La légende du cul ensorceleur

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Le seul moyen d'oublier ses souvenirs, c'est de s'éclater la cervelle.

J'ai rencontré cette fille. J'avais pour habitude de me poser sur ce banc en bas de chez moi, pour méditer, ou fumer, ou les deux, ce qui rendait la première raison pour lequel était posé mon cul sur ce tas de bois miteux plein de fientes de pigeons plus accessible. Petit havre de paix, je me prenais pour une sorte de psychologue a 2 dollars, observant le monde tourner autour de moi, la rue faisant office de divan, m'amusant à scruter les passants, m'imaginant leur vie. Y'avait de la matière, plutôt variée, une mine d'or pour mon imagination perfide : Entre ce cadre à la fleur de l'age qui passait tous les jours a 18H30, les cheveux bien (que trop) gominés, costard bien taillé, puissance sociale apparente, sans doute un putain de gros frustré hypocrite qui une fois rentré chez lui, devant sa "tarte au thon du mardi" et la foire au malheur du journal de 20H, devait se taper les braillements de ses gosses et les reproches de la truie en bout de table qu'il avait épousé 15ans et 15kg plus tôt, sur divers débats dont il se contrefoutais, ou alors cette supposée immigrée Chileno-Péruviano-Mexicano-Jesaispastrop poussant son caddie, et son troupeau de gosses aux chaussures trouées, courant, se bagarrant et gueulant devant une génitrice dépassée, mais encore cette joggeuse aux formes rondes, en nage, les yeux prêts a sortir des orbites, qui se fait mal tous les jours parce que dans les pubs pour les parfums, dans les films à Hollywood, les magasines auxquels elle est abonnée, dans ses souvenirs d'enfance, c'est toujours les princesses a la silhouette étroite que les garçons regardent. J'entretenais ma misanthropie avec exaltation, me nourrissant de visages pales, de chiens errants, de pigeons mouates et insignifiants, échantillons parmi d'autres, vitrine d'une société de fer, ou, des ailes dorées aux ailes brûlées, un oiseau en cage reste un oiseau en cage, qu'il ait les plumes sales, pleines de sueurs, ou même gominées.

Tous les jours je venais pointer, m'installant confortablement devant ce défilé me faisait passer le temps, quand un jour, il s'est figé.

Loin de ressembler a un stupide oiseau mangeur de pain, elle était féline, en attestait sa démarche. Je l'ai de suite remarquée, arc en ciel mouvant dans un film en noir et blanc, ses longs cheveux bruns se balançaient de gauche a droite a chaque fois qu'elle posait pied devant l'autre, sa crinière prenant fin sur le bas de ses reins, me laissant sur ma faim, en pointe, comme une flèche désignant la direction de la 8eme merveille du monde. J'avais déjà entendu parler de la légende du cul ensorceleur, brève de comptoir contée par quelques poivrots notoires accrocs au PMU, et comme je ne crois que ce que je vois, j'en déduis que l'alcoolique pouvait parfois avoir des moments de lucidité, et je venais certainement de me faire ensorceler. Elle avait l'air d'avoir un visage en porcelaine de la ou j'étais, poupée de cire, du genre de celles qui t'angoisse et te glace l'épiderme de par leur beauté froide dans les films d'horreur, la blancheur des anges, l'innocence opaline, trop parfaite pour qu'on ne suspecte, l'enfant du Diable, sous ses traits fins, les flammes de ses tréfonds. Elle s'est doucement effacée de mon champs de vision. Et je suis rentré chez moi, sous le choc. Bref et éblouissant, comme un coup de tonnerre en plein l'iris, depuis cet instant, des flashs constants de pureté encrés dans la rétine.

Cette nuit la en rentrant chez moi, j'ai pas pu dormir.

Les jours qui ont suivis, j'ai bien pris le soin de rejoindre mon banc a l'heure a peu prés exacte ou je m'étais fait électrocuté. Elle s'est pas montrée, mais le jour suivant si. Ça lui donnait un coté rare et imprévisible, comme les comètes du ciel, et j'aimais ça. La sorcière se mit a passer tous les jours, a heures irrégulières, et moi, je me mis a m'émerveiller tous les jours, a journées régulières, dans la plus grande discrétion qui soit.

