Animalités - Vox

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  « Il y a une dimension de la vie qui nous échappe.

Dis comme cela, ça file un choc, hein !

Je poursuis. Cette dimension, inconnue par notre population, était un énorme problème pour les anciens et une vraie plaie pour notre Mère. Et puis, d'un seul coup, celle-ci a cessé d’être problématique une fois le monde basculé.

Cette dimension de l'existence perdue, c'est quoi ? Et bien, tenez vous bien aux surports, il s'agit de la gestion des déchets, ou, plus largement, des « restes ».

Voyez-vous, personne ne s’inquiète de ce que nos déjections deviennent – Oui, le pipi et le caca, ni plus ni moins – où vont-ils ? Dansent-ils dans les nuages avec le Vent ? Tombent-ils sur la caboche du Ciel ? Vont ils droit dans la bouche du Vide ? Et dans ce cas, pourquoi ne dit-on pas : bon appétit ! en chiant au firmament ?

Et vos restes alimentaires, hein ? Combien d’os peuplent à présent le Ciel, combien de restes de légumes inexploitables ? Qui n’a jamais, cruellement, jeté le jouet préféré de sa petite soeur ou de son petit frère ? Espérant sans doute les voir se précipiter à leur suite, tout ça par pure jalousie !

Tout ! Perdu !

Et puis, il n’y a pas que ça, qu’en est-il des carnas ? Les animaux qui ne volent pas, nous, par exemple ; une fois qu’ils tombent au Ciel, que deviennent-ils ? Il n’y a guère de restes, on ne les recroise plus au banquet pour boire une bonne bolée que je sache. Plus de restes, plus de traces.

Or, les dieux nous ont expliqué comment vivre éternellement.

Il faut s’éthérer pour s’enterrer, disent-ils. Partir en fumée donc.

Notre incarna est emporté dans le feu et vient remplir la Terre en infiltrant ses orifices. Ainsi nous vivons en elle pour toujours.

Et puis, tout le monde l'oublie mais il y a les restes du carna.

Ce que les flammes dédaignent, les os et les cendres, ils restent là, sur la plaque de corne, après incinération…

Jusqu’à ce que le Vent les emporte, pensez-vous ? Et bien non ! Car les os, noircis, eux, ne bougent pas.

Voici donc, sous vos yeux ébahis, les seuls restes nobles de nos pauvres carcasses. Alors qu’en faire ? Pudiquement, les Ter les recueillent et les emmènent au temple du Ciel.

Et puis là, mystère ! Les futurs prêtres dans vos rangs viendront peut-être un jour murmurer à l’oreille de la vieille conteuse que je suis les secrets de nos restes. En attendant de savoir, son imagination s’en trouve fertilisée.

S’ils les jetaient au Ciel ce serait bien trop simple et n’aurait pas à être caché. Alors quoi ? Ils en font quoi, de nos restes ? Décorent-ils leur temple de jolis ossement noirs ? Fabriquent-ils des soldats sombres aux allures squelettiques ou simplement produisent-ils plus de templiers – car, vous savez, depuis leur arrivée, personne n’est sûr qu’ils soient vraiment humains !

Mais revenons à nos os ! Qu’est ce qui nous dit que les Ter ne les picorent pas comme un bon repas complémentaire aux vertus fortifiantes… Et peut-être même qu’ils parviendraient à absorber les souvenirs des morts ce faisant ?

Quoi d’autre ?

Nourriraient-ils le formidable oiseau-flamme, patriarche de l’est, avec ces ossements qui en aurait besoin pour dorer ses plumes enflammées ?

D’autres idées ? »

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