À la conjonction des soupirs — Vox

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  « Attention, les enfants – les adultes aussi d’ailleurs – si vous continuer vous allez finir par montomber !

Ah ah ! Vous en pensez quoi ? Vous préférez chumonter ? descélever ou élescendre ?

Je suis peut-être vieille mais j'invente des nouveaux mots !

Si ma pauvre bouche salée sait vous pondre des mots à l'envi, est-ce que pour autant les autres mots - soi-disant "les vrais" - sont eux aussi inventés ? Alors oui, on dit : par Messagère. Sans doute, sans doute... Mais en est-on sûr ?

Le parler Artes est âpre, rugueux, limite repoussant, mais précis, au plus près des détails. Celui des Inter plaintif, soumis, mais aussi caressant, aidant... Aimant... Mhhh. Les Ter parlent le langage des dieux, et comme si ce n'était pas suffisant : ils en rajoutent de ces mots compliqués, bon sang. C'est un casse-tête à chaque phrase - laissez-nous ! Merci... Ce salmigondis, on ne peut le comparer avec le parler Aers, clair, sûr de lui, dominant et cependant chantant, plein de subtilités et d'arabesques verbales, en un mot : poétique – enfin, jamais autant que celui des Vox, cela va de soi – nous avons la mélodie, la musique et les rimes, sans compter notre indécrottable sens... De la na-r-ra-ti-on !

Alors, vous les entendez, toutes ces différences ? C'est comme si on parlait d'autres langues, mais qui contiendraient étrangement les mêmes mots !

Et puis, ces mots, quoi ? n’êtes-vous pas intrigués par leur emploi ? Que dit-on vraiment, au fond, hein ? Vous savez pas ? C'est normal : pour la plupart nous n’avons plus accès à leurs origines. Rappelons-le, dans leur ensemble, ils sont apparus du Temps où le monde était endroit !

Pour qualifier la nuit, on parle volontiers d'océan d’étoiles. Face aux gens incapables de céder, on les dit : à cheval sur leurs principes. Plus prosaïque, quand un homme est pris d'Art, on dit de lui qu'il n'est qu'un porc !

Non, mais vous vous entendez parler ? Alors, qu’est-ce qu’un océan ? L’avez-vous vu ? Palpé ? Vous avez nagé dedans peut-être ? Hein, c’est quoi ? Quelle en est la couleur, l'odeur, la chaleur ?

Puriste, vous vous rabattrez alors sur d'autres mots, plus connus, tel que tapis d’étoile. Bon, ça on connaît, les tapis – tout le monde n’en possède pas dans sa case, mais chacun en a déjà vu, non ? – on pourrait à chaque fois parler de tapis pour une étendue. Et pourtant, pourtant, pourtant – océan, cheval, porc, et d’autres encore : rivière, profondeur, serpent, et j’en passe – on les aime bien, non ? On ne sait pas à quoi ils se rapportent, mais on les aime bien. C'est assez clair qu'un porc, c’est sale. Il y a un plaisir de bouche à le dire « Porc ! », mais au fond, c’est quoi un porc ? Une sorte de réservoir à déchets ? Peut-être... Je sais pas, un lieu de perdition ? Ou animal grotesque ? Ou encore le nom putride de quelqu’un ?

Au fond, nous, le peuple, on dirait bien qu'on est une sacrée bande de nostalgiques, on n’arrive pas à lâcher ce qu’on a perdu depuis belle lurette…

Et puis – dites-moi – qu’est-ce donc, au fond, qu’une lurette ? »

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