Au raz de terre

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J'ai fait une fois ce rêve étrange et amusant, n'en déplaise à Verlaine, pas vraiment pénétrant. Sitôt pris dans les limbes, mon esprit rétrécit. J'étais là, tout petit, dans un clos luxuriant. Ce jardin étonnant n'était point familier. L'herbe rase ordinaire, chevelure de la terre, me dominait franchement. Les longs brins ondulaient, d'une danse indolente, entre le ciel et moi. Point d'arbre à l'horizon, point d'horizon d'ailleurs. Seules ces immenses tiges d'un beau vert enivrant. Et loin entre leurs pointes, un ciel bleu éclatant.

J'inspirai pleinement, pas anxieux pour un sou. L'exhalaison humique en esprit m'emporta au loin dans un sous-bois. Mes yeux curieux s'ouvrirent sous un pin gigantesque, dont les épines tombées, titanesques épées, autour de moi gisaient. Le chuchotis des feuilles, grandement ralenti, bruissait telles des vagues se brisant calmement.

Un cliquetis craqua. Derrière moi se traînait, lourd, pataud et sans grâce, un carabe irisé. Guère plus trapu que lui, je m'approchai pourtant. Toquant de mon index son thorax infrangible, je me dis pourquoi pas ?

Saisissant une corde -qu'en savais-je pardi ?-, un cheveu ou un poil, je gravis son thorax. Agacé gentiment, l'insecte s'envola. Vrombissant sans scrupules dans mon ouïe assourdie, il nous hissa gauchement vers le faîte d'automne au doux teint flavescent. Slalomant dans les branches, puis les feuilles orange, nous franchîmes les cimes de ce bois accueillant. Brusquement ébloui par un rai coruscant du scélérat soleil sur l'élytre vibrant, je lâchai par mégarde ma longe de fortune.

Décelant ma faiblesse, le perfide animal entama sans prouesse un tonneau imprévu. Je me voyais déjà condamné à subir une chute fatale, que mon heureuse étoile me fit vivre autrement. Je planai comme une feuille, vers la gauche, vers la droite, au seul gré capricieux du zéphyr du moment. Ma petitesse aidant, il parut faussement que ce vol incident dura éternellement. Mais c'était sans compter sur blagueuse mère Nature, qui lança à mes trousses une cruelle ramure. Un bel oiseau pourtant, dont le bec à l'instant parut bien effrayant. Il se jeta vers moi, toutes serres en avant, c'en est fini me dis-je, tu meurs maintenant.

Mais le tueur à plumes doucement m'attrapa, serrant juste ce qu'il faut pour que je ne souffre pas. Il sifflait à tue-tête et moi brinquebalant, je scrutai sol et ombres apeuré et tremblant. Impossible me dis-je, il est bien surprenant, que les griffes d'un oiseau soient douces comme du lin blanc. Puis ma vue se troubla, soudain je m'éveillai, à la vitre piaillant, un moineau m'appelait.

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Texte proposé dans le cadre du concours "J'ai fait un rêve" de Wikipen, 3ème place

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