Sur le quai

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  Personne dans le hall de gare. Personne à part un jeune homme et sa valise. Presque vide – deux trois vêtements jetés en boule, un carnet, un stylo, et une photo. Une valise presque vide, et derrière des yeux embués, des souvenirs en cascade. Une valise presque vide, mais un lourd bagage, solidement agrippé à ses entrailles. Immuable. Comment oublier ? Partir.

  Personne dans le hall de gare. Personne à part un jeune homme en attente du prochain train, dans l’unique gare du coin encore en activité. Au départ pour ailleurs, au départ pour demain.

  10h47 affichées au cadran digital au-dessus des guichets désertés. Encore une heure. Le corps traversé d’un frisson glacial et le vent contre les portes coulissantes ; le grésillement du distributeur de snack – presque vide.

  10h52 au cadran. Le temps subtilement arrêté ? Impatience palpable, cœur emballé. Des larmes sur des joues empourprées – imperceptibles. Se lever. Un, deux, trois. Dix, trente, cent pas. Un pied devant l’autre. S’occuper l’esprit. Le divertir de la peur présente au fond des entrailles. Main serrée sur la poignée du sac, les ongles rongés jusqu’au sang, enfoncés dans le cuir orangé. S’assoir. Attendre.

  Des dizaines, peut-être des centaines d’images en défilé derrière les paupières closes, des images d’un futur possible, un futur vers lequel courir à perdre haleine, dans lequel se jeter sans retenir son souffle. Le futur les bras tendus sur un quai de gare. Un œil entrouvert, vue sur un couple derrière les vitres, main dans la main, sourires complices avant une discrète entrée dans le hall. Etincelle de bonheur fébrile, spectacle de vie.

  Un coup d’œil au cadran. 11h 22. Encore un peu de temps. Le temps de penser au wagon, aux sièges pourris du TER Auvergne-Rhône Alpes, celui de 11h46 le dimanche. Le wagon presque vide, jusqu’à Vienne. La moiteur entre les doigts, la mémoire en éclosion sous la peau. Attendre. Le visage déformé par les nerveuses morsures infligées et les lèvres bouffées d’anxiété. Miroir de l’avenir en suspens. Attendre encore. Encore un peu. Attendre pour s’installer sur la banquette, déposer le sac poids plume, et sa tête contre les fenêtres ; et s’assoupir. Se réveiller la vitre embuée de sa respiration chaude, le corps engourdi. Descendre à Part Dieu et prendre le chemin de son destin.

  11h42. Le train bientôt en gare. Se glisser sur le quai, braver les rafales glaciales.

  11h44. Le wagon douze à l’arrêt devant les yeux, le billet en main, composté. Gravir le marchepied, s’élancer dans le wagon vers demain, la peur au ventre mais l’air serein. Ou se retourner, se rassurer et recommencer avec une valise un peu plus remplie – peut-être.

exercice : écrire sans verbes conjugués (cela n'inclut pas les participes passés)

le 04 février 2020

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