Chapitre 9 : Ailes brisées

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Petit chapitre aujourd'hui dont je ne suis pas très satisfaite. J'espère qu'il vous plaira malgré tout :)


LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE

Chapitre 9 : Ailes brisées

Lorsque je m’éveillais, au prix d’un grand effort, le soleil se couchait à l’horizon. J’étais allongé sur le dos dans ce qui me paraissait être un nid très confortable. Deux oeufs, chacun aussi gros que moi me faisaient face. Les dernier rayons de l’astre incandescent rendaient la coquille presque translucide et parvint sans mal à localiser les deux formes de vie qui y habitaient. Elles ressemblaient à de gros félins jusqu’à leur tête, d’où dépassait un bec qui, je n’en doutais pas, devait être fortement aiguisé. La bonne nouvelle, c’était que Maman-Griffon ne se trouvait pas dans les environs.


Je me redressai difficilement, en serrant les dents. La douleur me lançait fortement et je craignais beaucoup le moment où il faudrait désinfecter tout ça. Je ne doutais pas une seconde d’avoir beaucoup saigné, puisque que ma chemise me collait dans le dos. Le frottement des vêtements, désagréable, m'empêchait de me concentrer correctement sur les alentours. Le sol sous mes pieds paraissaient fragile, et j’hésitai à me mouvoir, de peur de passer au travers. Un simple regard vers la bas permit de comprendre que je me trouvais en hauteur, sur une paroi rocheuse. Sauter du nid m’aurait valu au mieux une cassure nette des deux jambes… au pire un bon coup sur la nuque pour achever ma pitoyable existence.


Conscient que j’avais été posé là probablement pour servir de premier repas aux adorables rejetons de ce tout nouveau prédateur, j’examinai rapidement les options qui s’offraient à moi pour me tirer de ce mauvais pas. La première d’entre elle était de m’accrocher à la grosse branche qui maintenait le nid pour gagner les rochers. Mais ensuite ? Aucune grotte n’était perceptible et la paroi paraissait très lisse. A découvert, Maman-Griffon n’aurait plus qu’à me récupérer avec une facilité déconcertante. La deuxième idée, bien moins intelligente, fut d’attendre le retour de la bête et de faire un rodéo sur son dos jusqu’à toucher la terre ferme. Je savais parfaitement que cette idée n’avait aucune chance de réussir, mais face au vide mortel sous mes pieds, je n’avais pas beaucoup d’autre choix.


Quelques mètres au-dessus de ma position, une grosse branche touffue me paraissait idéale pour me cacher en attendant le retour du prédateur. Pour cela, il fallait escalader la paroi rocheuse, ce qui ne me réjouit pas sur l’instant. J’avais beau les chercher du regard, aucune prises ne paraissait assez solide pour supporter mon poids. Je repassais en boucle les cours d’escalade d’Armand sans succès : je ne voyais pas comment m’y prendre.


Le destin bouscula les choses rapidement. Alors que je pleurais sur mon sort, à califourchon sur la branche, un craquement sinistre retentit derrière moi. L’une des deux coquilles venait de se fissurer et des gargouillis étranges commençaient à me parvenir aux oreilles. J’espérais sincèrement que l’éclosion prenne autant de temps que pour les poussins, afin de me laisser assez de temps pour parvenir à mon but. Je ne réfléchis pas davantage et m’élançai vers les roches. Je parvins à m’élever d’un bon mètre avant d’être bloqué par le manque de prise. Accroché de toutes mes forces à un gros rocher, j’observai, nerveux, le premier petit s’extirper de sa coquille. L’éclosion n’avait pris que quelques minutes.


La bestiole avait la taille d’un bon ours. Ses ailes poisseuses étaient repliées dans son dos pendant qu’il posait son regard sur le monde pour la première fois. Il ne tarda pas à pousser de petits cris aigus plaintifs, que j’identifiais rapidement comme un appel à la nourriture. Par chance, la bête ne m’avait pas encore remarqué. Je redoublais d’efforts pour atteindre la branche, à quelque chose comme deux mètres au dessus. Mes pieds me firent plusieurs fois défaut et je me raccrochais in extremis aux rochers plus bas. Après une dizaine de minutes de lutte, je me trouvais toujours au même endroit.


A mon malheur s’ajouta un cri perçant, dans le lointain. Une forme massive, encore plus grande que Maman-Griffon, fondit sur le nid à une vitesse effarante. Deux pattes reptiliennes arrachèrent le nouveau-né du nid avec force, brisant la faible structure sous son poids. Le deuxième oeuf sombra dans le vide, alors que l’immense créature se rattrapait à la paroi. J’évitais plusieurs rochers du mieux que je le pus. Écrasé entre le ventre d’un dragon et la paroi de pierre qui me glissait entre les doigts, je n’osais plus esquisser le moindre geste.


