Petit déjeuner

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Depuis combien de minutes suis-je figé dans l’observation du résultat du travail méticuleux que je viens d’accomplir ?

Je suis épuisé d’avoir eu à fournir un tel niveau de concentration. Surtout de si bonne heure. J’ai dû faire preuve d’une précision microchirurgicale. Ne pas trembler, ne pas hésiter, sauf peut-être une milliseconde sur le choix du membre que je déciderai de sectionner en premier.

J’imagine que les meilleurs neurochirurgiens doivent avoir la même hésitation.

Je suis là maintenant à regarder les derniers soubresauts, l’ultime frémissement de l’infime souffle de vie qui subsiste encore dans ce corps mutilé.

Je suis admiratif de cette pugnacité à vouloir vivre. A tout prix.

C’est fou comme une créature vivante s’acharne à survivre alors qu’elle a conscience que cela n’est plus possible.

S’il y a bien quelque chose d’absurde c’est l’instinct de survie. Survivre ce n’est déjà plus vivre. Alors à quoi bon ?

Que peut-il bien se passer dans ce cerveau au moment précis où la vie tire sa révérence et qu’il n’y a plus aucun espoir de s’en sortir.

C’était parti d’un rien. Comme souvent le destin n’est que la résultante d’un ou plusieurs mauvais choix. Les choses s’enchainent et mènent invariablement à une issue aussi catastrophique qu’inéducable.

Elle avait choisi la plus mauvaise option. Il n’y a pas de hasard dans la vie.

M’agacer de si bon matin alors que je n’étais pas d’humeur, elle n’aurait pas dû.

Le plus délicat avait était d’être patient, de la surprendre et de l’immobiliser.

Puis délicatement, sans précipitation, je me suis attaché à la démembrer minutieusement.

Les tarses m’apparaissant comme trop petits, j’ai séparé les tibias des fémurs. D’abord le gauche puis le droit. Elle avait tressaillis, s’était débattue, en vain.

Puis les deux yeux. Il m’a fallu choisir la bonne taille d’aiguille, ni trop grosse ni trop longue.

Crever des yeux est une opération qui ne supporte pas l’amateurisme ou l’approximation.

Maintenant, sans mauvais jeu de mot, on ne voit plus très bien, mais avant elle avait eu de très grands yeux noirs, très mobiles très perçants.

J’ai fini par les ailes, c’était surement le plus facile.

Je vais maintenant l’achever, en écrasant mon mégot de cigarette sur ce qu’il reste d’elle.

Elle s’appelait Gloxine –quel nom stupide – c’’était une petit mouche.

Elle n’aurait jamais dû venir se poser sur ma biscotte beurre confiture.

Je l’ai dit, je ne suis définitivement pas du matin et c’était une très mauvaise décision de sa part que de venir me contrarier quand je bois mon café.

Il est maintenant l'heure de me rendre au boulot.

Je suis médecin légiste.

Ce travail ne me convient pas.

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