4

5 minutes de lecture

Ce récit commence quelque part au XVIIe siècle. Nul n'est certain de la date exacte. Le monde était alors bien différent de celui que nous connaissons aujourd'hui. Sauf pour ce qui était du goût du pouvoir et de l'appât du gain…

La communauté des Sorciers était à cette époque divisée par des querelles internes sans précédent. Cela aboutit finalement à la création de deux clans distincts, ayant des points de vue et des pratiques opposées : la Fondation et la Confrérie.

Les membres de la Fondation se rassemblèrent en groupes fermés et s'isolèrent du monde. Ils choisirent de consacrer leur temps à la compréhension de la nature et à l'étude des pratiques magiques. Ils inventèrent de nombreux sorts et formules qu'ils consignèrent dans des endroits connus d'eux seuls.

Quant à la Confrérie, ses aspirations étaient tout autres. Les Sorciers qui en faisaient partie voulaient avant tout pouvoir pratiquer leur art sans aucune forme de contrôle ni d’autorité. Souhaitant être libres de leurs mouvements, ils s'éparpillèrent un peu partout dans les villes et les campagnes. Ils avaient connaissance de formules, mais préféraient ne pas les utiliser pour éviter d'en dépendre ensuite. Leurs pouvoirs s'en trouvaient certes amoindris.

Et c'est ici que Franz Hopper, un Sorcier allemand, entre dans l'histoire. On ne sait pas s'il faisait partie de la Fondation ou de la Confrérie. De nombreux chercheurs s'accordent pour dire qu'il servait principalement ses intérêts personnels.

En effet, Hopper était quelqu'un de puissant. Mais il avait utilisé le don à mauvais escient, pour parvenir à se hisser dans les hautes sphères de la société. C'était un homme influent, ayant de nombreux appuis politiques. Il était aussi ce que l'on appelait couramment un « sorcier noir ». Et une seule chose comptait vraiment pour lui : dominer le monde.

Mais Hopper n'était pas qu'un sorcier. Il était aussi un chercheur s'intéressant principalement à l'histoire et aux mythes d'anciennes civilisations oubliées. C'est ainsi qu'un jour, lors d'une simple mission de fouilles dans la vieille ville de Prague, il fit la découverte qui allait devenir son obsession au cours des années qui suivraient.

À quoi ressemblait cet objet ? Était-ce même un objet ? Personne ne peut le dire avec certitude. Les seuls renseignements crédibles dont nous disposons aujourd'hui proviennent du journal de son apprenti. Il y raconte comment son Maître a rassemblé les informations nécessaires pour ouvrir un portail entre les dimensions et se rendre dans un ancien monde, caché dans les fissures du nôtre.

Ce monde était d'une beauté époustouflante. Il portait le nom de Lor. Ses habitants, des gens simples et pacifiques, y vivaient heureux, en harmonie avec la nature qui les entourait. Et on dit que Hopper a été amené à les rencontrer. Il a franchi la porte séparant les deux mondes et il en est revenu des années plus tard, changé, meilleur.

Il n'a pas eu la possibilité de partager son incroyable découverte avec le monde entier. En effet, peu après son retour de Lor, son apprenti l'a poignardé dans son sommeil avant de disparaître. Hopper avait cependant eu le temps de retranscrire son histoire dans un livre qu'il avait protégé grâce à un sort d'une puissance telle, que même les copies qui en ont été faites ensuite ont été affectées.

Malgré cela, le débat sur l'existence de Lor a continué à faire couler beaucoup d'encre. Des générations de chercheurs se sont succédées pour tenter de percer le mystère entourant Hopper. Mais leurs recherches ont été soit vaines, détruites ou perdues. Il y a aussi eu de nombreuses morts et disparitions inexplicables autour de cette histoire.

Et peu à peu, inexorablement, le temps fit son œuvre. Les copies furent égarées un peu partout à travers l'Europe. L'ouvrage original s'évapora quant à lui mystérieusement au début du vingtième siècle. Ce qui fut une histoire vraie devint une légende, puis le simple conte pour enfants que tous les petits sorciers ont déjà entendu au moins une fois avant d'aller dormir.

