Chapitre 7

19 minutes de lecture

Taeliya se réveilla sur les coups de 7h30 du matin.

Quand elle ouvrit les yeux, elle se trouvait contre Jess, un bras derrière la nuque et l’autre autour de ses épaules, la maintenant contre lui. Un bruit perturba le silence tranquille de sa chambre. Après avoir attentivement écouté Jess, elle comprit que ça ne venait pas de lui mais de juste à côté.

Taeliya se redressa et eut la surprise de voir des hommes du clan, à peine habillés, endormi sur le sol, arme à la main.

— Tu es réveillée ? s’enquit une voix basse près de la porte.

Sonia venait pour vérifier que tout le monde dormait bien, mais elle trouva la jeune fille un peu décontenancée.

Taeliya hocha la tête et se leva. Elle dut parcourir le chemin jusqu’à la mafieuse, sur la pointe des pieds, en évitant les corps ronflants. Quand elle arriva enfin à son but, un ronflement retentit, suivi de quelques gémissements, puis le calme revint. Sonia lui fit signe de sortir de la chambre pour se joindre à un petit comité dans la cuisine qui mangeait déjà.

— Oh bonjour la miss, fit une des femmes en tirant une chaise à côté d'elle. Bien dormis ?
— Tu nous as fait une sacrée frayeur cette nuit.

Taeliya voulut parler pour s’excuser, mais sa voix s’y refusa catégoriquement. Elle s’inclina pour montrer qu’elle était désolée, son malaise était visible et les femmes regroupées lui adressèrent des sourires compatissant.

— Jess avait l’air de savoir quoi faire cette nuit. C’est pas la première fois, hein ?

Taeliya secoua la tête.

— Je m’en doutais.
— En tout cas, les gars n’ont pas voulu quitter ta chambre de la nuit.
— Ils ont tous rappliqué comme si on se faisait attaquer.

Elles pouffèrent, mais Taeliya se sentait mal de les avoir tous dérangés. Toutefois, elle pouvait remercier l’intervention de Jess qui, effectivement, avait réussi à éloigner ses démons du reste de la nuit. Comment avait-il fait ça ? Elle ne comprenait pas, mais était bien contente que le jeune homme se soit pris d’affection pour elle.

Elle se leva soudainement et alla investir la cuisine à la recherche d’ingrédients pour préparer un petit déjeuner à tout ce beau monde.

Ni une ni deux, elle s’attacha les cheveux et entrepris de confectionner un festin de roi.

Attiré par l’odeur, les ventres se mirent à gronder, réveillant leurs propriétaires qui, un à un, sortirent de la chambre pour la trouver virevoltant à travers la pièce, quelques mèches folles s’échappant de sa coiffure.

— Bonjour bonjour ! Bien dormit ?
— Ouais. C’est l’odeur qui nous a réveillé. Qu’est-ce qu’elle fait ?
— Je pense qu’elle veut s’excuser pour cette nuit. Sa voix n’est pas encore revenue, du coup elle veut vous remercier en préparant un bon petit déjeuner visiblement bien copieux, expliqua Sonia en souriant à son mari qui entra à son tour.
— Elle devrait pas, marmonna un des hommes.
— Taeliya, l’appela Joe, quand tu auras fini il faudra prendre ton traitement !

Elle leva son pouce en l'air, signe qu’elle l’avait entendu. Malgré tout, elle continua de préparer le petit déjeuner.

Le clan était émerveillé par les différentes préparations colorées dont les odeurs étaient toutes aussi alléchantes. Elle apporta le thé et le café et fit le tour de la table pour les servir.

Elle attrapa le feutre de l'ardoise collée au mur et écrivit « Je suis désolée pour cette nuit… J’espère que ce petit déjeuner saura me faire pardonner ».

Jess entra à ce moment-là, il jeta un coup d’œil à la table, puis à la jeune fille et aperçut le mot derrière elle.

— T’excuse pas Princesse. Tant que tu n’arriveras pas à t’en débarrasser, je dormirais avec toi, comme ça tu m’auras sur place pour leur botter le cul.

