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Je suis désolé. Je ne suis pas venu depuis si longtemps. J’ai besoin de te sentir près de moi. Tu sais que tu es toujours avec moi, chaque instant, chaque pensée. Pourtant, il s’est passé des choses bizarres. Je t’ai parlé de Hugo. Depuis que nous avons échangé quelques mots, il est collé à moi. Il est silencieux, il ne me regarde pas, mais il ne me quitte pas. Je dois t’avouer que cette présence me rassure, me calme. Je peux penser à toi sans que le gouffre s’ouvre.

C’est moi qui lui parle. C’est difficile, car chaque parole est accueillie avec un immense sourire. Il semble attendre beaucoup, mais je n’ai rien à donner. Plus rien.

Pourtant, depuis qu’il est près de moi, je me sens un peu mieux.

C’est bizarre que nous ayons pu nous entendre. Nous appartenons à deux mondes différents, toi, le fils de riche, avec ta peau si blanche, tes minuscules taches de rousseur, moi, le basané de la cité, avec mes yeux un peu bridés, nous, avec nos caractères à l’opposé et, malgré tout, nous sommes pareils. Je devinais tout de toi et tu savais tout de moi, alors qu’avec Hugo, nous ne savons rien de l’autre. C’était sans importance, mais les choses ont changé, c’est ça que je suis venu te raconter. Tu dois savoir.

L’autre jour, nous étions seuls dans la salle de cours. Nous venions de terminer le travail et étions satisfaits du résultat. Un moment de relâche. Dans cet instant, où rien ne se passe, il a posé sa main sur mon bras. Je n’ai pas réagi. Tu sais, c’était le premier contact physique depuis… Personne ne m’avait touché, même pas mes parents. J’avais oublié cette sensation. J’avais les yeux baissés, lui aussi. Je le devinais gêné par ce geste qui devait lui coûter. Je n’ai rien dit.

Le lendemain, il a recommencé. Je savais qu’il lui fallait du courage pour cette ouverture. Je ne veux pas te mentir : une chaleur irradiait de sa main, au travers de mes vêtements. Je sentais de l’énergie passer. Je retrouvais, faiblement, si faiblement, les embrasements que tu me procurais. La nostalgie m’a envahi, le vide est devenu brulant. J’ai retiré mon bras.

— Désolé, mais je ne peux pas…

— Excuse-moi, Joachim.

Rien d’autre ! Alors que soudain, j’avais terriblement besoin de cette main. Il venait de tout réveiller. Je me suis enfui. J’avais besoin de toi, de retrouver notre histoire. Mais rien ne venait. Je t’avais perdu. Je cherchais une image, te voir, t’admirer. Tout était effacé. Je me suis rendu compte que je n’avais aucune photo de toi. Jamais nous n’avons pensé à nous prendre. Pourtant, c’est si facile, si évident. J’ai des tonnes de photos, aucune de toi.

Voilà ! J’ai perdu tes yeux, j’ai perdu ton sourire, j’ai perdu l’image de ton corps. Je sais juste que c’était merveilleux. Seule l’impression demeure.

Je ne me suis endormi qu’au petit matin. Je suis complètement désespéré de te perdre. Jamais je ne te reverrai, mon esprit t’a effacé. Ce n’est pas ma volonté, oh non !

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