Chapitre VI : Les Satellites

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 Après avoir pris le café avec Nita dans la véranda, Yves m’emmène dans le parc, dans une zone peu fréquentée. Que va-t-il me faire découvrir ? Il s’arrête.

- Que vois-tu ? Décris-le-moi.

- Il y a du gravier au sol ; devant une magnifique haie, à environ quatre mètres, sur les côtés, il y a des plates-bandes fleuries, des œillets d’Inde, je crois.

- Tends la main et avance doucement.

 Je sens une résistance, comme un mur, je recule et regarde Yves qui a l’air amusé.

- Tu as devant toi un cylindre d’un mètre cinquante de diamètre et deux mètres vingt de haut. Je vais te le montrer.

 Effectivement un cylindre se matérialise.

- On tourne « Doctor WHO »[1] ?

- Je vois que tu connais bien tes classiques. Les parois de ce cylindre sont recouvertes de petits écrans et de micro caméras. Les caméras de derrière retransmettent des images sur l’avant, donc toutes les caméras retransmettent une image à l’opposé, ce qui rend le cylindre invisible. Le système est un peu plus sophistiqué, mais en gros c’est ce qu’il se passe.

- C’est génial, et pourquoi fais-tu disparaître ce cylindre ?

- Ce cylindre est un ascenseur.

 Une porte s’ouvre. Je suis Yves à l’intérieur. Les parois semblent transparentes. Une barre circulaire, à environ un mètre vingt du sol, fait les trois quarts de la circonférence avec en son milieu un petit tableau de commande.

- Si les parois, à l’intérieur, te paraissent translucides, c’est dû aussi à de petits écrans qui te retransmettent une image de l’extérieur. Prêt pour t’élever ?

 L’ascenseur s’élève de cinq mètres, une vue magnifique du parc s’offre à mes yeux.

- A quelle hauteur peut monter ton ascenseur ?

- Nous nous limiterons à cent mètres, ce qui correspond à notre destination.

- Destination ?

 L’ascenseur reprend son ascension, la vue change, une salle apparaît, la porte s’ouvre. Sonia, en uniforme bleu roi avec des torsades argentées sur les épaules, nous accueille.

- Bienvenue à bord, André.

- Bonjour Sonia, où sommes-nous ?

- Suis-moi.

 Je me retrouve devant un poste de pilotage similaire à celui du simulateur avec lequel j’ai exploré notre système solaire.

- Je pense que, maintenant, tu comprends pourquoi je t’ai formé sur le dernier simulateur. Nous sommes à bord d’une navette spatiale de vingt mètres de long.

 Abasourdi, je commence à réaliser l’ampleur des secrets que me cache Yves, où cela va-t-il s’arrêter ? Nous nous installons autour d’une table dans une cabine de la navette.

- Comme tu le vois, tous mes secrets commencent à t’être révélés. Avant de continuer, on va faire un petit briefing. Sonia, aux yeux des initiés, est ma secrétaire particulière, personne ne connaît en dehors de toi et moi sa vraie nature. Pour les androïdes, c’est la même chose, on ne doit pas révéler leur existence. Par contre, nous avons aussi, ce que nous appelons, des droïdes, qui sont des robots, à apparence humaine pour certains, qui sont programmés pour des tâches diverses, ce sont donc des machines.

 Notre planète est entourée de vingt satellites géostationnaires, invisibles de la Terre. Le plus ancien, le S500 fait cinq cents mètres de diamètre, sept S200 donc de deux cents mètres de diamètre numérotés de S200-1 à S200-7, ils sont tous les huit habités. Un roulement a été établi, les occupants y séjournent deux mois, une relève a lieu mensuellement pour la moitié des effectifs. Et enfin douze S50 de cinquante mètres de diamètre numérotés de S50-1 à S50-12 qui sont autonomes, leur maintenance est assurée par les plus gros. Le S500 gère tous ces satellites, qui sont équidistants. Sonia, on va faire une pause, il faut laisser à André le temps de digérer.

 Sonia nous sert des boissons. Tous deux semblent s’amuser de mon air ébahi. Où va donc s’arrêter ce déluge d’informations qui me tombent dessus ?

- Si tu le souhaites, on peut en rester là pour aujourd’hui et reprendre demain.

- Non, maintenant que nous avons commencé, je préfère aller jusqu’au bout.

