Coups de téléphone

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- Cette maudite clé demeure introuvable !

Simone était en pleine réflexion à son bureau et commençait à s’irriter. Sa concentration, plus intense encore que son café, fut troublé par une idée.

- Il faudrait s’adresser à cet empoté de François. Lui sait où elle se trouve. Je vais l’appeler.

Elle composa le numéro de François sur son téléphone. Une attente assez longue suivit.

- Qui est à l’appareil ? demanda Damien

- Bonjour. C’est Simone. Je voudrais savoir si…

- Non, il n’est pas encore arrivé.

- Comment saviez-vous ce que j’allais demander ?

- Voyez-vous, madame, vous me le demandez au moins deux fois par semaine.

- C’est vrai ! Où ai-je la tête ?

« Dans la recherche de cette fichue clé. Grommela secrètement Damien.

- Excusez-moi de vous avoir dérangé.

- Ce n’est rien, madame.

Raccrochement du téléphone.

- Jamais là quand on a besoin de lui ? Jamais là tout-court !

Elle se mit à faire les mille pas sur son tapis en ruminant. Adélaïde arriva quelques minutes plus tard alors que Simone se servait une aspirine.

- Avez-vous encore besoin de moi, madame ?

- Je ne crois pas…

« Et cette andouille de François qui n’est jamais là. Comme s’il nous évitait. Je le vois bien, d’ici « Et si c’est un de ces sept crétins, dites que je ne suis pas là ». Ah, mais non ! Ça ne va pas se passez comme ça ! J’ai une idée : faisons passer Adélaïde pour quelqu’un d’autre.

- Finalement, si. J’ai juste besoin de vous pour un petit détail. Il faudrait que vous appeliez chez François pour demander à lui parler, mais…

- Comment ? Monsieur François est mort ! Depuis 10 ans.

- Ben voyons ! Toujours des bonnes excuses quand on a besoin de lui !

- Vous étiez présente lors de son enterrement, et de plus…

- Oui, oui, je suis courant ! C’est tout lui, ça. Quel lâche !

« Il faudra que je l’appelle plus tard.

* * *

Martin regardait son téléphone avec désarroi. Il venait d’appeler chez François.

- Bonjour. C’est Martin à l’appareil.

- Bonjour monsieur Martin. Que puis-je pour vous ?

- Pourriez-vous me passer François ? S’il est là, évidement.

- Je suis sincèrement désolée, mais il est absent.

- Ah, bon ? Tant pis. Je rappellerai.

- Je le sais bien, monsieur… je le sais bien…

Fin de la conversation.

« Ce n’est pas possible ! Ne jamais être là quand on vient le voir, quand on l’appelle. C’est fou ! On dirait presque qu’il le fait exprès.

Fait exprès…

Et si, en effet, il le faisait exprès… Si ce n’était pas un hasard que François ne soit jamais là au bon moment, si ce n’était pas juste un coup du sort qu’il n’assiste jamais au thé du samedi…

Peut-être ne veut-t-il plus nous voir ? Si c’est le cas, ça ne se passera pas aussi facilement. Il sait où est la clé du coffre, il ne l’emportera pas au paradis… ou plutôt en enfer. Réfléchissons…

- Charles !

- Oui ? Vous m’avez appelé ?

- Oui, j’aurai besoin que vous appeliez François pour que…

- Mais…

- Qu’y a-t-il ?

- Monsieur François est mort !

- Quelle surprise ! Il est toujours mort quand on besoin de lui. C’est n’importe quoi ! Il va falloir faire quelque chose.

- Trouver un nouvel avocat, banquier et notaire ?

- Et juriste ? Ça ne se trouve pas dans chaque réunion des assassins professionnels. Et puis, pourquoi le remplacer ? C’est lui qui a la clé.

- Vous risquez de ne pas la trouver de sitôt. Soupir

- Je m’en doute bien. Il est toujours mort quand je l’appelle !

* * *

- Dites-moi, Marie. François est-t-il là ?