Elle lui sourit, le rose aux joues, et déposa un baiser rapide sur sa joue avant de retourner s’installer près des femmes.

Jess resta figé quelques instants mais se reprit quand il entendit quelques gloussements. Il alla s’asseoir près de ses amis, gardant un œil sur la jeune fille entourée des femmes qui semblaient discuter de la journée à venir. Joe se leva à nouveau dans un silence gêné pour venir administrer, devant les regards compatissants des mafieux, le traitement à sa jeune patiente.

— Vous comptez manger dehors ? demanda un des hommes au groupe de femmes.
— Je ne sais pas, mais j'imagine que oui, pourquoi ?
— On est de mission en extérieur, répondit Jess. Si on a fini vers 13h, ça vous dit qu’on se retrouve pour manger un bout ? On vous accompagnera pour la suite.
— Vous seriez de vrais frères ! s’écria un des hommes missionné pour les accompagner, faisant sourire leurs amis.
— Le chevalier servant ne veut pas rester trop longtemps loin de sa petite Princesse, rétorqua une femme.
— Tout à fait ! intervint le jeune homme en bombant le torse.

Taeliya toussa, elle riait malgré sa gorge irritée et sa voix encore absente, ce qui fit plaisir à la tablée qui se mit d’accord sur le lieu de rendez-vous. Taeliya fut envoyée se changer pour être prête à partir, 30 minutes plus tard.

Elle fonça droit vers sa chambre et se prépara en deux temps trois mouvements sous les rires des mafieux.

— Elle a l’air bien vive aujourd’hui, fit remarquer une des femmes.
— Elle a passé la nuit bien gardée, pouffa Sonia en faisant un clin d’œil aux concernés qui lui répondirent par quelques rires.
— Je pense qu’un soutient psychologique pourrait l’aider à se défaire de ses rêves, dit Joe, le regard fermé.

Sonia posa une main sur sa cuisse, il réalisa alors que l’ambiance était retombée, mais il pensait ce qu’il disait et il fallait au moins essayer. Cependant, un doute persistait dans son esprit : Jess arrivait à éloigner ses cauchemars, mais dormirait elle aussi bien avec quelqu’un d’autre ? Il voulait tenter l’expérience et le cobaye parfait entra dans la salle.

— Boss, j’ai à te parler, déclara-t-il.
— Laisse le manger voyons ! l’engueula sa femme en lui frappant la cuisse.

Il s’excusa mais avait besoin de partager sa théorie avec son ami et chef, ainsi que son ami médecin de l’hôpital International. Si ses doutes s’avéraient exacts, alors une porte scellée devrait s’ouvrir sur une réflexion qu’il n’osa pas dire à haute voix.

— Cette table est bien remplie.
— Taeliya a préparé le petit déjeuner.
— Je viens de lui parler, dit Carlington en s’installant. Elle avait l’air bien plus souriante.
— Oui, bien que les garçons aient décidé de dormir dans sa chambre à moitié nue et armés, pouffa Sonia en regardant ces derniers qui blêmirent, attendant une retombée du chef qui ne vint pas.
— C’est ce qu’elle m’a dit. Jess a dormi avec elle aussi. Taeliya m’a raconté que grâce à vous elle a pu dormir paisiblement. J’ose espérer que vous n’allez pas réitérer cette expérience cette nuit.
— Euh… n-non Boss… On…
— J’ai promis à la petite que tant qu’elle y arrivait pas, je resterai avec elle, déclara Jess qui sentait déjà sa dernière heure arriver.

Stein posa son regard acéré sur le jeune homme et le vit déglutir. Un sourire carnassier releva un coin de sa bouche et il lui répondit :

— Je sais cela aussi. Taeliya a été bien bavarde avec moi ce matin. Mais je lui ai dit que je ne l’en priverai pas.

Jess se laissa aller contre son siège, poussant un long soupir de soulagement.

