Identités

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 « Alors Mathias vieille branche ! Que deviens-tu ? »

L’interpellé se retourna, dévisagea son interlocuteur et répondit :

« Je ne m’appelle pas Mathias, et je ne vous connais pas. »

L’autre fit une tête étonnée :

« Vous êtes sûr que vous ne vous appelez pas Mathias ?

— Vous voulez voir mes papiers ?

— Non, non, je vous crois. Mais vous ne m’enlèverai pas de la tête que je vous ai déjà vu quelque part.

— Pas moi, monsieur. »

L’homme se gratta la tête en pensant à voix haute :

« Où ça ?... Où ça ?...

— Nulle part, lui répondit l’importuné. Nulle part.

— Mais, mais si… Ça y est ! S’exclama-t-il avec un sourire de triomphe. Vous vous appelez Rodrigue et je vous ai vu à Cordoue.

— Vous confondez. Je m’appelle Edouard et je n’ai jamais quitté Paris. »

La lumière s’éteignit des yeux de l’importun, et c’est d’un ton morne qu’il laissa choir :

« Ah bon ? Vous en êtes sûr ?

— Et certain même.

— Tant pis. »

Il se fit un bref silence que brisa le faux Mathias-Rodrigue

« Par contre, moi je vous connais… Et bien !! »

L’homme ouvrit de grands yeux de stupeur :

« Ah bon ?

— Oui. Vous vous appelez Alphonse et vous venez d’Annecy. »

Les yeux d’Alphonse s’écarquillèrent encore plus :

« E… Exact. M… Mais alors c’est là-bas que j’ai dû vous rencontrer.

— Non. Je n’ai jamais mis les pieds à Annecy.

— Mais alors, comment pouvez-vous ?...

— Je sais tout, Alphonse. Je sais tout. Tu es marié, tu as trois enfants, une maîtresse, un appartement à Annecy, un pied à terre à Paris, une maison de vacances sur l’île de Ré. Tu as des comptes dans plusieurs banques, ma foi, bien fournis. Ton percepteur t’a contrôlé l’année dernière et n’a rien relevé d’anormal. Ah, j’oubliais : tu tiens un magasin qui vend des skis et qui marche très bien. N’est-ce pas ? »

Alphonse faillit tomber sur le derrière :

« Exact… Tu es devin ?

— Non.

— Astrologue ?

— Non plus.

— Voyant ?

— Encore moins.

— Dis-moi alors comment tu sais tout cela sur moi ? L’implora-t-il.

— Si je te le dis, tu jures de ne pas le répéter ? Fit Mathias-Rodrigue après un instant d’hésitation.

— Promis juré.

— Puis-je te faire confiance ?

— Aveuglément. »

Mathias-Rodrigue tourna alors la tête à droite et à gauche, comme pour s’assurer qu’aucune oreille indiscrète traînait dans les parages, puis il se rapprocha d’Alphonse et d’une voix tout juste audible, lui glissa :

« C’est toi qui me l’as dit. »

Alphonse resta sidéré par cet aveu.

« Quand ?

— Lorsque tu m’as pris pour Mathias.

— Je t’ai dit tout cela ?

— Oui.

— Là, à l’instant ?

— Non, la semaine dernière.

— La semaine dernière ?

— Oui. Rue Vaugirard. Je sortais d’un bar, tu t’es précipité sur moi et tu m’as dit : ‘‘Alors Mathias vieille branche etc…’’ Je t’ai répondu que je ne m’appelais pas Mathias ; alors tu t’es excusé, tu m’as offert un verre, et tu m’as raconté ta vie. »

Alphonse se gratta la tête, puis :

« Oui, ça me revient, maintenant. Mais la semaine dernière tu…

— Oui, j’avais barbe et moustache.

— Oui, oui. En effet, tu ne t’appelles pas Mathias, mais Arthur !

— Eh oui mon vieux, tu as enfin trouvé. »

Alphonse regarda Arthur avec satisfaction, puis lui annonça :

« Il faut que je te dise… En réalité, je ne m’appelle pas du tout Alphonse, mais Guillaume. Je sors de prison… Mais, asseyons-nous dans un bar, nous y serons plus à l’aise pour parler. »

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