- Non. Il est encore absent.

- Bien. Je pense que je vous rappellerai un autre jour. En espérant qu’il sera là.

- Oui. Soupir. En espérant…

- Oh. Et s’il revient, pourriez-vous lui demander de passer chez moi ?

- Je n’y manquerai pas madame.

- C’est que j’aimerai lui parler d’un sujet important.

« Tu m’étonnes ! Encore une histoire de gros sous ! Songea Marie.

- Oui, oui. Ne vous inquiétez pas ! rassura-t-elle.

Conclusion de l’appel.

« Ah, ce François. Il se fait désirer. Beaucoup désirer. Vu que lui sait où est la clé, les autres ont dû aussi l’appeler. Il ne faudrait pas que l’un d’entre eux en apprenne plus que moi, ce serait catastrophique. Alors, pourquoi ne me réponds-t-il pas ? Est-ce que ce serait moi ? Ou nous ? Peut-être en a-t-il eut assez du crime, qu’il veut nous oublier. Non, impossible… Quoique, quoique… Voyons voir, il faudrait que quelqu’un l’appelle… Hortense ne va pas te laisser partir !

- Mélanie ! Où êtes-vous ?

- En bas, madame.

- Que faites-vous ?

- J’époussète les bibelots.

- Ca pourra attendre. Montez vite !

Arrivée de Mélanie dans le bureau avec le plumeau.

- Que dois-je faire ?

- Ça serait pour appeler François. Voyez-vous…

- Monsieur François ? Mais il est mort !

- Encore !

- Heu, oui…

- Depuis dix ans, c’est encore la même rengaine. Il est mort !

- C’est bien normal.

- Vous trouvez ça normal qu’il soit mort dès qu’on a besoin de lui.

- Sauf votre respect, je crois que votre métier vous fait voir les choses étrangement.

- Ah oui ? Et pour ma clé ?

- Sans doute vous le trouverez-vous avant les autres.

- Mais j’y compte bien, Mélanie. J’y compte bien. Et cela malgré monsieur le mort qui ne veut pas m’y aider.

* * *

Francis considérait son téléphone avec attention. Allait-t-il appeler François ou non ? Il craignait que le résultat soit le même que d’habitude.

« Bof, tant pis. Au pire, ce n’est qu’un coup de fil. Bien que je ne me fasse pas bien d’illusions, je vais essayer.

- Allo ?

- Bonjour Marie. C’est Francis à l’appareil.

- Ah. Monsieur François n’est pas encore là, si c’est ce que vous voulez savoir.

- Heu, oui. Comment le savez-vous ?

- Je le saurai, tout de même, si monsieur François était rentré.

- Non, non, je veux dire, comment saviez-vous que j’allais vous demander si François était là ?

- Ha ! C’est simplement que vous n’êtes pas le premier à appeler pour le demander.

- Ah bon ? Bas : zut, les autres essaient de me doubler, les traîtres. Vous entendez qui, par pas le premier ?

- Oh, je ne sais plus. Vous appelez tous plusieurs fois par semaines de toute façon.

- Bon, bon, bon… Si vous n’avez rien de plus ajouter, je vous laisse.

- Au revoir, monsieur.

Achèvement de la discussion.

« Les autres ont appelés ? Ils ne reculent devant rien. Ils n’ont décidément aucune morale. Mais je saurai triompher. Hélas, pour cela, il me faudrait l’aide de François. Lui, au moins, sait où est la clé. Comment le joindre ? On dirait qu’il n’est jamais là. Ou qu’il le laisse croire. Personne ne saurait être à ce point injoignable. Sauf si c’était volontaire… Et dans ce cas… Mais non ! Il sait où est la clé, il ne s’échappera pas avec. J’en fais le serment ! Je vais prouver qu’en vérité il est là. Faisons appeler Gaspard.

- Gaspard ?

- Oui, monsieur ?

- Pourriez-vous me rendre un service ?

- Bien sûr !

- Il faudrait que vous appeliez chez François.

- Bien.