— Mesdames, l’heure tourne ! intervint-il en avisant sa montre.
— Oh mince ! Et dire qu’on a dit à la p’tite d’être prête dans 30 minutes.
— De ce que j’ai pu voir, elle est douchée et habillée, mais si l’une d’entre vous veut bien se rendre dans sa chambre pour l’aider à se coiffer, je vous en serai gré.
— On a beaucoup de choses à faire aujourd’hui… pensa haut et fort Sonia en faisant mine de réfléchir au planning de la journée.
— Le salon est déjà prévenu, si cela peut vous éviter de perdre un temps précieux. Vous avez rendez-vous dans une heure, annonça le chef d’assez bonne humeur.
— Oh merci Boss !

Les femmes quittèrent en trombe la pièce pour foncer droit dans leurs chambres et se préparer en quatrième vitesse sous les rires de leurs homologues masculins.

Un quart d’heure plus tard, tout le monde était réuni dans le grand hall. Taeliya attendait, assise sur un des fauteuils en velours bordeaux.

— C’est bon ! s’exclama un des hommes. On peut y aller !
— On prend plusieurs voitures, annonça Sonia avec sérieux.

Taeliya les regarda agir comme des militaires. Elle était impressionnée par la puissance et l’autorité que dégageait Sonia tout en parlant à ses troupes. Elle vit Jess et son groupe descendre à leur tour,. il adressa quelques mots à son supérieur, puis ils s’approchèrent d’elle.

— Tu es prête ? lui demanda un des hommes.
— Ou…i… murmura-t-elle.

Jess lui caressa la tête.

— Force pas sur ta voix, si ça va pas tu préviens Sonia et vous rentrez, d’accord ?

Elle hocha la tête et leur offrit à tous un sourire charmant. La voir ainsi leur donnait envie de la prendre dans leurs bras et lui dévorer les joues tant elle ressemblait à une poupée. Son regard était brillant d’un mélange d’émotions contradictoires, passant de la joie et l’excitation de pouvoir sortir et s’amuser, à de l’inquiétude et encore de la peur d’être entourée de mafieux qui à tout moment pouvaient la tuer.

— Taeliya ! l’appela la mafieuse. On y va ma belle.

Un baiser à Jess, un sourire timide au reste du groupe, puis ils la virent détaler pour rejoindre les femmes. Les hommes, quant à eux, venaient de sombrer devant ce petit bout de femme mais se reprirent : ils avaient une mission de reconnaissance importante à faire. Ils entrèrent dans les voitures qui attendaient déjà dehors et quittèrent la cour du manoir.

— Bon, le Boss a pris rendez-vous pour toi chez le coiffeur, expliqua Sonia à la jeune fille assise à l'arrière de la voiture blindée.
— Oh ? Mais je…
— Estelle nous a dit que tu avais de sacrés nœuds et vu leur longueur, un petit rafraîchissement ne leur fera pas de mal ! rétorqua une des femmes assises à côté d’elle.
— Bon, d’accord…

Taeliya n’était pas habituée. Rougissant devant l’effort du Boss pour la mettre à l’aise et prendre soin d’elle. Elle ressentait son instinct paternel. Cette idée la fit rougir et elle sentit son cœur s’emballer à cette perspective. Et si Stein Carlington avait été son père, qu’est-ce que cela aurait changé pour
elle ?

Durant tout le trajet elle tenta de s’imaginer au milieu de ce monde chaotique, enfant unique de ce chef impitoyable, puissant et sanguinaire qu’était Stein Carlington. Étrangement, cette idée lui plut beaucoup. Peut-être un peu trop, ce qui lui fit peur également.

Enfin arrivée devant le salon, elle se reprit rapidement, chassant ses réflexions saugrenues qui ne la menaient nulle part.

— Bonjour ! s’exclama un homme quand ils pénétrèrent dans le magasin. Oh, euh… c-c’est pour…quoi ?

Le pauvre homme venait de reconnaître Sonia et le regard violent qu’elle prenait quand elle était en dehors du manoir.

— C’est pour moi ! s’exclama la voix un peu brouillée de la jeune fille qui leva la main, tentant de se faire une place entre ses gardes du corps improvisés.
.— Euh…

Il la regarda bizarrement, mais ne voulut pas s’attirer les foudres du groupe qui venait d’investir son magasin.

