Chapitre 5

16 minutes de lecture

À peine arrivée à l’hôpital que Taeliya sut qu’elle n’allait pas passer une très bonne journée.

Joe lui avait certifié que tout irait bien, mais son intuition lui disait totalement le contraire. Jusqu’à présent il ne lui avait jamais fait faux bond et elle s’accrochait désespérément à celui-ci comme à une protection. Et quand vers midi ils firent une pause, les résultats n’étaient tout simplement pas bons. Non, rien n’allait et les deux médecins affichaient une mine déconfite. Sa maladie n’avait jamais été réellement traitée et c’était un miracle qu’elle soit encore en vie.

Sa condition n’était pas la meilleure et le traitement qu’elle prenait depuis dix-huit ans n’était tout simplement qu’un leurre qui n’avait fait que la maintenir en vie sans pour autant traiter le fond du problème. Horrifiée, Taeliya prit un temps pour se poser, le besoin d’air était urgent, elle demanda à sortir.

Joe, accompagné de Laurent, la fit sortir le temps qu’elle reprenne pied. Les sanglots éclatèrent une fois qu’elle se trouva dans le grand jardin, à l’arrière de l’hôpital. Elle avait été trompée ! Depuis le début, et tout ça pour quoi ? Ses parents avaient-ils été aussi cruels au point de la mettre volontairement en danger ? Son frère avait-il participé à cette mise à mort ? Quel en était le motif ? Bien sûr elle ne le saurait jamais maintenant qu’ils étaient partis et qu’elle se retrouvait toute seule…

Une main se posa sur sa tête, une chaleur se répandit dans tout son corps. Elle releva le regard et vit le visage souriant de Joe qui cherchait à apaiser son cœur meurtri.

— Vous allez lui dire, n’est-ce pas ?

— Il le faut.

— Je suis désolée pour tout ça…

— Pourquoi tu t’excuses ?

— Je… Je sais pas… je sais plus… Je suis perdue, je…

Joe s’accroupit face à elle et lui prit les mains dans les siennes.

— Tout va bien. Heureusement que dans ce malheur tu as croisé notre route. Maintenant on va s’occuper de toi et tu verras, tu iras mieux. Fais-moi confiance, d’accord ?

Elle hocha la tête, en reniflant. Joe lui caressa la tête et décida qu’il fallait y retourner pour qu’elle puisse retrouver son lit et s’y reposer avant qu’ils ne rentrent au manoir dans la soirée.

De retour à l’intérieur, Taeliya aperçut le médecin initialement chargé de son traitement. Heureusement pour elle, ils étaient assez loin pour qu’il ne la voie.

— Ça va pas ?

— Je… viens de voir le médecin qui s’était occupé de moi.

— Où ça ?

Taeliya fit un geste vague du menton. Joe avait déjà eu affaire à lui pour en savoir plus sur son état de santé et le traitement qui lui avait été administré. Il releva la tête, fronça les sourcils quand il le remarqua à son tour.

— Est-ce qu’il sait ? demanda la jeune fille inquiète.

— Oui, c’est même lui qui a suggéré à ta famille ce traitement et de faire un emprunt auprès du patron.

Taeliya frissonna. Un grand frisson glacial lui remonta le long de la colonne vertébrale, lui donnant des nausées qu’elle eut du mal à repousser. S’il le savait… si c’était lui qui leur avait suggéré tout ça… quel était son motif ? Pourquoi attenter à une vie alors qu’il était censé protéger et soigner les souffrants ? Il y avait quelque chose de louche là-dedans. Même si sa famille s’était laissée bernée par cet homme, la raison lui échappait encore. Aucun médecin digne de ce nom n’aurait suggéré une alternative pareille, sauf si la famille n’avait déjà pas de quoi payer le traitement médical assez lourd de leur enfant…

Taeliya se dit qu’il y avait quelque chose d’étrange et qu’elle devrait faire des recherches, mais avec quels moyens ? Elle attendrait d’avoir de quoi payer, si elle se constitue un compte en banque assez rempli, elle pourrait alors faire les recherches adéquates. Mais Carlington la laisserait-il faire ? Elle garda tout ça dans un coin de son esprit tout en se rappelant bien que maintenant, elle était la pupille d’un meurtrier, doublé du parrain de la mafia la plus dangereuse du pays.