- D’accord… Revenons aux satellites, ils sont tous entourés d’un champ de force qui les protège des impacts de micro météorites qui pourraient les endommager. Les météorites les plus grosses, sont capturées par des vaisseaux spécialisés avant d’atteindre leur cible. Il existe un satellite plus gros que l’on appelle « Le Beignet ». Il est situé sur une orbite à mi-parcours entre la Lune et la Terre. Ce satellite à la forme d’un tore de dix kilomètres de diamètre, pour une section du tube d’un kilomètre, il n’est pas encore terminé, il reste un peu moins d’un quart à finir, mais il est opérationnel. Nous avons, également, positionné un satellite autour de chaque planète du système solaire, pour le moment, ils ne sont pas habités, sauf un, un S200.

- Laisse-moi deviner. Celui qui est habité c’est celui de Mars ?

- Oui, tu as vu juste. Revenons à la Terre. Sur notre Lune, nous avons construit une base qui fait cent kilomètres de diamètre, protégée par un dôme hémisphérique. Cette île, car entourée d’eau, nous l’avons appelé « Atlantis ». Toutes les légendes concernant Atlantis m’ont toujours fait rêver. Voilà, tu en sais suffisamment pour aujourd’hui, maintenant on va pouvoir commencer les visites. Nous allons nous rendre sur S500, mais avant on va se changer.

 Yves me donne un uniforme de la même coupe que celui de Sonia avec une torsade or sur les épaulettes, sur son uniforme les torsades or sont plus larges.

- Tu vas découvrir l’empire. J’en suis le chef suprême le « Commandeur », toi tu es mon bras droit, le « Dauphin », et Sonia ma secrétaire particulière. Tous les gens de la communauté que tu vas rencontrer sont des initiés, sauf bien sûr en ce qui concerne la vraie nature de Sonia et des androïdes. Sur les satellites habités, il y a toujours un télépathe et cinq soldats dont un lieutenant. Je pense que le télépathe va essayer de te sonder, sois prudent et surtout impose-toi, on doit te respecter. Laisse tes canaux télépathiques ouverts à Sonia et à moi-même, comme ça, si besoin, on pourra t’aider, te guider.

 Nous nous rendons dans le poste de pilotage. Sonia prend les commandes. Le vaisseau commence à s’élever de plus en plus vite, le bleu du ciel disparaît pour faire place à un noir parsemé d’étoiles.

- La gravité est artificielle, donc, tu ne ressentiras pas les effets de l’apesanteur.

 Sonia prévient S500 de notre arrivée. Elle active un filtre qui nous permet de voir le satellite invisible de la Terre. Une sphère, dont la taille ne cesse de grandir, apparaît. S’en suivent des manœuvres d’accostage. Nous nous retrouvons dans un hangar, les portes se referment. Nous descendons du vaisseau et sommes accueillis par les cinq militaires, au garde à vous. Le lieutenant s’avance vers nous.

- Bienvenue à bord, Commandeur.

 Escortés par les cinq militaires nous arrivons dans une grande salle où tout le personnel nous attend. Le responsable nous accueille. Je sens une onde télépathique discrète qui essaie de me sonder, je repère l’origine et me tourne vers le télépathe.

* Paul, inutile d’essayer de me sonder, vous risqueriez de vous faire mal.

* Monsieur le Dauphin, veuillez excuser mon impertinence.

* Je vous excuse.

* André, tu as très bien réagi.

* Heureusement que tu m’avais prévenu, il va falloir que je m’habitue à rester sur mes gardes, merci de m’avoir donné son prénom.

* Pour le prénom, c’est Sonia. D’ailleurs, heureusement, qu’elle est là. Il m’est impossible de connaître tout le monde.

 Après les présentations et une visite guidée du satellite, Yves nous fait servir une collation.

- Nous allons rejoindre le Beignet où nous passerons la nuit.

 J’aperçois, par une baie vitrée, une sphère blanche qui approche, Yves ayant suivi mon regard :

* C’est notre vaisseau privé, « Le Maraudeur » cent mètres de diamètre.

Le Maraudeur s’ancre au satellite. Nous prenons congé de l’équipage du S500 et, par un sas, rejoignons le Vaisseau. Arrivé sur le Maraudeur je retrouve, avec étonnement, Claude et Sylvain dans des tenues bleu ciel sans décoration. Ils nous conduisent à nos appartements.

- Nous avons droit à un moment de détente, deux heures environ. Tu veux boire quelque chose ?

- Oui je veux bien.

- Je vais en profiter pour continuer ta formation. Mais, avant, as-tu des questions ?

- Toutes les ressources nécessaires pour la construction de tous ces satellites, où les prends-tu ?