— Monsieur Carlington a pris un rendez-vous pour elle, dit Sonia.
— Oh ! s’écria alors une femme plus loin, horrifiée par le manque de réaction de son collègue. Pousse-toi, va finir ton client. Bonjour, Monsieur a demandé à ce que la Demoiselle soit servit par une femme. Venez jeune fille.
— Merci Madame, s’inclina poliment Taeliya en lui souriant gentiment.

Elle voyait bien que la pauvre femme était terrifiée et ne voulait pas offenser le grand patron qui pouvait, à tout moment, entendre parler de leur passage et mettre fin à sa vie. Elle amena Taeliya au bac et proposa au groupe de s’installer sur les sièges à côté de la petite qui ne se sentait pas à l’aise du tout.

Pauvre petite…

Sonia lui prit son manteau et la femme put voir qu’une certaine tendresse régnait entre ces mafieuses et la petite. Elle lui appliqua une protection sur ses vêtements, une serviette à l’arrière de la nuque puis l’aida à se placer. En bonne professionnelle, la femme alluma l’eau et demanda la température à la petite qui lui répondit qu’elle pouvait y aller sans se brûler elle-même. La femme sourit et entama alors un grand soin pour ses pauvres cheveux très abîmés.

— Tu as l’air d’apprécier ça, fit une des femmes en souriant à la jeune fille qui gloussa.
— Maman me le faisait, mais elle n’a pas le même don que vous Madame.
— Je suis flattée. Au fait, tu peux me tutoyer, je m’appelle Alya.
— Enchantée, moi c’est Taeliya.
— Oh nos noms sont presque identiques !

Cette réflexion fit rire la jeune fille qui se détendit de plus en plus. Après deux bonnes heures de travail, la femme annonça enfin avoir fini. Elle attrapa un miroir et présenta la coupe à la petite qui applaudit de joie.

-— Merci Alya ! C’est magnifique !
— Ils avaient grand besoin de soin. Je vais te fournir ce dont tu auras besoin pour les entretenir et prendre un prochain rendez-vous pour quelques retouches.
— D’accord.

Taeliya se releva, on lui retira la protection et l’aida à remettre son manteau. Les femmes prirent plein de photos d’elle sous tous les angles possibles. Alya eu même droit à poser avec elles, ce qui la terrorisa mais si la petite n’avait rien à redire sur son travail et le traitement qu’elle avait reçu, alors elle pouvait espérer ne pas avoir de visite dans son lit pour y voir la fin de ses jours.

— Est-ce que Taeliya peut repasser dans un mois ? demanda-t-elle en consultant son agenda.
— Est-il possible d’avoir le rendez-vous un samedi ? demanda Sonia en sortant son téléphone pour le prendre en note.
— Oh oui, attendez que je vérifie… Oui, c’est bon pour moi. Cette date vous conviendrait ?
— Parfait.
— L’heure d’aujourd’hui vous convient ?
— Excellent.
— Alors c’est parfait !

Les deux femmes notèrent la date et l’heure puis Alya attrapa un sac pour y mettre les produits énoncés plus tôt. Elle nota l’utilisation de chacun d’eux ainsi que l’ordre dans lequel elle devrait les appliquer. Sonia paya et après avoir été chaleureusement saluée par Taeliya, le groupe quitta les lieux.

Alya se laissa tomber sur un fauteuil, le cœur battant à font.

— Alya ?
— Tu auras pu nous faire tuer… Un peu plus et Carlington nous serait tombé dessus pour avoir manqué de respect à la petite ! lui dit-elle.
— Mais je savais pas moi !
— Elle a quand même dit le nom du patron, osa lui dire une cliente.
— Je suis désolée Madame, fit Alya en reprenant ses esprits. Bon, à nous !

Alors qu’ils se trouvaient dans la voiture, direction le centre commercial où ils devaient retrouver Jess et son groupe, Taeliya sentit une chaleur enfler ses joues.

