Chapitre 25 : Les crocs de la reine

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Déjà 25 chapitres, le temps passe vite ! On replonge tout de suite dans les aventure d'Adrick à la conquête de Lorette.


LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE

Chapitre 25 : Les crocs de la reine


Comme l’avait demandé Iphranir, je me présentais à lui une heure plus tard, à l’entrée du camp. Une quinzaine de chevaux attendaient patiemment leurs cavaliers, qui revêtaient leurs armures un peu plus loin. Un peu perdu, je restais un moment à caresser la tête d’une jument noire, jusqu’à ce que le chef d’expédition ne me remarque. L’elfe m’offrit un sourire encourageant et m’invita à les rejoindre. Iphranir me tendit immédiatement un casque et un plastron doré, semblable aux autres elfes qui m’observaient curieusement. Le casque fut relativement facile à enfiler… Le plastron beaucoup moins. Mes ailes ne rentraient pas à l’intérieur et même mouillée, je savais qu’elles referaient leur apparition tôt ou tard.

Iphranir était ennuyé à l’idée de me laisser sans protection, aussi inova t-il. Il saisit une cotte de maille et détacha plusieurs maillon pour laisser passer mes ailes, dont les excroissances dépassaient de mes épaules. Après quelques minutes de forçage, j’étais fin prêt à prendre la route.


“Tu sais monter à cheval ? me demanda Iphranir.”


Je souris franchement. Bien sûr que oui, mon passé de voleur m’avait appris à m’y faire rapidement. J’hochai la tête. Il s’avança vers le troupeau de chevaux et saisit la bride de la jument avec laquelle j’avais sympathisé quelques minutes plus tôt.


“Elle s’appelle Gawell. C’est la fille de mon étalon. Elle est… caractérielle. Mais je pense que vous pouvez bien vous entendre. J’ai vu que vous avez établi un premier contact.”


Je tendis la main vers le cheval. Il renifla avec attention avant de souffler des naseaux. Je posai la main sur sa tête et commençait à la caresser. Iphranir me laissa la bride dans les mains et se reprocha du groupe de cavaliers. Certains grimpaient déjà sur leurs montures, d’autres attendaient sagement à leurs pieds les ordres. Iphranir monta sur une caisse pas encore chargée sur l’une des trois charrettes de l’exposition.


“Messieurs, madame, dit-il à l’attention de l’unique femme de l’expédition, située derrière moi, nous allons nous mettre en route. Jaspar, Grimba, vous prenez la tête, Fivis et Queunol la queue. Tous les autres restent en rang serré au milieu. A la moindre alerte, vous criez. Gamin, dit-il en s’adressant à moi, tu restes près de moi. Départ dans dix minutes, chargez vite les caisses !

— Uyo, djig ! répondirent les elfes à l’unisson.”


Iphranir les laissa s’agiter dans tous les sens pour se rapprocher de son étalon. Il était gigantesque, le poil brillant et la carrure bien développée. Il devait dépasser ma jument d’une bonne tête de taille. Il était d’un noir pur, profond, qui mettaient en avant sa musculature. Je me détournai de lui et mit le pied à l’étrier pour grimper sur ma jument. Elle secoua un peu la tête, avant d’attendre sagement le départ, une fois son cavalier installé.


Le convoi se mit en route quelques minutes plus tard. J’étais très excité à l’idée d’arriver à Lothariel et espérait qu’aucun obstacle ne se dresserait encore sur notre route. Tout Méaaras nous fit l’honneur d’être présent pour nous souhaiter bonne chance sur la route. Les veuves endeuillées murmurèrent quelques prières pour notre survie. Quand à mes fanatiques, il me saluèrent à coups de “Bimbis puyt teywiset vuyt” qui me mirent mal à l’aise. Quitter le camp était une délivrance, et j’espérais que le temps passé loin d’ici suffirait à leur faire oublier mon existence.

La troupe s’enfonça dans la forêt. J’étais au centre de la formation, à côté d’Iphranir. Devant et derrière nous, deux charrettes avançaient à leurs rythmes, tirées par des boeufs bien plus adaptés aux terrains glissants et couverts de racines vicieuses de la forêt. Les discussions allaient bon train, toutes en langue elfique, et je me sentais isolé un peu plus à chaque fois que l’ensemble du groupe éclatait d’un grand rire, sans que je n’en comprenne la raison. Plusieurs s’intéressèrent à moi, pour me demander d’où je venais, comment j’étais sorti de Mornepierre, comment j’avais obtenu mes ailes, et ce que je pensais du culte de Méaaras pour elles. Car c’était bien ces deux excroissances emplumées qui attiraient l’attention, j’avais bien conscience que sans elle, je ne serais qu’un vagabond de plus sans grand intérêt.