- Pas sur la Terre, nous ne pouvons ruiner notre planète. Des vaisseaux spécialisés sont chargés de récupérer les météorites errantes de notre système solaire, en priorité celles qui pourraient présenter un risque pour nos installations. Ainsi, nous avons évité plusieurs catastrophes à la station internationale. Bien sûr, elle n’en est pas consciente. Ces météorites récupérées sont désintégrées en particules élémentaires qui sont ensuite recombinées pour nous fournir les matériaux dont nous avons besoin ; le métal, dont sont constitués nos satellites, est un alliage, plus résistant que l’acier, qui a un taux de dilatation nul, il en est de même pour les vitres.

- Je suppose que vous ne trouvez pas toujours tous les composants nécessaires.

- Exact. Par exemple l’eau ou l’oxygène : pour les obtenir, nous modifions la structure des atomes. C’est plus compliqué et ça prend plus de temps. Tu veux savoir autre chose ?

- Non, pour le moment.

- Le Beignet est récent, il reste un quart à terminer ; il comporte six compartiments étanches qui peuvent être isolés, si besoin, pour de la maintenance ou en cas de problème. Il tourne autour de son axe central, ce qui permet d’obtenir une gravité à l’intérieur. Quatre compartiments sont opérationnels. Il sert de relais entre la Terre et la Lune et, également, de centre de loisir. Les gens de l’empire peuvent y séjourner pour des vacances. L’effectif de l’empire est faible, c’est pour cela que nous recrutons sur Terre, mais c’est une opération délicate ; ça doit se faire en toute discrétion et selon des critères très stricts ; l’on ne peut pas recruter des personnes qui pourraient semer la zizanie dans l’empire. Actuellement, à bord, il y a surtout des droïdes chargés de la construction et des aménagements, un directeur, quelques savants, un petit détachement militaire et quelques vacanciers. Tous y sont pour des séjours aménagés selon les besoins ou à la convenance des gens de passage. Dans l’empire, il existe une grande liberté : l’argent n’existe pas, la propriété non plus, chaque couple a droit à une maison qu’il peut aménager selon ses goûts. Des architectes et des artisans, humains ou droïdes sont prévus pour cela. Pour les célibataires, ils ont le choix entre une petite maison ou un appartement. Pour eux, des salles communes sont prévues, telles que cantine ou salle de loisirs afin de favoriser les rencontres. Il n’y a pas de différences entre homosexuels et hétérosexuels. Tous les équipements sont réalisés pour durer, la notion de consommation n’a pas cours, tout ce que l’on crée est fait pour se maintenir. Un objet, qui n’est plus utilisé, est recyclé. Dans chaque maison ou appartement, il y a, au minimum, un droïde ménagé affecté.

 Nous commençons à apercevoir le Beignet. Viens, nous allons rejoindre Sonia au poste de pilotage.

 Arrivés dans le poste de pilotage, on peut apercevoir le satellite : il ressemble vraiment à un beignet dans lequel quelqu’un aurait mordu, il en manque un morceau. Il grossit, notre vaisseau ralentit. La bouche d’un hangar, vers lequel nous nous dirigeons apparaît. Il est immense, d’autres vaisseaux y sont parqués. Une fois les portes du hangar refermées, nous quittons le Maraudeur, le directeur nous attend. On prend place dans un glisseur, véhicule sans roue, qui nous amène dans ce qui ressemble à une ville. Nous sommes invités à un buffet où les présentations ont lieu. Tous ces protocoles depuis S500 commencent à me gêner, à m’indisposer, Yves s’en aperçoit. Nous quittons cette assemblée pour rejoindre notre suite.

- ça va ? Je te sens tendu.

- Excuse-moi, mais là, je crois que je sature.

 Notre soirée se termina en tête à tête. Yves évita de me gaver d’informations et ne répondit qu’à mes questions.

 Le lendemain, nous faisons une balade en glisseur, rien que nous deux. Le tronçon qui m’impressionne le plus est celui qui comporte un bois, peuplé d’oiseaux, de biches et de petits rongeurs. Nous y faisons une pause. L’endroit est calme, une odeur d’humus flatte mes narines ; le chant discret des merles dans la futaie me rappelle mon adolescence, lorsque je me promenais dans les bois avec mes parents. Je me sens détendu.

 Le midi, nous mangeons avec le directeur et sa femme, en plein air, dans leur jardin. Il nous parle de l’avancement des travaux, on sent en lui une certaine fierté.

[1] Série télé anglaise de Sydney Newman et Donald Wilson

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