Chapitre 1 : Mon adorable prédateur

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Bonjour :D C'est parti pour le tout premier chapitre de cette nouvelle fiction. On commence tout en soyeuseté avec une première (més)aventure de Brimbis :D

LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE

Chapitre 1 : Mon adorable prédateur

Notre première aventure commence dans les forêts froides du nord de Tyrnformen, à la frontière des Pics d'Aranos, montagnes aujourd'hui peuplées par les nains. Ils n'étaient encore qu'un petit peuple à l'époque, insignifiant et quasiment inexistant aux yeux des hommes. J'avais l'intention de trouver un petit travail chez eux, pour passer l'hiver qui est toujours froid et dur avec nos pauvres âmes, ainsi que pour gagner un peu d'argent et rendre mon périple plus confortable. Mais il se trouvait que je n'étais pas très doué avec les cartes de la région, je ne le suis toujours pas d'ailleurs, et que j'avais réussi à me perdre. Arrivé aux pieds des montagnes glaciales et impitoyables, je perdis tous mes moyens. Je ne sais si ce fut le froid, la fatigue ou l'appréhension, mais mes pieds gelés me guidèrent dans une grande vallée inhabitée, alors que j'avais prévu d'atteindre le village des nains avant la nuit.

J'ai erré pendant des jours, me nourrissant exclusivement des rares baies sur les buissons mourants et de quelques racines bouillies. Et puis il a commencé à neiger, la pire chose qui aurait pu m'arriver. La poudreuse recouvrant chacune de mes traces, je me retrouvai complètement désorienté, seul et affamé. Je me mis à tourner en rond, revenant toujours devant les mêmes grottes, les mêmes buissons. C'est au bout du cinquième jour de ce calvaire que j'ai décidé de me poser dans une caverne. Dormir me semblait alors une excellente option, j'étais certain que cela me ferait du bien.

Malheureusement pour moi, la grotte que j'ai choisie était déjà habitée. En m'approchant précautionneusement, j'aperçus une masse sombre, poilue, couchée sur un tas confortable de gros rochers. Cette caverne était en effet occupée par un ours gigantesque, plongé dans le plus profond des sommeils. J'ai longtemps hésité sur la marche à suivre face à cette rencontre pour le moins inattendue. Ma première idée, ce fut de lui planter une dague dans le crâne. Sa fourrure aurait pu me tenir chaud et sa viande me nourrir pendant des semaines, mais je craignais qu'il ne se réveille si je l'approchais, ou pire, qu'il ne me tue si je ratais mon coup. J'étais assez frêle à l'époque et ce monstre aurait pu me briser comme une brindille. La neige continuait de tomber à l'extérieur, de plus en plus fortement, si bien que je pris une décision que je qualifierais aujourd'hui d'inconsidérée. Ne pouvant pas allumer un feu et toujours effrayé à l'idée de me faire dévorer, je choisis de dormir contre mon hôte. Après tout, un ours est gras, moelleux et chaud au début de l'hiver et il était censé dormir profondément. Vous imaginerez sans mal qu'il s'agit typiquement de ce genre d'idée, quand tu es jeune, qui te parait excellente au premier abord et que tu regrettes ensuite pendant particulièrement longtemps.

Doucement, je me suis approché de la créature. Pour me rassurer, j'essayais de me dire que ce n'était rien d'autre qu'un gros chien, comme celui qu'avait Marie-Louise quand j'étais petit. Il aboyait fort et me terrifiait, jusqu'à ce que ma nourrice m'explique qu'il voulait juste jouer. Ce chien était ensuite devenu mon meilleur ami et sa perte avait été une déchirure, mais je m'en suis remis, comme toujours. J'avais d'abord donné un petit coup dans la cuisse de l'animal, du bout de la chaussure, prêt à détaler si la chose osait bouger, ce qu'il ne fit pas. Alors lentement, je me suis laissé glisser contre ses poils chaud. Au moment où je posais ma tête, savourant ma victoire, mes yeux croisèrent ceux ensommeillés et très imposants du grizzli.

