna. Je m'étais déjà mise en action. Il s'enfuit. 

Je courrais. Je ne me suis pas rendue compte que je n'ai averti personne, mais la voix familière de Mr. King, donnant ses ordres, et les sirènes me rassurèrent.

Nous parcourûmes les cartiers avoisinants, vers  l'inconnu. Il guidait mes pas comme on guide les fils d'une marionnette.

Il s'enfonça dans une petite ruelle, toujours avec moi sur les talons.

Nous avancions. L'impasse empestait l'alcool, ce qui s'expliquait par la porte arrière de la boite de nuit qui s'ouvrait tout au milieu. 

Il n'était plus là. Il s'est envolé, s'est évaporé. Tout se trouvait à sa place, sauf lui.

Où est ce qu'il a disparu?! Le mur en fac est trop haut pour l'escalader. Toutes les fenêtres du bâtiment encadrant la ruelle sont fermées. Même celles des premiers étages sont trop élevées pour être montées en pas plus des trente secondes qui me séparaient de lui. La porte de la boite était fermée à clefs aussi, la poubelle débordait de sacs. Il ne pouvait pas y entrer. 

Mais où est-il, bordel de merde! 

Je fis le mauvais pas au mauvais moment. 

Je suis foutue.

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