Quand ils rentrèrent enfin à l’hôtel, ils furent accueillis par Jess ainsi que deux autres hommes en noirs. Taeliya n’avait pas oublié ce que le jeune homme avait fait pour elle et comment elle avait réussi à survivre cette nuit-là. Elle lui adressa alors un petit sourire qu’il lui rendit non sans être surpris.

— Alors Princesse ? lui lança-t-il. On reconnaît son coussin ?

— Je suis désolée… bredouilla-t-elle en rougissant, la tête baissée.

— Hé, t’en fais pas. S’il faut je le joue indéfiniment ! Je suis complètement partant !

Taeliya releva la tête, riant face à l’air conquérant du jeune homme qui bombait le torse. Ses collègues soupirèrent, mais elle sentait comme une forme de connexion avec eux et cet étrange lien la rassurait.

— Il paraît qu’on va rentrer au manoir ce soir ? s’exclama l’un des hommes à Joe.

— Tu vas enfin pouvoir voir ta chambre, tu verras tu t’y sentiras bien ! s’exclama un autre à l’intention de la jeune fille soudainement curieuse.

— Est-ce qu’elle est déjà décorée ? Ou vous pensez que Monsieur Carlington acceptera que je le fasse moi-même ? les interrogea-t-elle timidement.

— Je pense qu’il se fera un plaisir de vous laisser la décorer vous-même jeune fille ! retentit une voix tout près d’eux.

Les hommes s’écartèrent pour s’incliner devant leur patron qui sortait d’une berline noire garée à leur gauche.

— Boss, le salua Joe.

— Monsieur Carlington, fit la jeune fille à son tour avec respect.

— Ma douce Taeliya, j’espère que votre nuit a été bonne ?

— En partie grâce à Jess, Monsieur.

— C’est ce que j’ai compris, oui. J’aurai deux mots à vous dire concernant votre retour à la fac. Puis-je ?

— Oh oui, bien sûr ! s’exclama-t-elle.

— Jess, veux-tu bien rejoindre Hélène dans la chambre de Mademoiselle pour préparer ses affaires ?

Le jeune homme s’inclina et disparut aussitôt. Joe poussa le fauteuil, traversant le grand hall sous les regards surpris et curieux voire haineux, des clients et employés qui les toisaient alors qu’ils se dirigeaient vers l’ascenseur.

Une fois installés dans le bureau du mafieux, celui-ci put enfin respirer et se laisser tomber gracieusement dans son canapé en cuir.

— Tu as le dossier ?

— Oui. Taeliya a aussi reconnu son ancien médecin aussi. Je ne sais pas ce qu’il y faisait, mais je pense qu’on devrait le garder à l’œil, répondit Joe en tendant un lourd dossier à son chef.

Ce dernier l’ouvrit et le consulta rapidement,. mais déjà, les premières informations lui firent froncer les sourcils. Il referma ce dernier et le posa à côté de lui, faisant mine de ne pas y être intéressé. Son regard se posa sur Joe et tous deux n’eurent pas besoin de se parler pour comprendre qu’ils auraient une longue conversation plus tard et que celle-ci ne serait pas du tout agréable. Puis il reporta son attention sur la jeune fille qui triturait le plaid posé sur ses genoux. Elle n’était pas à son aise en sa présence mais ne semblait plus avoir aussi peur que la veille. Ce changement beaucoup trop rapide était surprenant mais l’intriguait surtout. Qui pouvait se sentir bien en présence de gens comme lui ? Personne, hormis elle visiblement.

— Ma chère, il me semble que vous avez quelques questions à me soumettre ?

— Euh… Oui. Joe a dit que vous rentriez ce soir chez vous et que j’y avais une chambre.

— Vous souhaitez savoir si vous pouvez la décorer ?