— Ça va pas ?
— S…Si, c’est juste que j’ai pas l’habitude.
— T’en fais pas, lui dit l’homme au volant. Tu vas devoir t’habituer à devenir la Princesse du clan.
— Je n’oublie pas quel rôle je dois jouer en contrepartie de tout ça.
— C’est vrai, mais je n’ai pas de doutes sur le fait que tu te feras à nous.
— Merci. C’est fou que, en même pas trois jours, je me sente mieux ici que dans ma famille… Pas à cause de ce luxe, mais… je ne sais pas. J'ai un ressenti étrange qui me dit que je suis chez moi.

Les deux femmes assises à côté d’elle la prirent dans leurs bras en pleurant qu’elle était beaucoup trop mignonne, faisant rire Sonia et leur chauffeur. La jeune fille était contente de son début de journée et quand ils entrèrent dans le complexe elle fut émerveillée. Combien de fois avait-elle rêvée de venir dans un endroit comme celui qu’on exposait à la télé au moment de Noël, quand les journalistes présentaient les vitrines décorées pour les fêtes de fin d’année ? Elle avait l’air d’une petite fille de quatre ans fascinée par les gens qui peuplaient le grand complexe, marchant rapidement, flânant à travers les couloirs où se trouvaient toutes les diverses vitrines. Des petites terrasses étaient remplies de clients buvant des boissons ou dégustant des petites douceurs, tout en bavardant ou lisant un livre. Elle était époustouflée par tout ce qu’elle voyait, et le groupe l’observa.

— Tu n’étais jamais venu ?
— Non, je sortais très peu, mes parents ne voulaient pas que je m’éloigne trop de la maison, je faisais : maison-école, école-petit boulot et petit boulot-maison, expliqua-t-elle le regard brillant.

Sonia retint de justesse une insulte, mais son regard furieux traduisait à lui seul tout ce qui lui passait par la tête à ce moment-là.

— Oh, tiens ! Regarde Jess et les garçons sont là ! indiqua une des femmes pour faire diversion.

Taeliya tourna la tête et aperçut son ami accompagnant le groupe d’hommes avec lequel il était parti. Elle lui fit de grands signes auxquels il répondit. Elle se précipita vers lui, surprenant tout le monde, et courant vers le jeune homme qui la rattrapa au vol.

— Hey Princesse ! Tu devrais pas courir comme ça. Tu peux te faire très mal.
— Tu as vu ? demanda-t-elle en faisant virevolter ses cheveux fraîchement coiffés et soignés.
— Ouah tu es sublime ! s’exclama un des hommes en touchant sa tête.
— La coiffeuse t’as pas raté, t’es une vraie Princesse avec une chevelure brillante, confirma Jess.
— Alya a été super gentille avec moi, pourtant c’était pas gagné.
— Ah oui ? s’exclama le chef du groupe tandis que Jess portait toujours Taeliya dans ses bras.
— On va dire que Sonia ne donnait pas très envie de s’approcher et que l’homme qui nous a accueilli avait eu un certain temps de compréhension avant qu’Alya ne vienne en entendant que Monsieur Carlington avait pris rendez-vous pour moi.
— Il n’a pas été méchant j'espère ?
— Non, juste qu’il a dû avoir un sacré bug dans sa tête, car il a pas bougé durant quelques secondes.

Taeliya pouffa en se rappelant des réactions dans le salon puis le soin agréable que lui avait appliqué Alya. Le groupe qui l’accompagnait s’approcha et ils discutèrent vaguement de ce qu’il c’était passé. Jess déposa Taeliya sur le sol mais glissa sa main dans la sienne, la gardant près de lui.

Ils arrivèrent à une petite terrasse avec assez de place pour eux et ils commandèrent à manger et à boire. Mais devant la tête que faisait la jeune fille, Jess lui proposa de prendre quelque chose en lui expliquant ce qu’il y avait dedans. Elle accepta timidement et quand la commande fut devant elle, l’odeur l’attira immédiatement. Elle observa tout le monde pour les imiter et dégusta son sandwich. Le petit cri qu’elle poussa les fit sursauter puis pouffer quand ils découvrirent son visage coloré et les yeux agrandis d’émerveillement.