« Bonjour, toi. » murmurais-je, stupidement.

Je me relevai rapidement, avant de reculer vivement. Le grizzli avançait vers moi, bien réveillé, poussant de longs grognements pour le moins inquiétants. Je n'osais pas me retourner pour courir, si bien qu'après un moment de marche à l'envers, le sol se déroba sous mes pieds. Je tombai lourdement en arrière et roulai dans la poudreuse sur une très longue distance. Tout ce que j'avais mis tant de temps à monter, je le redescendais en une vitesse défiant tous les records. Je terminai ma course contre un arbre plus bas, contre lequel je vins m'écraser lourdement. Je crus mon calvaire terminé et ma vie sauve. Tout du moins jusqu'à apercevoir l'ours se rapprochant, de plus en plus vite, roulant lui aussi dans la neige dans ma direction. Je n'ai pas eu le temps de l'éviter. Il s'est écrasé contre le même arbre que moi, positionné au dessus de mon frêle corps.

Désormais prisonnier, je n'osais plus faire le moindre geste. Je craignais pour ma vie, et cet ours faisait facilement le poids d'une grosse charrette. Avec le cheval dessus. Il bougeait au-dessus de moi, cherchant à se relever. Je pense qu'il ne m'avait pas vu, puisque ses coussinets chauds touchaient désormais mon dos nu. Mes vêtements s'étaient déchirés dans la chute. Il s'est relevé, et j'ai senti ses longues griffes frôler ma peau. J'ai alors frémi, je sentais son souffle chaud sur ma nuque. Il me reniflait, cherchant à savoir si j'étais mort. Au fond de moi, j'aurais vraiment espéré l'être. J'avais appris, par les chasseurs de mon village, qu'une proie morte n'est plus intéressante pour un prédateur. Alors je tâchais de paraître assez mort pour lui. Mais l'animal ne semblait pas vouloir me lâcher, allant même jusqu'à s'asseoir sur moi, m'écrasant tout le bas du dos et m'empêchant le moindre mouvement de jambes. Savait-il que j'étais vivant ? Attendait-il que je bouge pour me réduire en un de ces morceaux de viande aux champignons que l'on sert dans les plus grandioses tavernes ?

Je ne voulais pas le savoir, pour tout dire. Deux heures étaient passées, et mon cher hôte se trouvait toujours sur mon dos. J'étais gelé, je ne sentais plus mes doigts et mes orteils, mes vêtements trempés et troués me collaient à la peau. Et les griffes de mon adorable prédateur avaient sérieusement pénétré ma chair. Je souffrais, mais j'étais en vie. Au fond, c'est ce qui était le plus important, pas vrai ? Marie-Louise disait toujours que la peur et la souffrance sont ce qui fait que nous sommes vivants. Le seul problème, néanmoins, était que je mourais d'envie de me gratter le nez. Ça peut paraître un peu stupide, dit comme cela, vu la situation périlleuse dans laquelle je me trouvais. Mais imaginez un instant. Vous avez le nez qui gratte, vous essayez de ne plus y penser pour ne pas le gratter, sauf qu'il se produit l'effet inverse. Plus vous essayez de ne plus y penser, et plus vous y pensez. Et plus vous y pensez, plus votre nez gratte. C'est une douloureuse torture mentale, mais ça avait au moins l'avantage de garder ma tête bien occupée.

C'est à ce moment que j'ai commencé à me dire que je n'allais pas pouvoir rester éternellement ici, que viendrait un moment où j'aurais besoin de sentir mes orteils bouger, de peur qu'ils ne se décrochent. Alors je pris mon destin en main, et je bougeai les doigts. J'ai senti l'ours se tendre soudainement, alors qu'un long grondement s'échappait de sa gorge. Je l'ai pris comme un avertissement. Si je bougeais, alors j'avais de grandes chances d'y rester. M'est alors venue la plus stupide des idées.

