Chapitre 47 - Partie 1

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LUNIXA


  L'estomac noué, je regardai Kalor s'éloigner, puis disparaître à l'angle du couloir avant de me tourner vers Valkyria. Elle posa les yeux sur moi au même moment et, l'espace d'un instant, nous restâmes ainsi, à nous fixer sans rien dire. Tout comme son frère, douleur et colère se disputaient dans son regard.

  –Personne d'autre que lui ne m'a touchée, finis-je par murmurer dans un souffle, presque sans m'en rendre compte.

  Un étrange éclat traversa ses prunelles et elle ouvrit la bouche. Cependant, avant qu'elle ne prononce le moindre mot, elle la referma et m'entraîna en silence dans les couloirs. Elle ne s'arrêta qu'une fois devant la porte des appartements de notre belle-sœur et me refit face.

  –Écoute, Lunixa, commença-t-elle avec difficulté. Je ne sais pas si Kalor t'a prévenue, mais les couples mixtes...

  –Ne peuvent pas avoir d'enfant pendant au moins cinq ans de relation, je suis au courant ; il me l'a expliqué il y a quelques jours.

  –Alors tu comprends que...

  –Nous pensons qu'il y a eu une erreur, la coupai-je.

  Par la Déesse, j'avais l'impression de n'avoir plus que ces mots la bouche tant je les avais prononcés au cours de la dernière heure.

  Surprise, Valkyria haussa un sourcil et me dévisagea comme si j'avais perdu la tête.

  –Lunixa, le test...

  –N'est pas aussi infaillible qu'on le pense, j'en suis certaine. Alors s'il te plaît, accorde-moi le bénéfice du doute. Kalor en a besoin... Il a aussi du mal à y croire et la visite de votre mère n'a rien arrangé. Donc s'il peut s'appuyer sur quelqu'un qui connaît la vérité, ne serait-ce que pour quelques heures...

  Valkyria assimila mes paroles en silence, me scrutant avec intensité, à la recherche de la vérité.

  –Pourquoi quelques heures ? finit-elle par demander.

  –Le docteur a accepté de refaire le test mais seulement dans une ou deux semaines, alors... (Je vérifiai à nouveau que personne d'autre que nous ne circulait dans le couloir.) Alors il va m'emmener voir une Guérisseuse à la fin de sa réunion. Celle qui m'avait soignée après l'attaque de la Marquis Piemysond, le soir de nos Renouvellement de vœux.

  Ma belle-sœur me fixa encore un instant, puis ses paupières se fermèrent dans un profond soupir.

  –Très bien, souffla-t-elle. Même si je n'ai jamais entendu parler de résultats erronés, j'imagine qu'il y a une première à tout.

  Prenant une grande inspiration, elle posa les mains sur mes épaules et plongea son regard dans le mien.

  –Quand il reviendra de sa réunion, je ferai mon possible pour lui transmettre mon soutien.

  La sincérité que je lus dans ses yeux allégea brusquement le poids sur mes épaules et un véritable soulagement se déversa dans mes veines. Ces mots n'avaient rien de paroles en l'air ; elle les pensait vraiment, m'accordait vraiment le bénéfice du doute.

  –Merci, Valkyria.

  Elle m'adressa un maigre sourire, qui se mua très vite en grimace.

  –Qu'y a-t-il ? m'inquiétai-je.

  –Je me dirigeais vers tes appartements pour que nous puissions discuter de la situation, mais aussi... parce que Mathilda m'a demandé de te chercher. Elle souhaite te parler, de femme enceinte à femme enceinte.

  Les dents serrées, je fermai les yeux et pris une profonde inspiration. La nouvelle avait donc aussi été transmise à ma belle-sœur, ce qui signifiait que j'allais à nouveau devoir m'expliquer. L'idée d'en discuter avec elle me fit pincer les lèvres et me rendit légèrement réticente à la perspective de lui rendre visite. La dernière fois que je l'avais vue, Kalor et moi étions toujours en froid à cause de mon implication dans la maison Irigyès et Mathilda avait plaisanté en disant que nous allions nous réconcilier sous la couette et que nous aurions un enfant neuf mois plus tard. L'ironie de la situation me donnait à la fois envie de pleurer et de rire.

  Cependant, cela faisait bien trop longtemps que je n'étais pas venue la voir et je ne pouvais pas lui en vouloir d'être heureuse pour moi. Surtout après les difficultés qu'elle avait eu à tomber elle-même enceinte.

  Faisant comprendre à Valkyria que j'avais saisi le sous-entendu de son message, je me tournai vers la porte, toquai et entrai dès qu'on m'en donna l'autorisation.

  –Ah, Lunixa ! s'exclama Mathilda avec un grand sourire en nous voyant entrer dans sa chambre.

  Alors que le rideau retombait dans mon dos, son expression se figea, puis ses lèvres suivirent le mouvement du lourd velours et ses yeux s'écarquillèrent.

  –Oh Dame nature, tu es si maigre.

  –Mais je vais bien, assurai-je en retenant ma gêne. Je te le promets.

  Le docteur m'aurait complètement contredit s'il avait été présent, mais je ne voulais pas qu’elle se fasse de souci.

  De façon moins prononcer, Mathilda retrouva sa bonne humeur et nous invita à nous installer sur les fauteuils à côté de son lit.

  –Et toi comment vas-tu ? m'enquis-je en m'exécutant. Je suis désolée de ne pas être revenue te rendre visite plus tôt.

  –Allons, ne t'inquiète pas pour moi. Vu ce que tu as traversé, tu avais besoin de temps pour toi. En plus, Valkyria me tenait compagnie.

  Elle appuya ses mots en jetant un rapide coup d'œil à l'intéressée, qui confirma d'un geste de la tête, avant de se reconcentrer sur moi. Je déglutis avec difficulté. N'ayant pas envie d'aborder le sujet qu'elle désirait, je me contentai de soutenir son regard. Un silence de plusieurs secondes s'ensuivit avant que son impatience ne prenne le dessus.

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