Taeliya baissa la tête honteuse de faire une demande pouvant paraître égoïste. Aussi s’avisa-t-elle de se taire, plus par peur de passer pour une personne vaniteuse que pour ce qu’elle était réellement. Le regard persan de Carlington pesa sur elle au point qu’elle ferma très fort les yeux, priant pour qu’il arrête de la regarder comme s’il cherchait à lire en elle.

Soudain, le mafieux frappa dans ses mains et s’exclama :

— Ma chère, inutile de vous sentir honteuse ! Cette chambre est à vous. Vous pouvez en faire ce que bon vous semble. Vous irez avec Sonia et quelques hommes pour faire des achats et… je pense
qu’Hélène ne sera pas de trop pour vous refaire une garde-robe digne d’une jeune fille de vôtre âge.

Horrifiée, Taeliya écarquilla les yeux.

— Oh non, je…

Il la fit taire d’un geste de la main, imposant ainsi son pouvoir sur elle. Il avait décidé qu’il en serait ainsi et ne voulait pas revenir dessus. De plus, il se gardait de lui offrir ce tableau qu’il avait réussi à acheter. Il sentait encore le plaisir immense qu’il avait ressenti quand son secrétaire lui avait annoncé qu’il avait remporté les enchères. Il n’avait jamais ressenti un bonheur aussi intense qu’à cet instant. Son cœur s’était serré puis avait explosé dans sa poitrine tel un feu d’artifice. Puis une fois en sa possession, il avait ressenti le besoin de voir la joie, la stupéfaction et un sourire sur le visage de la douce jeune fille. Oui, il voulait lui faire plaisir et cette sensation nouvelle ne lui était pas désagréable. Mais jusqu’où cela le mènerait-il ?

— Quand Jess et Sonia auront fini avec vos affaires, nous pourrons partir et vous laisser vous faire une idée sur votre chambre, dit-il en souriant.

Taeliya sentit un long frisson remonter le long de sa colonne. Pas un frisson de peur mais d’appréhension. Elle redoutait de découvrir l’antre de cette famille sanglante qui pourtant avait été si gentille avec elle depuis son arrivée. Le regard qu’elle partagea avec le mafieux ne l’effraya pas, mais lui fît comprendre que ce dernier n’était pas d'accord avec l’opinion qu’elle avait d’elle même.

— L’Université a été prévenue de votre retour en classe pour la semaine prochaine. Ce qui veut dire que vous avez tout un week-end ainsi qu’aujourd’hui pour vous préparer à y retourner. Lundi, Sonia et Jess vous accompagneront et ils reviendront vous chercher,. mais sachez qu’en cas de soucis, vous ne serez jamais seule.

Le ton qu’il venait d’employer lui fit penser à un père inquiet, soucieux du bien être de sa fille. Elle se mit à rougir et battit des cils afin de chasser les larmes qui lui montaient aux yeux.

— Je vous en remercie, Monsieur Carlington, dit-elle en hochant la tête pour lui montrer sa reconnaissance.

— Mais de rien.

Ils discutèrent encore quelques minutes de choses et d’autres jusqu’à ce que Sonia toque.

— Ses affaires sont prêtes.

— Et on a trouvé une petite souris au passage, intervint Jess en poussant une femme habillée en tenue d’employé de l’hôtel.

— Oh ? Et que faisait cette petite souris dans la chambre de Mademoiselle ? s’enquit Stein dont la colère commençait à s’échapper par tous ses pores et l’entourer d’une aura sombre.

— Elle tenait ça dans ses mains.

Jess tendit un cadre en bois sali où se trouvait la photo de famille de Taeliya. Pourquoi avoir voulu lui voler ce bien-là ?

— Ah et ça aussi.

Il sortit la robe qu’elle avait porté durant la soirée de la veille, puis quelques autres choses, faisant sursauter la femme à genoux devant le grand patron. Son visage fermé ne laissait rien entrevoir hormis la fureur qui soufflait sur la pièce un froid meurtrier qui glaça le sang de la jeune fille. Plus Jess sortait des affaires, plus elle se demandait pourquoi ?

— Pourquoi me voler tout ça ? demanda-t-elle sans se rendre compte qu’elle venait de le dire tout haut.

La femme à genoux se tourna vers elle pour lui adresser un regard méprisant qui la surpris.