Elle était véritablement une enfant privée de beaucoup de choses et qui s’ouvrait enfin à la vie. Elle s’émerveillait de tout ce qu’il y avait autour d’elle, bravait ses douleurs et trompait sa solitude pour ne pas se laisser sombrer. Mais en leur présence, les sourires, les expressions et les rires ne pouvaient pas être plus vrais. Après leur repas, Hélène les rejoignit devant une boutique de sous-vêtements. Les femmes y entrèrent avec la jeune fille durant une bonne trentaine de minutes, laissant les hommes à l’extérieur. Elles lui firent essayer beaucoup d’ensembles avant de repartir avec une quinzaine d’entre eux, tous de couleurs pâles que la jeune fille avait trouvé très beaux. Jess la trouva encore plus timide mais à son aise avec les femmes. Hélène lui confia qu’elle avait eu beaucoup de mal à les arrêter de vouloir lui proposer des modèles, même les plus osés. Elles avaient réussi à lui dénicher quatre maillots de bain également que Taeliya avait elle-même choisi.

Puis ce fut Hélène que le groupe perdit quand elle entra avec Taeliya dans un magasin d’ados où tout y était coloré. Mais prise de panique, la jeune fille avait fui le magasin pour se planquer derrière Jess. Elle tremblait d’être si proche d’autant de monde qui la dévisageait si bizarrement.

Hélène ressortie peu après elle, dépitée.

— Je suis désolée… bredouilla la jeune fille accrochée à son ami comme si, grâce à lui, elle pouvait se créer un bouclier repoussant ses peurs.
— Ne t’inquiète pas ma belle, lui répondit Hélène en lui offrant un sourire un peu contrit. Bon, trouvons un autre endroit pour te refaire une garde-robe.
— Oh vous savez, rétorqua la jeune fille mal à l’aise, ce n’est pas obligé. J’ai ce qu’il faut dans mon
sac ! Sonia m’a laissé assez de temps pour prendre tout ce qui se trouvait dans ma penderie avant de partir.
— Tstststs… la coupa Hélène. Le Boss m’a demandé de t’aider à te confectionner une garde-robe alors je vais faire ce qui a été demandé. Bon ce magasin est assez fantasque, donc changeons, hm…
— Hélène, l’interpella une des femmes en pointant un magasin derrière elle.
— Oh ! Merci Kal' ! C’est exactement ce qu’il nous faut ! Allez et puis ces messieurs pourront nous donner leur avis sur ce qu’on y trouvera, il y a une salle VIP dans ce magasin !

Heureuse de son choix, Hélène prit les devant, attrapant le poignet de Taeliya qui sentit un vent de panique s’emparer d’elle.

— Hélène, vas-y mollo avec la petite ! intervint Sonia.

La femme tourna la tête vers eux, puis baissa son regard sur sa poigne entourant la jeune fille qui visiblement était effrayée par sa soudaine violence.

— Oh pardon ma belle, parfois je ne me maîtrise pas quand il s’agit de faire du shopping ! s’excusa la femme en radoucissant sa prise sur elle.

Ils entrèrent dans le magasin et elle demanda à être dirigée dans la salle VIP, leur montrant une carte dorée qu’elle sortit de son petit sac à main. La femme venu les accueillir, les précéda vers une salle spacieuse et tamisée donnant un aspect plus intimiste.

— Nous voulons trouver de quoi habiller cette jeune fille, mais ses mesures risquent de changer, vous est-il possible de nous aider ?
— Oh bien sûr, nous allons devoir prendre vos mesures Mademoiselle., vous voulez bien nous suivre, s’il vous
plaît ?
— Euh… Ou-Oui…

Intimidée et peu rassurée, elle suivit tout de même la femme derrière un paravent occultant qui lui intima de se mettre en sous vêtements afin qu’elle puisse prendre ses mesures. Taeliya prit sur elle et ravala ses larmes afin de ne pas passer pour une pleurnicheuse. La femme était très professionnelle,. même si la maigreur de Taeliya semblait l’inquiéter, elle ne laissa rien paraître et nota les mesures sur une feuille. Elle lui fit enfiler un peignoir en soie beige et l’autorisa à retourner s’installer auprès du groupe.