« Eh, l'ours ? dis-je d'une petite voix tremblotante. Je sais qu'on est pas parti d'un bon pied tous les deux. Et je suis désolé de t'avoir tiré de ton sommeil. Je peux partir maintenant ? »

Le regard de l'animal s'était braqué sur mon visage. Il avait baissé sa grande gueule pleines de dents pointues au niveau de mon nez, si bien que je pus même compter le nombre de ses canines. Je me souviens aussi parfaitement de son haleine, un mélange de saumon et de bouse de vache bien moulée. Il a collé son museau contre mon visage, avant de me donner un grand coup de tête, très violent. J'ai bien crû qu'il allait me briser la nuque, ou me décrocher la tête. La force de cet animal était extraordinaire. Il se trouve que lui parler avait éveillé sa curiosité et qu'il voulait continuer d'entendre ce nouveau jouet communiquer. Enfin, c'est comme ça que je l'ai interprété. Ayant décidé de ne pas laisser passer cette chance de quelques minutes de survie supplémentaires, je me suis lancé dans la description de la recette du fondant aux abricots que faisait Marie-Louise le mercredi après-midi. Je la connaissais par cœur et elle était longue, heureusement pour moi.

Enfin... Quand je dis heureusement, c'est plutôt le contraire en fin de compte. Plus j'avançais dans mon récit, plus je sentais mon hôte s'affaisser sur lui-même. A la fin de ma recette, mon adorable prédateur m'avait encerclé de ses grosses pattes velues, à la manière de ces poupées de chiffon qu'on offre aux enfants, et ronflait à s'en décrocher les cordes vocales. Je ne vous cacherai pas que j'ai été premièrement vexé. Cet ours venait de s'endormir pendant que je parlais, c'était très mal élevé ! Puis, j'ai compris finalement, qu'avec de la prudence et de la douceur, je réussirais peut-être enfin à me dégager de cette situation embarrassante. Le temps était venu d'agir.

C'est dans un grand calme que j'ai tout d'abord bougé mon bras, pour le poser sur la patte épaisse du grizzli. Voir que cette dernière faisait trois fois la taille de ma main ne me rassura guère, mais l'appel de la liberté était plus fort que cette terreur sourde. J'ai d'abord dégagé une première épaule, la droite de mémoire, en m'affaissant sur moi-même pour écarter mes jambes de l'animal. J'ai ensuite libéré ma tête, en la faisant glisser sous les rugueux coussinets de l'ours, et enfin mon second bras qui fut le plus simple à retirer.

Enfin libre, je ne pus m'empêcher d'entamer une petite danse de la victoire qui se termina malencontreusement par moi marchant sur une des pattes arrières de mon hôte. Il a fait un bond formidable, avant de se tourner lentement vers moi, la bave aux lèvres. Comme vous vous en doutez, je ne suis pas resté planté là à regarder un mastodonte couvert de poils me charger. Je suis parti de dos, les bras en l'air, en hurlant d'une voix aiguë comme je ne l'avais encore jamais produite avant. Et j'ai couru sur une distance remarquablement longue.

L'ours abandonna la chasse après cinq minutes, probablement exaspéré par mes cris de détresse, dignes des plus grandes chanteuses d'opéra ancien. Moi, j'ai continué, tout droit, ne l'ayant pas remarqué. J'ai débouché par hasard sur un village, en sortant de la vallée, et je m'y suis engouffré sans demander mon reste.

Je dois dire que mes amis nains ont été très sympathiques d'oublier cette entrée remarquée. Parce que si dans mon village natal, un fou en haillons était venu en courant et hurlant qu'un ours le poursuivait, il aurait fini pendu pour « stupidité contagieuse » ou peu importe le nom que la milice donne à cette maladie totalement idiote. Quoiqu'il en soit, j'ai finalement atteint ce village, perdu au milieu de nulle part.

Il ne restait plus qu'à trouver du travail, mais ça, ce fut une toute autre histoire.

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