— J’ai offensé quelqu’un ? demanda-t-elle à nouveau. Si c’est le cas, je suis désolée…

— Ouais, c’est ça… Une esclave vendue pour de l’argent qui devient pupille du grand patron et tu te demandes encore qui tu as « offensé » ? ricana la femme.

Sonnée, Taeliya se tut, préférant garder la tête baissée. Ce geste ne passa pas inaperçu et l’attitude de la femme encore moins. Aux yeux de Stein Carlington, Taeliya avait quelque chose de spécial qu’il ne savait définir et sentir sa tristesse lui perçait le cœur au point d’éveiller en lui une fureur sans précédent. Il se leva et attrapa la femme par la gorge, la soulevant du sol. Cette dernière blêmit, cherchant à se débattre tant il avait une poigne de fer. Son regard était assombri par la colère et la femme sentit ses derniers instants arriver jusqu’à ce qu’une petite voix ne lui sauve la mise et qu’elle rencontre durement le sol. Elle toussa plusieurs fois pour retrouver de l’air, se massant la gorge pour détendre ses muscles.

— Ne faites pas ça… je vous en supplie, l'implora Taeliya qui venait de tomber du fauteuil, à genoux devant lui pour épargner la vie de la voleuse malgré son manque de respect.

— Taeliya… murmura-t-il.

Il s’accroupit, passa un bras sous ses genoux et l’autre derrière son dos pour la soulever dans ses bras, telle une princesse, et la reposer dans son fauteuil sous les regards ahuris de ses hommes restés silencieux tout du long. Il posa un genou devant elle et inclina son corps jusqu’à déposer un baiser furtif sur son front.

— Tu as de la chance, gronda-t-il. Cette « esclave » t’as sauvé la vie.

— Hmpff… Elle… n’a sauvé que sa peau…

— Et tu oses encore me défier ?

— Tout le monde en parle ! s’écria-t-elle. Cette fille est une vendue ! Une pute abandonnée par sa famille pour éponger leurs dettes !

Cette fois-ci, Taeliya ne put rien faire.

Le cadavre de la femme tomba sur le tapis sombre, le regard écarquillé de surprise, un trou en plein milieu de son front à travers lequel on pouvait voir l’intérieur comme de l’autre côté. La jeune fille tourna la tête pour ne pas regarder, mais c’était trop tard. Le traumatisme avait déjà pris place dans son esprit. Elle n’arriverait plus à effacer de sa mémoire cette femme haineuse et jalouse morte d’un tir en pleins milieu de la tête.

— Convoquez tout le personnel et prévenez les clients qu’ils seront indisponibles durant quelques minutes. Descendons aux cuisines.

Sur ces mots, ils quittèrent la pièce, Jess et un des hommes tirèrent le cadavre derrière eux.

Ils étaient tous là.

Tout le monde : hommes de mains, cuisiniers et commis, serveurs, serveuses, personnel d’entretien et agents d’accueil comme la sécurité. Les vendeurs et vendeuses également ainsi que d’autres employés de l’hôtel. Ils s’étaient réunis dans la grande cuisine où il faisait froid.

Tous les regards convergèrent vers Taeliya qui gardait la tête baissée, les mains posées sur ses genoux, le regard triste, quelques larmes avaient glissé sur ses joues et l’on pouvait en voir le tracé. Des murmures curieux agitaient les employés qui ne comprenaient pas ce qu’ils faisaient là, jusqu’à ce que d’un mouvement de tête, Stein ordonne à Jess de leur montrer.

Le jeune homme balança le cadavre afin de leur exposer ce qui les attendait dans les minutes à venir.

Des cris horrifiés retentirent dans les rangs. Seuls les hommes de mains restaient silencieux, osant questionner du regard le jeune homme furieux.

— Cette femme a été prise en train de voler des affaires dans la chambre de Taeliya ! annonça Stein d’une voix grave et menaçante. Avant de recevoir ce petit cadeau de ma part, elle nous a appris quelque chose d’intéressant.

Les murmures continuèrent mais cette fois-ci ils étaient plus inquiets.