Jess lui sourit, son cœur battait comme un fou, mais le regard brillant de larmes lui fit comprendre qu’elle n’était ni habituée, ni à l’aise. Une question lui trotta dans la tête : subissait-elle des
brimades ? L’avait-on déjà humiliée au point qu’elle finisse aussi timide et apeurée du monde qui l’entourait ? Que s’était-il passé dans sa vie pour qu’elle soit à ce point en panique ? Il se dit qu’il en parlerait au Boss et irait enquêter à ce propos.

— Bon ! fit la femme en revenant, nous avons une collection pour cette jeune fille qui est assez sobre mais qui pourrait lui convenir.
— Allez-y.

Deux femmes poussèrent des portants remplis de vêtements susceptibles de donner une allure plus adulte à la jeune fille de dix-neuf ans. Hélène se leva et alla inspecter chacun des vêtements, imitée par quelques-unes des mafieuses, à la recherche de la perle rare. Taeliya n’avait pas bougé, assise entre Sonia et Jess. elle avait envie de s’enfuir en leur hurlant qu’elle n’avait pas besoin de tout ça et qu’elle n’avait pas les moyens de les rembourser, jusqu’à ce que Sonia lui murmure quelque chose à l’oreille :

— Le Boss paye pour tout ça. Tu auras tout remboursé le week-end prochain. Tranquillise-toi ma belle, on est avec toi.
— Je…
— Accepte, ne va pas l’énerver. Il a beaucoup d’estime pour toi, ne le déçois pas.

Taeliya ferma les yeux et se dit qu’elle avait raison, le patron lui avait témoigné un certain égard et ne l’avait pas jugé. Pire, il l’avait sauvé plus d’une fois de situations blessantes. Alors, elle prit une grande inspiration, expira lentement, rouvrit les yeux et décida de prendre les choses en mains. Elle se leva pour rejoindre les femmes qui étudiaient la fameuse collection. Mais au lieu de faire comme elles,
Taeliya s’adressa directement à la vendeuse en lui expliquant le style qu’elle portait habituellement et les couleurs qu’elle préférait. Puis la femme l’accompagna à l’étage inférieur toujours en peignoir, ce qui la fit rougir, mais ne la détourna pas de son objectif. La vendeuse lui indiqua alors une autre collection ainsi que quelques pièces d’une ancienne qui venait de se finir. Quelques invendus lui firent de l’œil, les faisant remonter rapidement pour tout lui faire essayer.

La vendeuse l’aida à assembler les pièces puis à ajuster les tailles. Elle se montra à chaque fois au groupe qui en resta bouche bée. Chacun donna son avis, mais dans l’ensemble, Taeliya imposait un style qui lui convenait bien mieux et la vendeuse ne pouvait que lui donner raison. Après une grosse demi-heure d’essayages, ils quittèrent les lieux, les bras chargés de sacs.

— Merci beaucoup, fit la jeune fille.
— N’hésitez pas à revenir, nous recevons souvent de nouveaux articles.
— Je n’hésiterai pas, merci.

Dernière destination avant de rentrer ? Le magasin de meubles et décorations. Taeliya se sentit plus sereine et une certaine émotion lui étreignit le cœur, donnant un nouveau souffle à son corps qui n’était pas habitué à tout ça. Elle était seule dans son esprit, mais maîtresse
d’elle-même. Hélène avait validé tous ses achats et était même fière des décisions qu’elle avait pu prendre. Mais Taeliya sentait un peu d’irritation de sa part de n’avoir pu imposer ses idées. Toutefois, elle ne voulait pas décevoir Monsieur Carlington. Sonia avait raison, elle ne devait pas faire la difficile, il fallait qu’elle voie plus loin et qu’elle s’affirme pour lui éviter des humiliations. Elle savait que le chemin était difficile, mais elle sentait près d’elle les présences de Jess, Sonia et des autres qui l'avaient prise en affection et ne faussaient pas leurs expressions devant elle.

Ces mains sanglantes étaient aussi douces que violentes, mais pour elle, ces mains là étaient son filet de sécurité. Elle ne pouvait que se raccrocher à elles et leur faire confiance pour avancer pas à pas.

***

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Samarra Okayo ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0