***

— Alors ce que Hopper raconte dans son livre est vrai ? Il y a réellement un autre monde derrière le nôtre ? demandai-je à Jake une fois son récit terminé.

— C'est tout à fait possible. Hopper n'était peut-être pas quelqu'un de confiance mais quelque chose s'est produit, quelque chose qui l'a changé. Je crois qu'il n'avait pas tout à fait tort en écrivant son histoire. Cela même si je n'ai aucune preuve tangible à apporter pour confirmer ou non l'existence de Lor...

Il m'expliqua ensuite que, même si la distinction n'était plus aussi franche, certains points de vue avaient toujours du mal à s'accorder. Globalement, étant donné le nombre réduit de sorciers, ils préféraient collaborer entre eux pour éviter de nouveaux affrontements. Mais il arrivait tout de même que des querelles s'enveniment et c'était entre autres pour cela que les différentes autorités avaient été maintenues en place depuis la scission.

— Mais vous ? Vous faites part de la Confrérie ou de la Fondation ?

— Si j'avais été un membre de la Fondation, me répondit-il, nous ne serions pas là en train d'en discuter.

— Pourquoi ?

— En fait, tu ne le sais peut être pas, mais la Fondation est bien plus à cheval sur les règles. Il y en a une en particulier sur laquelle ils sont intransigeants. Et elle te concerne.

— Comment ça ?

— C'est assez difficile à expliquer. En bref, on n'est pas censés révéler les pouvoirs d'une personne au-delà d'un certain âge, une dizaine d'années est le maximum toléré. Cela a avant tout été mis en place pour assurer la sécurité de la communauté et c'est pour cela que la Fondation le prend tellement à cœur.

— Ce n'est pas le cas de la Confrérie ?

— Nous interprétons les règles différemment. Cela étant dit, si j'avais considéré que tu n'étais pas capable de tenir le coup, je n'aurais jamais accepté de te former. Tu dois savoir qu'il y a un certain danger à apprendre la magie à l'âge adulte. Les enfants ont moins de mal à s'adapter étant donné leur jeune âge. Mais, en grandissant, on perd certaines facultés. Notre cerveau acquiert peu à peu la certitude que le monde dans lequel nous vivons se base sur des lois rationnelles et immuables. On s'installe dans une routine quotidienne et on perd finalement la capacité de croire que tout est possible.

— Je vois ce que vous voulez dire… Quand je suis tombée sur ce livre, j'ai cru que je devenais folle !

Jake sourit.

— Et c'est tout à fait normal, dit-il. Voilà ce qu'il s'est passé : ton corps tentait d'utiliser le Don que tu possèdes pour combattre et te protéger mais ton cerveau ne parvenait pas à comprendre ces nouvelles capacités. Les symptômes que tu as eus prouvaient simplement qu'il essayait de s'adapter à la situation.

— Alors cela aurait fini par cesser naturellement ?

— Éventuellement oui, répondit-il, pensif. Mais les dégâts occasionnés auraient été irréversibles. C'est pour cela qu'il est très important d'apprendre à utiliser ces facultés très lentement, d'autant plus que tu es déjà une adulte. C'est aussi pourquoi tu ne toucheras pas aux tomes bleus tant que je n'en aurai pas décidé ainsi. Et je ne parle même pas des rouges ! Promets-le-moi.

J'acquiesçai, dépitée. Cela me prendrait des années avant d'être capable de faire quelque chose d'utile !

— En attendant, continua Jake, si tu rencontres par hasard un membre de la Fondation, un seul conseil : fuis ! Vite et loin. Parce qu'ils ne cesseront pas de te traquer tant que tu n'auras pas maîtrisé tes pouvoirs. Et tu n'aimerais pas subir le sort qu'ils réservent aux rebelles…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Ilsa ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0