— Alors comme ça, Taeliya est une « pute vendue par sa famille pour devenir mon esclave afin d’éponger des dettes » ? répéta-t-il.

Le sang se glaça.

Oh oui, du monde allait avoir ce même « cadeau ». Et il ne les rata pas. D’un geste de la tête, il ordonna que ces personnes soient amenées devant lui afin d’en savoir plus. Des femmes, quelques hommes.

Au total : une trentaine de personnes à genoux.

— Ce que je ne comprends pas, fit-il en sortant son pistolet, vérifiant le chargeur et armant ce dernier. C’est, pourquoi vous faut-il parler ? Quand je vous ai engagé, ce n’était pas pour répandre des rumeurs à propos de choses qui ne vous concernaient pas.

— Monsieur ! s’exclama une femme au corps plantureux. Du jour au lendemain, cette petite biche arrive et tout le monde est à ses pi…eds…

Le tir partit d’un coup, les faisant sursauter.

— Pitié, murmura Taeliya, mais à peine prononça-t-elle cette phrase qu’une autre décida de l’accuser de profiter de ses atouts inexistants pour rentrer dans le clan et les utiliser à sa guise.

Était-ce un cauchemar ? Forcément que oui… Elle allait se réveiller et tout serait comme avant. Aussi ferma-t-elle fort les yeux, mais en les ouvrant, elle ne trouva que des cadavres qui s’amoncelaient sur le sol de la cuisine. Ses larmes coulèrent silencieusement. Jess sentit son instinct protecteur prendre le dessus et il lui posa sa main sur les yeux, lui intimant de faire abstraction de tout. Elle s’accrocha alors à son bras comme à une bouée lancée en pleine mer agitée qui menaçait de l’engloutir à la moindre vague. Les coups s’abattirent à chaque mot prononcé. Chaque son devenait le tombeau de celui ou celle qui le prononçait. Stein n’avait aucune pitié.

Son regard vide faisait trembler chaque employé qui priait pour sa survie. Quand les coups cessèrent, Jess garda sa main sur les yeux de la jeune fille, se refusant à la laisser voir ce qu’il y avait maintenant devant eux. Un tas de cadavres aux regards horrifiés, la bouche distordue en une expression figée dont personne ne pouvait entendre la réplique mais au silence assourdissant.

— Si quelqu’un veut se lancer dans une bravade, je vous en prie, j’ai encore un chargeur plein ! s’exclama le patron en chargeant ce dernier dans son flingue.

Chaque bruit était plus morbide que le précédent et sonnait comme le clairon de la mort. Un homme leva la main.

— Tu es candidat à la mort ?

— Non Patron ! s’écria ce dernier horrifié. Je… Je voudrais dire quelque chose.

Taeliya repoussa doucement la main de Jess qui la regarda peu confiant. Elle lui sourit timidement et fixa l’homme en question qui la détaillait avec appréhension. Ce qu’il s’apprêtait à dire allait peut-être lui coûter la vie, mais peut-être que dans son geste, la jeune fille réussirait à le sauver de la mort qui semblait l’attendre.

— Parle ! ordonna durement Stein, sentant sa patience s’évanouir comme les cendres sous le vent.

— Je… Votre nom de famille est bien Gordon, Mademoiselle ?

— Oui.

— Je… connaissais votre père.

Surprise, Taeliya garda le silence, les sourcils froncés.

— Est-ce que le fait que vous le connaissiez a un rapport avec tout ça ? demanda Stein.

— Je pense oui…

— Vous pensez ?

— Son père… Paix à son âme… travaillait ici à une époque jusqu’à ce qu’il se mette à dealer au sein de l’hôtel prétextant que c’était pour soigner sa fille gravement malade.

Taeliya ouvrit les yeux en grand. La surprise était immense, mais elle ne décela aucun mensonge. Plus elle le regardait et étudiait son attitude, plus elle pouvait percevoir en lui la vérité.

Stein arma à nouveau son pistolet et le pointa sur l’homme, mais la jeune fille s’exclama :

— Attendez !

Stein se tourna vers elle et baissa l’arme face à cette petite complètement détruite.

— Continuez… Je veux savoir, même si ça doit me faire mal.