J’étais terrifié. De là où j’étais, je pouvais toujours percevoir les cris de détresse du petit griffon, prisonnier de serres trois à quatre fois supérieures à sa taille. Grièvement blessé au flanc, je ne pu que tirer une grimace en imaginant ce que des serres de cette taille me ferait. N’entendant plus le dragon bouger, je relevais timidement la tête. Deux yeux énormes étaient braqués sur moi. Je crus réellement défaillir sur le coup. Je ne pouvais ni monter, ni descendre. La bête poussa un grognement sourd avant de baisser sa tête vers moi. Je fermai les yeux, ne souhaitant pas retenir comme dernière image des crocs grands de deux fois ma taille et une haleine putride.


Mais c’était sans compter sur Maman-Griffon. Devant le grand malheur qui s’était abattu sur son nid, elle se jeta sur le dragon et mordit férocement dans son cou. Le reptile poussa un cri terrifiant avant de décoller de la paroi. Un gros rocher passa juste à côté de moi pour s’écraser en contrebas. Le griffon, très énervé, attaquait par pointes très précises que le dragon ne pouvait éviter. Dans la bagarre, le monstre lâcha le petit griffon qui chuta dans le vide. Sa plainte résonna longtemps dans mon esprit avant un “crac” final au sol, qui me sortit de ma rêverie. Je devais saisir ma chance !


Le dragon avait laissé des crevasses plus bas, auquel je pus me rattraper. Je me laissai glisser par accoups, jusqu’en bas du mont de roches. A mesure que je regagnais la terre ferme, une autre terreur s’insinuait en moi : où diantre me trouvais-je ? A en juger par la chaleur et la taille démesurée des arbres, je me trouvais toujours dans la forêt de Querod. Le jeune griffon se trouvait à quelques mètres. Curieux, je m’approchai à pas de loup.


La pauvre bête agonisait dans son sang. La colonne vertébrale brisée, il poussait de petits cris plaintifs pitoyables à mon attention. Je n’avais rien sur moi pour l’achever, je me contentais donc de m’asseoir près de lui et d’attendre qu’il expire. Loin au dessus de moi, l’ombre du griffon et du dragon continuaient de passer. J’espérai que la mère du petit survive, mais le dragon mit fin à tous mes espoirs en la saisissant brutalement dans le dos. Sa patte immense se referma sur la gorge d’aigle et il fit sauter la tête de la pauvre bête. Celle-ci retomba dans un buisson non loin de moi. Quant au dragon, il s’éloigna avec son trophée.


Toute une famille venait d’être anéantie en quelques secondes devant moi et, aussi prédatrice et dangereuse pour moi qu’elle était, je sentis une culpabilité atroce me serrer les tripes. Je restai près de deux heures auprès du nouveau-né, mort depuis longtemps, à réfléchir sur ma propre vie.


Seul dans la forêt et sans aide, mes probabilités de survie étaient les mêmes que celles de ce pauvre animal. Je n’avais jamais vécu ailleurs qu’au pied des montages : j’ignorais quelles plantes étaient toxiques, quels animaux pouvaient me tuer… J’ignorais même si d’autres espèces intelligentes vivaient par ici. Enfin… Je savais que les elfes y vivait, ma nourrice me contait certaines de leurs histoires avant de dormir, mais de là à les trouver…


Quand je sortis de ma contemplation, je remarquai que le soleil disparaissait à l’horizon. Un frisson me parcourut l’échine. Dans l’obscurité naissante, les arbres gigantesques n’avaient rien de rassurant. Il ne faisait pas très froid, pourtant, je tremblais. Je devais rapidement trouver un abri, je ne souhaitais pas rencontrer immédiatement les habitants nocturnes des bois. En tout cas, pas sans arme. Je me relevai et avançai à l’aveugle vers le coeur de la forêt.


J’errais depuis une heure quand je repérai une grotte, un peu en hauteur sur un monticule rocheux. Je tirais une grimace. Mes précédentes expériences m’avaient appris à me méfier. L’ours, les bandits… Et maintenant quoi ? Avec la chance que j’avais, j’espérais presque tomber sur le dragon pour qu’il achève ma pathétique existence. L’escalade fut plus facile que ce que j’aurais cru au premier abord.


La grotte, ou plutôt la crevasse, était déserte. Seules quelques chauve-souris inoffensives me dévisagèrent curieusement pendant que je m’installais contre un mur, les genoux recroquevillés contre moi. Je n’osais pas allumer un feu, de peur d’être repéré par un nouveau prédateur. J’avais côtoyé assez de bêtes sauvages pour la journée.


J’eus énormément de mal à trouver le sommeil. A chaque fois que je fermais les yeux, je revoyais ce petit griffon chuter dans le vide, comme un oiseau aux ailes brisées. Je songeais à ma chance, presque miraculeuse. Combien de temps le destin s’amuserait encore avec moi avant de me faucher en plein vol ? La boule au ventre, je somnolais d’un oeil jusqu’à l’aube.

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