Jour 2

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Je m’étais réveillé plus tard que d’habitude et pourtant j’étais encore plus fatigué que lorsque je m’étais endormi. Je me levai avec peine et partis me préparer. Je ne prêtais plus attention à l’odeur des serviettes ; ce devait être le produit qu’ils utilisaient pour les laver.

Une fois dans le couloir qui menait au hall d’entrée, je perçus cette sensation dans mon cou. Il me restait une heure pour déjeuner avant que le service ne ferme, ce qui était amplement suffisant. Une salade de fruits et un café plus tard, je me redirigeai vers ma chambre. J’avais oublié mes papiers et je ne voulais pas sortir me promener sans les avoir avec moi.

Je mis mes clés dans la serrure mais celle-ci ne tourna point. Plus inquiétant encore, j’entendais clairement quelqu’un qui s’affairait dans ma chambre. J’avais dû oublier de la fermer ou bien c’était l’heure du ménage. J’ouvris alors la porte. En franchissant le seuil, quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir Jean. Il semblait perdu, immobile au centre de la pièce, fixant un fantôme que lui seul pouvait voir. Je l’appelais mais il ne répondit pas. Je me rapprochai alors de lui avec précautions. Il semblait être dans un état second. Son visage, marqué d’une intense réflexion, se tourna enfin vers moi. Il paraissait le plus troublé de nous deux. Les secondes passèrent, où nous nous dévisageâmes sans broncher. Je finis par briser le silence.

— Que fais-tu ici ?

Il mit du temps avant de répondre.

— Je me suis trompé.

Et sans plus de manière, il sortit comme si tout cela était parfaitement normal, me laissant avec mes questions. Je restai sidéré un moment avant de reprendre mes esprits et d’analyser ce qui venait de se dérouler. Avant que je ne formule une hypothèse plausible, un éclat rouge attira mon attention. Il y avait ce que je pris pour un fruit, étrange, posé à même le lit. C’était un fruit rouge d’où partaient des feuilles aux pointes vertes.

— Quelle mouche avait piqué Jean pour qu’il me laisse ça ici ?

Sans plus attendre, je décidai d’aller le voir pour éclaircir la situation. Je laissai le fruit ici, en preuve, et sortis de ma chambre. Une fois à gauche, deux fois à droite. Je hâtais le pas vers la sortie lorsque Mya me salua.

— Belle journée n’est-ce pas ?

Belle et étrange journée certes. Je lui souris et lui souhaitai bon courage pour son labeur. Sur le chemin qui menait à la petite maison de Jean, je repassais plan par plan la scène à laquelle j’avais assisté quelques minutes plus tôt. Je voulais être certain que ce n’étais pas une pure invention de ma part.

Je toquai enfin à la porte. Comme à son habitude, j’entendis Jean râler avant de se lever et venir ouvrir. Ceci eut pour effet bénéfique de diminuer la tension qui m’enserrait jusqu’alors. Cela ne dura pas longtemps. Après qu’il m’eut invité à entrer, et que je lui eus conté ce qu’il s’était passé ; il me rit au nez. Et par-dessus tout, il sous-entendit très clairement que j’avais rêvé, faisant un mélange avec notre promenade de la veille.

— Et où est ce fruit alors ? me dit-il en continuant de rire.

Je lui expliquai que je l’avais laissé à l’hôtel en tant que preuve.

— En tant que preuve ? A quoi bon ? Tu aurais dû l’amener.

Un peu vexé par ses propos, je l’invitai à se rendre à l’hôtel avec moi pour lui prouver mes dires. Il accepta de m’accompagner mais ne s’abstint pas pour autant de faire un commentaire.

— Si tu voulais faire une sortie avec moi, cela aurait été plus simple de me demander tu sais.

Il ne me croyait pas. Je lui répondis par mon silence. Le chemin vers l’hôtel ne m’avait jamais paru aussi long. Jean marchait à mes côtés avec un sourire sur le coin des lèvres auquel je décidais de ne pas prêter attention.

Deux fois à gauche, une fois à droite. Je pris une respiration avant d’ouvrir. Mon cœur descendit de plusieurs étages dans ma poitrine lorsque je me rendis compte que le fruit n’était plus là. Je cherchais sous le lit, sous les draps, dans les tiroirs et même dans la salle de bain. Cela dut perturber quelque peu Jean car il finit par s’approcher de moi et me tirer hors de la pièce.

— Eh mon gars, c’est pas grave, ce n'était qu’un fruit.

Pourtant, j'étais certain d’avoir fermé la porte cette fois-ci. Une illumination traversa mon esprit et je filais déjà vers le hall, Jean sur mes talons. Son sourire avait disparu et il semblait comprendre que je ne plaisantais pas. Par chance, je croisai celle qui fut à l’origine de ma lueur d’espoir : Mya. Je fondis sur elle. J’avais le souffle court.

— Il y a un problème ? demanda-t-elle inquiète. Elle passa plusieurs fois son regard de Jean vers moi.

— Il y avait un fruit dans ma chambre. Où est-il ? dis-je en tentant de conserver un semblant de calme.

— Je ne sais pas. De toute façon, cela ne peut pas être une femme de ménage qui l’a pris pour la simple et bonne raison que votre chambre n’est pas sur la liste du matin.

— C’est-à-dire ? questionnai-je.

— Cela veut dire que nous devons passer dans votre chambre cette après-midi seulement.

Ma déception fut telle que je partis sans la moindre manière. J’entendis Jean s’excuser auprès de la femme de ménage avant de me rejoindre.

— Qu’est-ce qu’il se passe bon sang ?

— Si seulement je le savais ! soufflai-je.

Nous restâmes silencieux un instant tout en marchant vers l’extérieur.

— Eh et tu sais quoi ? On va aller marcher un peu. Ça va te changer les idées.

Je ne fis aucune résistance et suivis Jean. Espérons que la randonnée soit plus simple qu’hier.

C’était encore l’une de ces balades où le vert s’étendait à perte de vue. A mon grand étonnement, je fus plus apaisé lorsque nous entamâmes la descente.

— Alors ça va mieux ? questionna Jean en passant un bras autour de mon cou.

Je fus surpris par ce rapprochement impromptu.

— Un peu, dis-je en haussant les épaules.

Il acquiesça avant d’ajouter.

— Les personnes qui viennent ici seules amènent souvent avec elles le poids de leur passé. C’est peut-être ça qui te poursuit.

Sa voix tressaillit.

— Peut-être, répondis-je.

Il sous-entendit que parler me ferait du bien. Cependant, je n’étais pas prêt à avouer. Au final, il avait eu raison de ne pas me laisser seul. La solitude, c’est bien, mais parfois un peu de compagnie ne fait pas de mal.

Une fois chez lui, il me fit une tisane « pour m’apaiser » et je pris vingt ans de plus d’un coup. C’était une étrange journée qui s’achevait sur une soirée étrange. J’avais l’impression de m’observer de l’extérieur et d’être étranger à moi-même. Nous discutions de tout et de rien. Il avait allumé des bougies, sa maison ne disposant pas d’électricité. C’était mieux pour s’endormir apparemment. Nous abordions des sujets divers et aucun de nous ne reparla de l’évènement.

Il était très tard lorsque je rentrai. Je pris quand même une douche avant de m’allonger et me lover dans les draps. Ils avaient encore cette même odeur.

Cette nuit-là, je ne prêtais pas attention aux bruits venant d’au-dessus.

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