Soirée pensive

4 minutes de lecture

Ouf ! La journée est finie. David peut maintenant installer ses jambes lourdes dans son canapé et se reposer. Il a passé ce samedi, comme tous les autres d'ailleurs, à courir après le temps. Être père célibataire n'est pas de tout repos ! Après avoir fait lever et déjeuner Bastien, il avait préparé la liste des courses, déposé son fils à la natation et était parti à l'assaut du supermarché. A partir de ce moment là, c'était toujours la course pour rentrer, ranger le tout et repartir avant midi pour récupérer le petit dans les vestiaires. Après le repas, Bastien faisait une sieste et David pouvait repasser le linge accumulé durant la semaine. Comment peut on se tâcher autant à quatre ans ?! Malgré ces frustrations du quotidien, David n'aurait échangé son rôle de père pour rien au monde.

Assis dans son divan, un martini à la main, David se met à penser à ce jour si particulier et une certaine nostalgie l'envahi. Cela fait environ six mois qu'il a quitté Esther et pourtant, il souffre toujours de ce choix. Il était parti, emmenant Bastien avec lui. Retourner chez ses parents à presque trente ans... Il ne l'aurait jamais imaginé. Il entendait encore sa mère lui dire "Mais elle s'est amusée. Tu ne vas pas gâcher ton ménage pour une simple histoire sans intérêt ?". Son père avait été plus compréhensif et avait accueilli ses larmes sans dire un mot. Il ne compte plus le nombre de nuit blanche passé à pleurer, tout en cachant ses yeux rougis les lendemains pour ne pas inquiéter Bastien. Quel espèce de monstre ose revenir avec un boxer en dentelle planqué dans son jeans et faire comme si de rien n'était ?! C'était en vidant les poches des vêtements avant de faire tourner une machine que David l'avait repéré dans un de ses vêtements.

Esther lui avait affirmé qu'il s'agissait d'une blague de ses collègues, après une soirée arrosée pour fêter sa promotion. Mais David n'y avait pas cru. Une chose en entraînant une autre le couple avait commencé à ressortir les veilles rancœurs accumulées au fil du quotidien. Ce n'était pas étonnant qu'Esther ait besoin de s'amuser vu l'ambiance de mort qu'il réglait généralement à la maison. David n'était plus qu'un père ! Où était passé son sens de l'humour d'autrefois ? Où était passé les tenues affriolantes du début de leur relation ? Où était passé les week-ends à rester au lit, se relevant uniquement pour aller chercher du vin et des pizzas ? Où était passé les soirées avec leur amis ? Et elle, était-elle vraiment si parfaite, avait demandé David. Qui s'occupait du ménage, des courses, du linge, des repas ou encore de la vaisselle ? Jouer avec Bastien ok, mais le mettre au lit, jamais. Et quelle genre d'institution publique peut bien fermer ses portes à 19 heures ? Son boulot prenait une place importante de son emploi du temps, enfin... si c'était vraiment le boulot !

Finalement, ce n'était pas tellement le fait d'avoir été trompé (ou non, selon Esther) qui accablait le plus David mais les choses qu'ils s'étaient dites sous le coup de la colère. Il était parti le lendemain et avait vite commencé à chercher un appartement car il ne pouvait pas rester trop longtemps chez ses parents. Ils les aimaient, mais ne voulaient pas entendre les reproches de sa mère à tout bout de champs.

Cette année, ils auraient dû fêter leur dixième anniversaire. David se souvenait encore de la manière dont ils s'étaient rencontrés, dans le Carré durant la Saint-Nicolas des étudiants grâce à des amis communs. Dès qu'il l'avait vue, il avait eu le coup de foudre. Pourtant, elle sentait tellement mauvais avec son tablier plein de bière ! Comme presque tout le monde cette nuit là. Ils étaient tous les deux en troisième année, instituteur pour lui et ingénieur industriel pour elle. Il n'avait rien osé dire de ses sentiments, trop impressionné qu'il était. Le lendemain, il s'était renseigné auprès de ses amis pour connaître le bar préféré d'Esther. Le jeudi suivant, alors qu'il pensait devenir fou à cause de la musique métal du bar en question, il l'avait enfin vue arriver. Elle ne cherchait pas une relation stable et voulait juste s'amuser. Il avait accepté de devenir un « plan cul », c'était mieux que rien.

Six mois plus tard, alors qu'une amie commençait à squatter un peu trop le kot d'Esther, elle avait proposé à David d’emménager ensemble pour faire déguerpir l'importune. David, aux anges, avait accepté. Tout c'était enchaîné à merveille entre eux et leur relation était devenue exclusive. Après leurs études, ils avaient loués un appartement en banlieue. Esther était tombée enceinte quelques mois plus tard, les prenant un peu par surprise. A cette époque, elle travaillait comme intérimaire dans une usine et David enchaînait les contrats dans différentes écoles, il n'allait pas être nommé avant des années. Esther avait alors cherché un emploi stable, qu'elle avait finalement trouvé dans l'administration fédérale.

Presque minuit ! David se rend compte qu'il a encore passé une soirée entière à penser à elle. Dieu qu'il l'aime toujours ! Même si sa fierté lui dicte de ne pas le faire... Il lui envoi un sms pour lui souhaiter bon anniversaire. Ce simple message de deux mots ne reflète pas du tout la dizaine de tentative effacée précédemment. Mais il vaux mieux s'en tenir à quelque chose de sobre. En allant se coucher, il ne peut s'empêcher d'espérer une réponse au petit matin.

***

Annotations

Vous aimez lire Léa Labranche ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0