Après quelques heures de route, les premières difficultés pointèrent le bout de leur nez. Les charrettes s’embourbaient sans arrêt dans les pentes boueuses, et il fallait descendre les pousser. Ces moments étaient angoissants. Les soldats inactifs sortaient les armes pour surveiller les environs, conscients de la dangerosité de rester à l’arrêt dans les bois. J’avais assez traîné dans les environs pour savoir quels genres de dangers ils craignaient. Je me rapppelais toujours aussi douloureusement les serres du griffon se plantant dans mon dos pour me ramener dans son nid. Combien de bêtes du genre erraient encore ici ? Plus nous nous enfoncions dans les entrailles de la forêt de Qerod, plus les bruits devenaient inquiétants.

Bientôt, la forêt devint trop dense pour continuer à cheval. Nous dûmes mettre pied à terre et guider les montures entre les arbres. C’est à ce moment-ci que je compris le côté caractériel de Gawell. La jument préférait les feuilles vertes à mes ordres désespérés et tirait sur sa bride pour me guider là où elle le voulait. Iphranir m’observait sourire aux lèvres, moqueur, sans faire le moindre geste pour m’aider. Fatigué d’être humilié, j’optai pour une solution intelligente. J’arrachai un bouquet de feuilles d’un arbre et guidait la jument à travers les bois en l’attirant avec son mets favori.

Le soir ne tarda pas à tomber. Iphranir nous fit monter le camp dans une cavité rocheuse assez large et profonde pour nous permettre de voir arriver les prédateurs. J’étais épuisé. Mes jambes me portèrent difficilement jusqu’au feu de camp où je déballai mon sac de couchage. Par chance, j’échappai au tour de garde, Iphranir préférant laisser la tâche à des elfes plus vigilants et surtout nyctalopes et plus aptes à repérer du mouvement dans la nuit, ce que je n’étais pas. Je réussis à garder les yeux ouverts jusqu’à la distribution d’une soupe de légumes avec du pain, puis je m’endormis sans perdre plus de temps.


Malheureusement pour peu de temps. L’elfe de garde sonna l’alerte au beau milieu de la nuit et comme d’un seul homme, tout le monde se releva dans les couchettes. Paniqué, je restai un long moment à regarder tout le monde saisir épées, haches et arcs sans rien faire, l’esprit encore embué par le sommeil. Entre deux bribes de conversation, je compris que ce qui nous fonçait dessus était gros et agressif, mais personne ne savait vraiment de quoi il s’agissait. Je restai seul à l’arrière, avec tous les sacs.

Un bruit derrière moi me fit sursauter. Je me retournai et tombait nez à nez avec deux yeux translucides. Il y avait un trou sous la paroi de la grotte. Immobile, le souffle court, je restai à long moment yeux dans les yeux avec la bête avant qu’elle ne charge. Je poussai un cri strident lorsqu’une panthère blanche gigantesque bondit dans ma direction. Mes mains se placèrent instinctivement devant moi et j’entendis le félin poussait un cri de douleur. Quand je rouvris les yeux, il était en feu. Sa fourrure blanche propageait l’incendie à l’ensemble de son corps. Les elfes me tirèrent vivement en arrière alors que le monstre fuyait par la grande ouverture en poussant des cris de douleur. Effrayé, je restai un long moment à regarder mes mains. Qu’est-ce que c’était que ça encore ? Les ailes ne suffisaient-elles pas ?


“Bravo, gamin, me dit Iphranir. Joli coup. La reine tueuse comme premier combat de chasse, c’est pas rien.”


Je ne répondis pas, obnubilé par les restes de flammes qu’un elfe éteignait à coup de bottes. La tension redescendait dans la grotte et déjà les plus fatigués regagnaient leurs couchettes. Je me tournai vers Iphranir.


“La reine tueuse ? demandai-je avec curiosité.

— On ne sait pas vraiment ce que c’est, avoua t-il. C’est un félin blanc qui ne tue que les hommes. On pense que c’est l’oeuvre d’un mage qui a dégénéré. Ca fait des années qu’on la traque sans succès.”


Un frisson parcourut son échine. Il n’avait pas vraiment envie de la recroiser livré à lui-même. Ce qui venait de se produire était un incroyable coup de chance. Je lançai un regard inquiet à mes mains. Serais-je capable de reproduire cet exploit ? Cela serait particulièrement utile.

Laissant mes interrogations existentielles de côté, je me recouchai dans la couchette et terminai ma nuit.

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