Assassinat

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- C’est grotesque ! S’il nous léguait la clé, nous l’aurions déjà reçue ! clamait Francis

- Vous oubliez qui est notre notaire. Répondit calmement Marcel.

- C’est vrai… Soupir

Marcel appuya sa tête contre son poing tandis qu’il posait son coude sur son bureau. Juste après le thé, il avait demandé à Francis de venir le voir. Ils étaient donc en train de parler de leur découverte récente.

- Que faire, alors ? demanda Francis.

- Il suffit de confier le testament –une copie- à un autre notaire que l’on mettra au secret.

- Oui, mais il faudrait que François re-meurt.

Soupir de Marcel.

- Mon pauvre Francis. Mon pauvre, pauvre, pauvre Francis. La nature ne vous a-t-elle pas dotée d’un cerveau en état de marche ?

Renfrognement de Francis.

- Que voulez-vous dire ?

- Qui sommes-nous ? Je veux dire, quel est notre métier ?

- Vous voudriez le…

Hochement de tête approbateur.

- Exactement. Confirma Marcel.

- Mais, c’est immoral.

Geste vague de la main.

- Si cela peut vous convaincre, j’ai déjà proposé aux autres la règle suivante. Le premier qui élimine François prend cinquante pour cent du pognon !

Instant de réflexion très bref.

- Evidemment, si vous prenez par mon point faible…

Frottement de main.

- Au passage, sachez que j’ai invité François à venir prendre le thé chez moi demain.

« Sans blagues ? Toujours une idée pour devancer les autres, le gras-double. Pensa Francis.

* * *

- Alors Marcel, j’ai cru comprendre que vous vouliez me parler.

- En effet.

« S’il me sort le même numéro qu’hier, je lui balance mon thé à la figure. Se dit François.

- Je vais être bref ! le rassura Marcel.

« Ce serait bien la première fois…

- S’il arrive que, d’aventure, vous mourriez, comme ça, par hasard et par malheur. Que se passerai-t-il ?

- Drôle de question.

Regard suspicieux.

- Après ce qui vous est arrivé, il est normal pour moi… euh, pour nous de nous inquiéter.

Irruption discrète de Julianne dans la pièce.

« Tiens ! Il était pas mort, lui ? se demanda-t-elle.

- Un peu de thé, monsieur François ?

- Volontiers, Julianne !

- Et vous, monsieur ?

- Non, merci mon petit.

- Vous ne prenez pas de thé ? s’étonna François.

- Pas avec mes médicaments. Répondit Marcel.

« C’est sûr que je n’aimerai pas le voir faire une crise cardiaque comme hier.

- Donc, pour ma question ? insista Marcel.

- Hé bien, dans le cas peu probable où je mourrai…

Gorgée de thé.

- La seule chose qu’il se passerait d’important serait l’application de mon testament.

- Et, que contient-il ?

- Quelle importance ?

« Ça a de l’importance que tu viens d’avaler du cyanure, pauvre cloche ! Songea Marcel.

- Simple prévision. Répondit-il à haute voix.

Spasme du bras.

- Par exemple, il…, il y a… commença François.

Essoufflement.

- Que vous arrive-t-il ? s’inquiéta faussement Marcel.

- Je… je ne sais pas… ce qui… ce qui…

Effondrement sur le parquet.

Halètements.

- Mon Dieu ! Julianne ! Julianne ! Venez vite !

Julianne, dotée d’une formation médicale assez poussée, ausculta le corps inerte de l’avocat.

- Il est mort, monsieur. Affirma-t-elle.

- Enfin ! s’exclama Marcel.

- Dois-je comprendre, monsieur, que cet empoisonnement au cyanure n’était pas accidentel ?

- Moins vous en savez, mieux ça vaudra, mon petit !

« Quel dommage ! Il était plutôt bel homme… songea la soubrette.

* * *

Dès le lendemain, l’enterrement était organisé. Marcel avait pris ses précautions et avait déjà préparé le cercueil et la cérémonie. Seuls les sept et quelques connaissances professionnelles étaient invités à ce simulacre de deuil. Lady Droséra était aussi présente, vêtue de crêpes noires, pleurant son client le plus fidèle. Au moment opportun, Marcel grimpa sur la tribune.

- Mes amis, mes collègues, aujourd’hui, nous disons adieu à François. Plus encore qu’une simple personne dans la foule de l’humanité, c’était un modèle : un modèle de droiture, un modèle de probité, un modèle de rigueur, un modèle pour tant de choses… Je crois que l’on peut dire que le moule dans lequel il a été fait…

- Murmure : Quel hypocrite ! Quand on sait que c’est lui qui l’a tué… Et de sang-froid.

- En plus, il rafle la moitié de la mise !

- Il nous a bien roulés, le bibendum.

- Oui, il est gonflé !

Gloussements étouffés.

Marcel, croyant que l’on riait à un de ses mauvais calembours, se mit à parler avec plus de vigueur.

- Jamais ! Jamais, vous dis-je, on ne pourra oublier un homme pareil. Il était de ceux qui marquent l’histoire ainsi que les mémoires, il était de ceux qui…

« Ca va durer encore longtemps ce blablas ?

« C’est impossible de débiter autant de bêtises en si peu de texte. Je me demande comment il fait.

« Oh là là ! Il est reparti pour tour… On va finir par mourir d’ennui si ça continue…

Finalement, après une dizaine de minutes, le discours fut fini. L’assemblée avait, sincèrement ou pas, la larme à l’œil. C’était un discours hypocrite, certes, mais un discours émouvant.

Tellement émouvant que le mort se moucha dans son cercueil, se leva et alla serrer la main de l’orateur médusé. Personne ne réagit devant cette résurrection en bonne et due forme.

- Je suis vraiment… ému. Je ne sais pas comment dire… C’était très beau ! Merci ! Merci beaucoup ! Je ne saurai jamais vous remercier assez. S’exclama le défunt.

Sortie de l’ex-cadavre accompagné de bruits de mouchoirs.

Tout le monde resta baba devant le plus ou moins miracle. Madeleine, comme toujours, fut la première à réagir. Elle prit Marcel à part.

- Vous baissez, mon vieux. Même pas fichu d’assassiner un collègue…

- Il était mort, pourtant ! Je ne comprends pas…

- Laissez faire une experte, incapable. Et sachez que vous avez perdu votre tour.

Départ de Madeleine à grands pas, puis des autres invités.

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