— Je suis sincèrement désolé Mademoiselle, fit l’homme en inclinant la tête. Votre père était connu de nous tous mais du jour au lendemain il s’est mis à nous arnaquer de l’argent pour vos soins qui, d’après lui, coûtaient très cher.

— Pour le coup il avait raison.

— Sauf que l’argent qu’il nous a escroqué n’a jamais servi pour vos soins.

— Comment ça ?

— Il… Je… Je suis désolé, mais cette information est dure à dire et j’ai peur que Mademoiselle ne le supporte pas.

Soudain, la jeune fille poussa un cri horrifié. Elle comprit alors ce que ce dernier voulait dire sans le faire. Tout faisait sens.

— J'ai été vendue mais pas pour les dettes… dit-elle d’une voix blanche.

— Non. Et il s’en est vanté auprès de tout le monde jusqu’à ce que le patron lui tombe dessus pour demander des comptes.

— Je crois que je connais la suite.

Stein n’en revenait pas. Voilà donc la raison : ils l’avaient prostitué sans qu’elle ne soit au courant, juste en la photographiant et en demandant des dons à des pervers sans scrupules.

— Je… Je crois que je vais vomir… annonça-t-elle soudainement.

L’homme se précipita vers un évier pour tirer une bassine qui se trouvait en dessous, on lui apporta un verre d’eau ainsi que de quoi lui éponger le visage.

— Je suis désolée… sincèrement désolée… gémit-elle avant de dégobiller le peu qu’elle avait pu ingurgiter à l’hôpital.

— Je ne te tuerais pas, annonça finalement Stein, rangeant son arme dans son holster. Combien a-t-il escroqué ?

— Près de 80 000 $

Taeliya cru qu’elle allait s’évanouir, mais réussit à rire.

— Ma vie valait 80 000 $…

Son rire nerveux leur fit de la peine et chacun regretta amèrement ce qu’il s’était passé depuis son arrivée la veille ainsi que l’accueil qu’ils lui avaient réservé. Cette petite n’était même pas au courant de ce que sa famille avait fait et se tenait tout de même là, malade mais droite et combative. Mais voilà que, parce que des âmes jalouses ou haineuses avaient osé braver la mort pour lui demander des comptes. Carlington les avaient exécuté. Taeliya avait sauvé une vie mais à quel prix ? La sienne était ruinée, et pour toujours.

Jess s’approcha du patron et lui murmura quelque chose. Ce dernier hocha la tête.

— Toi, dans mon bureau. Que tout le monde soit prêt ! Je veux savoir combien vous avez donné et soyez rassurés, vous récupérerez votre argent. Mais le premier qui tente de me mentir finira comme eux ainsi que sa famille. Sonia, raccompagne Taeliya en haut, nous partons dans une heure.

— Bien Boss. Allez ma belle, en route.

Taeliya tourna la tête vers l’homme, s’inclina pour le remercier. il lui rendit son geste, non sans ressentir beaucoup de peine pour cette petite qui n’avait pas encore quitté l’adolescence. Elle tendit la main vers Jess qui la lui prit et il quitta les lieux, furieux contre sa famille, mais heureux qu’elle se repose sur lui pour garder les pieds sur terre.

Deux femmes furent envoyées à leur suite mais Taeliya demanda à rester seule dans sa chambre le temps qu’on vienne la chercher.

Jess la porta quand elle voulut s’asseoir sur un fauteuil. Il la plaça sur ses cuisses. Elle se laissa sombrer contre lui, pleurant en silence, reniflant de temps en temps, accrochée à lui comme une petite sœur à son frère pour plus de sécurité, loin de cette vie ignoble qui n’avait de cesse de lui faire mal, maltraitant son corps et son esprit au point d’y laisser des traces indélébiles. Une heure plus tard, Stein la trouva endormie accrochée au jeune homme.

— On rentre, souffla-t-il pour ne pas la réveiller, bien trop furieux et n’ayant pas le cœur à ce qu’elle voit tous ces gens qui avaient osé la blesser pour demander des comptes dont elle restait encore ignorante.

***

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Samarra Okayo ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0