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Cela fait un an que nous sommes ensemble. C’était il y a un siècle, tant cela me semble lointain, tant ces mois, ces secondes sont pleines de nous deux.

Je t’ai raconté ma vie qui n’en est plus une, cette impression de flotter, de n’être pas là. Pourtant, je crois que pour les autres, je parais « normal ». Je vois bien que mes parents m’observent discrètement. Ils ont l’air rassurés. Je ne sais pas ce qui se passe. C’est comme si j’avais une enveloppe qui entourait le vide. Je suis le vide, avec toi. L’emballage assure les relations, la nourriture. Cela ne m’intéresse plus.

Dans ce néant se rallument ces moments intenses, quand nous faisions l’amour, en fusion absolue. Je redoutais l’instant où nous étions obligés de nous écarter, épuisés par cette jouissance explosive. Cette intensité expliquait le tout.

J’ai des choses graves à te dire. Je ne te les ai pas cachées, simplement je n’avais pas perçu leur importance.

Je t’ai dit que mon mimétisme avait disparu et que des gens me parlaient. C’est une expérience difficile, mais j’y arrive, apparemment sans montrer mes efforts. Tu vois, même sans tes conseils, je progresse un peu. Ce sont eux qui viennent vers moi. Avant, je me serais liquéfié au premier mot, terrorisé par cette attaque. Tu m’as tout appris. Ce que tu m’as fait rire quand tu as découvert toutes mes observations et analyses des autres ! J’ai toujours fonctionné ainsi. Je ne parle pas, on ne me voit pas, mais j’observe et j’enregistre tout. C’est nécessaire pour ma sécurité. Tu m’as appris les comportements, je t’ai appris à regarder. Nous sommes si complémentaires ! « Tu m’as multiplié par dix » : ce sont tes paroles. L’inverse est aussi vrai. Ensemble, nous sommes mille fois plus que deux.

Camille est vraiment une gentille camarade. J’ai toujours préféré fréquenter les filles. Elles sont plus douces et attentives à ce que tu ressens. Tu m’as montré que les garçons pouvaient être pareils. Elle me pose plein de questions. Elle semble apprécier ma compagnie, pourtant peu bavarde. Heureusement que tu m’as appris à exprimer mes sentiments. Je n’ose pas trop, mais elle non plus. Ça me convient bien, car ça reste simple pour moi. Tu te souviens, j’ai un peu de mal à déchiffrer les émotions chez les autres. Tu m’as traité d’autiste, car il parait que c’est un de leur trait. On a beaucoup parlé de tout ça. Tu jouais la comédie pour me faire comprendre. En fait, c’est une question d’habitude. Pourquoi je ne comprends personne alors que pour toi je devine immédiatement où tu es dans ta tête.  En te voyant arriver de loin, je savais s’il y avait eu une crise chez toi et si tu étais malheureux. Il fallait que je fasse vite, car dès que tu m’apercevais, je te voyais t’épanouir et tout s’effaçait derrière ta joie. Sans que je le lui demande, elle m’a dit que Juliette était sa petite amie. Pourquoi m’a-t-elle fait cette confidence si personnelle ? Tu crois que je dois lui dire pour nous ? Juliette est plus distante. J’espère que cela ne va pas créer des jalousies entre nous.

Il y a aussi Maxime ; il me fait penser à toi. Le même charisme qui agglutine les insignifiants. Il me connait et m’appelle par mon nom ! Tu vois, avant toi, jamais je n’aurais approché un mec comme lui. Il est sympa, mais apparemment sans grand intérêt, à part sa jovialité dont je n’ai rien à faire. On ne devine rien derrière cette belle façade. Pas comme toi ! J’ai su dès le premier regard que tu étais hors du commun. C’était vrai ! Je ne me trompe jamais !

Rassure-toi, je ne vais pas te défiler toute la classe ! Tu as deviné que je garde le meilleur pour la fin. Pas le meilleur, le plus intrigant, celui que je ne cerne pas et donc que je désire connaitre. Il s’appelle Hugo. Il serait séduisant s’il n’avait pas ses protections. Je sens bien qu’il est comme moi, préférant se fondre dans les murs plutôt que d’être interpellé. Je veux dire moi avant toi, enfin, encore un peu. Il dégage un mystère et on devine beaucoup de douceur. Il semble autant espérer m’approcher que moi. Je n’ai jamais su faire le premier pas. Tu m’as beaucoup appris, mais tendre la main, inviter par un sourire, montrer de la sympathie, je n’y arrive pas encore.

Tu vois, je survis et je t’embête avec mes histoires sans importance.

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