Avancée de Gaspard vers le téléphone.

- Attendez ! Ce n’est pas fini.

- Excusez-moi !

- Alors, vous allez demander François pour…

- Je crains que cela ne soit pas possible.

- Que voulez-vous dire ?

- Eh bien, c’est que… comment expliquer ?

- J’attends !

- En fait, monsieur François est…

- Il est ?

- Mort !

- Mort ? Comme d’habitude ! Toujours la même chose. Il m’exaspère !

- Avez-vous encore besoin de moi ?

- Comment fait-t-il pour toujours être mort au mauvais moment ?

- Hum !

- C’est fou, enfin !

- Hum ! Hum !

- Qu’y a-t-il ?

- Je vous demandais si vous aviez encore besoin de moi.

- Non, vous pouvez disposer.

« Mort, mort, mort et re-mort. Je me demande comment il arrive à nous convaincre avec toujours la même excuse.

* * *

Le téléphone sonnait dans le vide. Personne ne se décidait à répondre à Marcel.

« Qu’est-ce qu’ils font ? Ça dure depuis au moins cinq minutes, ce petit jeu-là. Il serait peut-être temps que quelqu’un décroche. Allez ! Décrochez ! Décrochez, bon sang ! Ce n’est pas possible de laisser les gens attendre aussi longtemps.

- Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie de…

« Flûte, le répondeur !

- Il n’est pas encore rentré pour le moment. Merci de rappeler plus tard ou de…

Poussée violente du combiné sur sa base ayant pour conséquence l’arrêt du message.

« Mince, mince, mince… Que faire ? N’y avait-il personne pour répondre ? Ou personne qui voulait répondre ? Et si c’était ça ? Si on ne voulait plus de nous sept ? Un passé à effacer, ce ne serait pas le premier que je rencontre. Par contre, il sait où est la clé, et ça, ça lui ôte toutes excuses. Il faudrait faire croire que c’est un inconnu qui appelle, quelqu’un d’extérieur, mais qui ?

Temps de réflexion assez bref.

- Julianne ! Julianne ? Julianne !

Bruit de course dans les escaliers

- Oui, oui, me voilà ! J’accours !

- Julianne, mon petit. Il faudrait que vous appeliez François.

- Celui qui est mort ?

- Mort ? Depuis tout ce temps, il est encore mort ?

Silence assez prononcé

- Pourtant, depuis dix ans que ça dure… Il faudra que je réessaye.

* * *

- Hélas non, madame, il n’est pas encore arrivé.

« Mon dieu, je suis fatigué de devoir ressortir les mêmes discours à tous ces fouineurs.

- Je le préviendrai que vous avez appelé quand il sera là.

- J’espère bien, Damien.

Clôture du bavardage.

« Toujours pas là. C’est suspect… Je suis sûr que son absence n’est que feinte. Il doit vouloir garder la clé pour lui afin de conserver le pognon ! Quel égoïste ! Mais attends voir, mon mignon, Madeleine n’est pas du genre à se laisser faire. Je m’en vais te le piéger.

- Antoine ! Ici !

« Quelle pimbêche autoritaire ! Songea le majordome.

- C’est pourquoi ? demanda-t-il.

- Je veux que vous appeliez François.

- Cela risque d’être difficile.

- Tiens donc ! Et pour quelle raison ?

- Mais, il est décédé.

- Comment pouvez-vous savoir s’il est encore mort après dix ans ?

- Soupir. Je peux essayer, mais cela ne servira à rien.

« C’est qu’il a sans doute raison, ce bon à rien. Tant pis.

- Non, laissez, je m’en occupe.

* * *

- Enfin, c’est impossible !

- Si monsieur, comme je vous le dit.

- Tout de même, après dix ans. Ce serait bien le diable s’il est encore mort.

- Mais… il l’est toujours…

« Hm, fâcheux. Il faudrait trouver une solution. Pas question que François ou un des six cornichons emporte le magot sans moi. Théophile, mon ami, magne-toi le train !

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