C'est alors qu'un jour ou je glandais sur mon banc, rien de très original dans ce papier, elle est apparue dans mon champs de vision, mais cette fois ci, c'était pas un défilé pour rassasier le désir des voyeurs postés sur les bancs publics, elle a directement bifurqué vers moi, droit dans ma direction, le voyeur il venait de se faire griller? Impossible qu'elle m'est remarqué, meme les oiseaux se posaient sur moi. Toujours est il qu'elle avançait vers moi d'un pas décidé et a chaque fois qu'un de ses talons hauts faisaient claquer le sol, je prenais un coup de marteau dans la poitrine, j'étais glacé, t'aurais pu me gifler avec une poêle que j'aurais pas compris. Elle s'est assise a coté de moi et m'a fixé. Moi, je prenais mon air con, le plus naturel par défaut, faisant mine de regarder le ciel, comme si les chinois débarquaient enfin en parachute pour nous foutre sur la gueule ou un autre truc du genre super important qui se passerait au dessus de nous, bref, du genre "j'te fais pas attention" assaisonné de ma tête d'innocent-coupable, dont juge me.

- HEY!

Je tourne la tête et me retrouve plongé dans les eaux troubles de ses yeux vert serpent, encore plus envoûtants que son petit cul en réalité. Un hybride reptilo-félin, superbe créature venue d'un autre monde, même pas encore inventé, ou les poupées de porcelaine jetteraient du venin paralysant par les yeux, et quels yeux!!! En porcelaine, et je me suis fait tout petit, Georges.

- He, euh, bonjour..

-Tu sais, mon cul, il est exceptionnel, tu trouves pas?

-Heu, je..

-Et tu sais pourquoi?

-Pardon? Je..

-Ouais mec, on est très fusionnels lui et moi, et tous les soirs depuis 1 mois, il croise ton regard a ce qu'il parait.

-Heu, je vois pas de quoi tu parles, je...

La, elle me regarde en souriant, je vois la clarté de ses dents blanches, ces petites pommettes rosées se hisser comme les deux bras armés d'un picador juste avant une mise a mort, j'étais la pauvre bête, prise au piège et sans défense, en train de succomber, vous voyez le truc, c'était de la torture, c'était interminable, et j'avais l'air d'un minable. Aucun mot de plus n'est sorti de ma bouche, ma langue pendait dans la poussière. Je suis resté figé, l'espace de quelques secondes.

-Tu manques cruellement de courage mec.

Elle s'est levée et je l'ai regardée partir, je crois que c'était sa façon de me dire "touche avec les yeux, blaireaux!"

Recalé, l'histoire de ma vie. Mais si cette dernière m'a appris a la perfection les rudiments du recalage, elle m'a aussi, bien obligé, appris a me battre pour obtenir ce que je veux, et j'adore le goût que me procure la bagarre, quelle que soit la forme qu'elle prenne, elle te maintient en vie.

Je l'aurai. La porcelaine, c'est fragile.

Le lendemain, Madame se pointe, et file, sans un regard. Je décide alors de la suivre. La discrétion n'étant pas mon fort, je reste loin, très loin, trop loin pour qu'elle puisse me remarquer mais ce qu'il faut pour la perdre de vue, prudence. On s'enfonce dans les vieux quartiers et les labyrinthes urbains, elle accélère, le félin sent ce genre de trucs. Le pas rapide, je tente de suivre, esquive la foule, mais tout va trop vite et je la perd de vue, au détours d'une ruelle, elle disparaît! Je cours! Je tourne la ou elle s'est volatilisée, dans un élan de panique, et au moment même ou je m'extirpe de la courbe de ce dernier tournant sérré, je me retrouve nez a nez avec deux bombes. C'est celle du nom de lacrymogène qui a réagi en premier. Pas de détonation non, juste un long pshiiiiiiiiiiiiiiiiit piquant les yeux, comme si quelqu'un venait de dégonfler mes vieux plans pourris, suivi d'un merveilleux " Dégage, sale détraqué!".

Recalé aux repêchages.

Elle était déjà partie avant même que je comprenne ce qui venait de se passer, elle m'a laissé souffrir en paix, quel panache. Je suis resté la a pleurer sans tristesse pendant une bonne heure, de toute façon, je ne voyais rien pour marcher. Après ça je suis rentré chez moi, j'ai fumé un petit pétard tassé et je me suis parti m'étaler sur le lit, pas de mal a fermer les yeux, je t'assure. J'étais sur le point de m'endormir quand quelqu'un a frappé a la porte. En ouvrant, j'ai été étonné de voir le sourire ange leurre de mon agresseuse:

-ça va mieux?

-Comment tu sais ou j'habite??!

-J'ai suivi le seul mec qui zig-zaguait dans la rue en perdant des gouttes, mais on s'en fout. Comment tu t'appelles?

-Tu te fous de ma gueule?!!..........Je m'appelle P.

-Enchantée P., moi c'est A.

Elle m'a serré la main, on a serrer nos corps, elle m'a serrer le cœur, j'ai signé mon arrêt de mort.

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